En tournage jusqu’en octobre prochain, la série bilingue est produite pour la première fois à parts égales par les deux chaînes publiques belges, la RTBF et la VRT. Scénarisée par Willem Walllyn (De 16) et réalisée par Wouter Bouvijn (The Twelve), elle est portée par les acteurs Tijmen Govaerts, Roda Fawaz, Aimé Claeys, Yoann Blanc, Mona Mina Leon, Guillaume Kerbusch et Tom Vermeir, entre autres.
L’homme traverse la cour qui mène aux Archives de Bruxelles et on pense avoir une hallucination. Cette silhouette avec ce brushing impeccable, ce col roulé et ces larges lunettes fumées, on jurerait le petit frère de Tahar Rahim dans Le Serpent (série Netflix). Et pourtant non, c’est bien le comédien Roda Fawaz entré dans la peau de Madani Bouhouche, mi-gendarme, mi-gangster au passé tumultueux, soupçonné d’être lié au fameux dossier des Tueries du Brabant.
Pour les besoins de son enquête, il vient consulter divers dossiers. Déambulant au milieu des rayonnages métalliques du 4e étage de ce bâtiment à la majestueuse cage d’escalier, Bouhouche sait comment faire pour obtenir ce qu’il veut. Un rôle plein de zones d’ombre qui a tout de suite séduit l’acteur Roda Fawaz.
S’effacer derrière l’Histoire
« Bouhouche détestait être arabe, lui-même était raciste, il se blanchissait la peau et se faisait appeler Dany pour renier ses origines. » Même s’il a beaucoup lu et rencontré des spécialistes de l’affaire pour se préparer, l’acteur s’efface derrière l’Histoire. « La série propose une piste et une analyse de l’affaire des Tueries du Brabant. J’ai discuté avec Willem (Wallyn, le scénariste, NdlR) pour savoir quelle était l’option retenue. À un moment, il faut cesser de comparer toutes les théories en présence et créer le personnage en se basant sur les faits et pas sur la morale. »
Une même volonté de recul anime le comédien principal Tijmen Govaerts, qui n’était même pas né à l’époque et joue le jeune gendarme Marc. « J’ai seulement vu le film ‘Niet Schieten’ de Stijn Coninx avec ma grand-mère, qui a été très marquée par les Tueries. Je ne savais pas qu’il existait autant de théories sur cette affaire, je ne connaissais que l’histoire du Delhaize d’Alost et le fait que la gendarmerie était liée à l’affaire. Donc j’ai découvert son ampleur et toutes les thématiques qui en découlent en préparant la série… », explique le comédien.
« Ça va un peu dans tous les sens, cette affaire, résume Roda Fawaz. C’est une cartographie de la Belgique plus qu’une série sur les Tueurs du Brabant. On en apprend beaucoup sur cette période-là. Je ne suis pas un enfant de cette génération, je suis plus un enfant de l’époque Marc Dutroux. J’en avais entendu parler, mais j’en ai des souvenirs très vagues. On sent que c’est une affaire qui a marqué le cœur de la Belgique. Avec un tas de dysfonctionnements mis en lumière. »
Objectif : boucler la production en septembre 2022
La série, en tournage en plein cœur de Bruxelles, est 100 % belge puisque comédiens francophones et néerlandophones s’y côtoient pour la première fois dans un projet ancré au cœur des deux communautés. Aux côtés de Tijmen Govaerts (Muidhond, Becoming Mona), on croise l’impressionnant Tom Vermeir, visage récurrent des séries flamandes (Beau séjour, De Twaalf, De Dag), ainsi que Roda Fawaz (Unité 42 et Invisible), Yoann Blanc et Guillaume Kerbusch (La Trêve), entre autres…
Entamé le 10 mai dernier, le tournage est prévu jusqu’au 17 octobre. Et la post-production se poursuivra jusqu’en septembre 2022. La diffusion devrait avoir lieu simultanément sur la RTBF et la VRT, scellant ainsi cette première collaboration doublement historique.
