Complices jusque derrière la caméra, les réalisatrices Nathalie Basteyns et Kaat Beels avaient déjà travaillé ensemble sur la formidable série Clan, sorte de Desperate Housewives déjanté aux effluves de waterzooi. Elles cherchaient un nouveau projet à développer et ont repensé à cet hôtel du début du 20e siècle dont l’atmosphère leur plaisait tant. Même si elles ne sont pas Limbourgeoises, elles souhaitaient mettre en lumière cette région rurale dont le reste de la Flandre aime se moquer.
Ce travail collaboratif s’est mis en place à deux puis à quatre avec les scénaristes, Sanne Nuyens et Bert Van Dael. « Un travail d’équipe qui s’est poursuivi jusqu’au montage« , précise Nathalie Basteyns.
« On voulait une ambiance particulière : un huis clos où cette histoire pouvait trouver sa place. Dans ce petit village, chaque rue, chaque maison avait cette ambiance bizarre où cela ne semblerait pas curieux que Kato recherche ses propres assassins. Même si dans les faits, on ne voit pas autant l’hôtel Beau Séjour qu’on en parle, nous avons passé 6 mois de tournage dans ce lieu qui avait une fonction très importante dans le projet. Le caractère visuel du décor a permis de créer ce type d’histoire où il fallait trouver un équilibre entre le réalisme et le surnaturel« , détaille la réalisatrice.
Après avoir séduit 1,2 million de curieux en moyenne sur la chaîne Een de la VRT, Beau Séjour a été achetée vendredi dernier par Netflix. Elle partira à la conquête du reste de l’Europe à partir du 16 mars, après son lancement sur Arte ce jeudi à 20h55. Coup d’oeil sur la genèse de ce projet.
Quatre regards derrière la caméra
« Il y a une grande diversité de personnages féminins voulue dès le départ. On avait repéré Lynn (Van Royen, NdlR) dans un court métrage et on a décidé qu’elle serait Kato, nous n’avons pas procédé à un autre casting », souligne Kaat Beels.
« Au départ, le script prévoyait un tournage en été avec la nature en fleur mais le timing final a fait que nous avons tourné en hiver ce qui a donné une tout autre atmosphère à l’histoire. »
Sur le plan pratique, Nathalie Basteyns filmait 2 jours pars semaine et Kaat Beels trois jours. « Nos cerveaux sont très semblables et on sait comment fonctionner ensemble. Le choix se fait aussi en fonction des lieux de tournage accessibles au fauteuil de Nathalie. » « A Kaat, le froid, les bois et la nuit« , résume sa partenaire en riant.
« Notre volonté était que le récit soit le plus réaliste possible, on n’est pas dans une histoire de fantômes ou de revenants. Nos influences étaient le cinéma de Wim Wenders ou une série comme Top of the Lake où l’on peut parler d’un film-décor. L’ambiance était déjà présente dans les lieux de tournage. »
« La difficulté résidait dans les scènes où Kato est en présence de son papa et de sa maman ; l’un la voit et l’autre pas. Quelle mise en scène privilégier pour que la mère soit aussi active à l’image ? Comment rendre tout cela réaliste et plausible ? Il a fallu déterminer des règles précises : la maman sent-elle la présence de Kato ou pas ? Kato peut-elle bouger des objets ? On a revu notre copie chaque fois qu’on constatait que cela clochait à l’image. Cela a représenté beaucoup de temps, de travail et de réflexion », reconnaît Kaat Beels.
« J’étais très touchée d’avoir l’occasion de travailler avec Kaat et Nathalie et qu’elles m’aient choisie, enchaîne Lynn Van Royen. Les parties les plus difficiles à tourner étaient les scènes où ma maman est là et où je ne pouvais pas communiquer avec elle. Le début du tournage était compliqué. Ensuite je me suis concentrée sur les 5 personnages avec lesquels je pouvais communiquer. Ce qui fait que le tournage était moins solitaire. Kato a recours aux personnes avec lesquelles elle peut entrer en relation afin de découvrir des informations sur son meurtre. Les dix épisodes parlent aussi des secrets que ces 5 personnes ont tenté de cacher. »
Une écriture à quatre mains
Une fois le lieu et le genre de la série (crime story) déterminés, restait la question centrale : comment rendre ce whodunit original et intéressant ?
« C’est là que nous avons eu l’idée de confronter une adolescente à sa propre mort, au chagrin de sa famille, mais pas uniquement de façon passive. Kato reste une ado déterminée à comprendre ce qui lui est arrivé. Et les cinq personnes avec lesquelles elle peut encore communiquer vont être la clé de l’enquête sur son propre meurtre. Le thème de la relation avec sa mère traverse les 10 épisodes, mais aussi le regard qu’elle porte sur sa vie, son village, sa famille, ses amis. Kato, aussi, doit faire le deuil de son enfance, de sa vie », explique le duo de scénaristes anversois, Sanne Nuyens et Bert Van Dael.
Invités à partager leur expérience en décembre dernier lors du Festival Are you series à Bozar, ils ont détaillé leur processus d’écriture durant cette aventure qui, pour la toute première fois, les a conduit de l’écriture jusqu’à la post-production.
« Nous avons été influencés par des séries ou des personnages qui nous ont marqués comme le père défunt dans Six feet under ou l’atmosphère de The Killing et de Broadchurch. Mais nous avions déjà terminé l’écriture lorsque Les Revenants ont été diffusés sur Canal+. »
« Notre préoccupation principale était que la trame de la série semble organique. Nous nous sommes servis d’éléments de contexte et de décor découverts sur place comme le championnat de motocross ou l’importance du travail agricole et dans les vergers. Nous ne voulions pas d’une histoire qui ait l’air fabriqué d’où l’attention accordée aux détails du lieu, à la fois très local et universel à travers ses personnages ayant chacun leurs préoccupations et leur passé chargé. Nous voulions que l’on suive les erreurs et les errements de l’enquête jusqu’à la résolution finale. »
La série, sacrée prix du Public lors du dernier Festival Séries Mania à Paris a été produite par De Mensen et lancée avec succès le 1er janvier sur la chaîne Een de la VRT.
Achetée par Arte, elle sera diffusée en Belgique, en France et en Allemagne à partir du 2 mars.
KT
nb: Et le trailer ? Il était déjà dispo ici
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