« 1985 veut marcher sur les traces de la série historique Chernobyl »
« C’est une époque qui a laissé beaucoup de traces dans la population. Notre volonté est de raconter cette histoire en éclairant un contexte beaucoup plus large, les tensions en jeu dans les années 1980, pour que quelqu’un qui n’était pas né à cette époque puisse comprendre comment tous ces événements très violents étaient finalement liés les uns avec les autres. » Le dossier des Tueurs du Brabant n’est pas une première pour Peter Bouckaert. Le producteur a longuement travaillé avec Stijn Coninx sur son film Niet schieten (2018) centré sur l’attaque du Delhaize d’Alost, film qui a attiré plus de 500 000 spectateurs en Flandre.
Une série 100 % belge portée par la VRT et la RTBF
Le voici de retour avec cette série en huit épisodes « basée sur des faits réels et 100 % belge ». Raison pour laquelle il a proposé à la RTBF et à la VRT d’y travailler à parts égales. « Sans cela je ne pense pas que cela aurait été possible car c’est une série d’époque avec tout ce que cela implique : costumes, décors, voitures, etc. Les deux chaînes ont eu l’ouverture d’esprit de relever le défi. C’est une série belge mais aussi universelle qui fait écho aux années violentes qu’on a vécues partout en Europe. Avec cette déstabilisation de notre démocratie, la guerre froide et la polarisation de la société en arrière-plan. Des éléments qui font de plus en plus penser à ce qu’on vit aujourd’hui. »
L’idée n’est pas de chercher des équilibres linguistiques. « Tout vient de l’histoire elle-même, qui a impliqué des gens des deux côtés de la Belgique », souligne Peter Bouckaert. Le projet est donc soutenu par Wallimage, Screen Brussels et Screen Flanders avec une équipe mixte et des comédiens francophones et néerlandophones. « Tout le monde joue dans sa langue et passe d’une langue à l’autre comme on le fait dans notre conversation, de manière très organique », poursuit le producteur.
Quant au choix du scénariste, il s’imposait. « Willem Wallyn a une formation juridique. Il a étudié à l’ULB, en face de la caserne de la gendarmerie d’Etterbeek, à cette époque-là. Il était fasciné par ces événements dont on a découvert ensuite qu’ils étaient liés. Stagiaire lors de la première commission parlementaire sur les Tueries du Brabant, il a suivi cette affaire de près, depuis plus de trente ans. Je savais qu’il rêvait de raconter cette histoire complexe mais qu’il n’avait pas encore trouvé le point d’entrée pour le faire. »
Éclairer le passé et le présent
Le choix de Wouter Bouvijn, lui aussi, a coulé de source. Quand Peter Bouckaert le rencontre, le jeune cinéaste n’a réalisé qu’un court métrage. Ensemble, ils ont déjà développé deux séries acclamées par le public et la critique : The Twelve et Red Light , visible en ce moment sur Arte.
« Outre le fait qu’il est très bon, je voulais un réalisateur qui n’était même pas né en 1985. Parce que la série ne s’adresse pas à ceux qui se souviennent de la terreur de cette époque. Nous avons l’ambition de raconter les années 1980 à travers les yeux d’un cinéaste d’aujourd’hui. Pas pour simplifier l’histoire, mais pour en révéler la complexité et les implications. »
Nonante pour cent de ce qui est raconté dans la série s’est réellement passé. « Je vais faire une comparaison avec la série Chernobyl. Tout le monde sait qu’il s’agit d’une catastrophe nucléaire majeure, mais ce n’est qu’après avoir vu la série qu’on comprend le contexte qui amène à ce désastre. On a la même ambition : ramener le public dans les années 1980 à travers une fiction qui leur permette de comprendre le contexte dans lequel ont pu avoir lieu les Tueries du Brabant avec les tensions entre la gendarmerie et la police fédérale. On ne cherche pas le spectacle, mais bien une histoire qui parle à tout le monde et a encore un écho aujourd’hui. »
Entretiens: Karin Tshidimba
Photos: Didier Bauweraerts
…. tensions entre la Gendarmerie et la Police Fédérale … en 1985 ??? …. la Police Fédérale est née le 1er janvier 2020 !!!! Une contre-vérité de + au passif de la série donc. Il faudrait parler de « tensions entre la Gendarmerie, la Police Judiciaire et, accessoirement, diverses polices communales ».