la treve pont.jpgLa RTBF lance ce dimanche La Trêve*** sa première série 100 % belge conçue par des jeunes créateurs venus du cinéma. Proposée en avant-première lors du Festival Are you series à Bozar et au Be Film Festival, elle ira dans 48 heures à la rencontre des… téléspectateurs.
A l’heure qu’il est toute l’équipe croise les doigts. Venus du cinéma ou du théâtre, techniciens, comédiens, scénaristes et réalisateurs ont relevé ensemble le pari de la série. En espérant être d’heureux défricheurs.    

La Trêve, c’est aussi l’histoire d’un trio fan d’histoires en tous genres: cinéma, Bande Dessinée, séries qui a choisi de tenter de relever ce défi belgo-belge…
Retour sur la genèse d’un projet au cours d’une conversation où la parole rebondit comme dans un thriller entre Stéphane Bergmans, Benjamin d’Aoust et Matthieu Donck.

« J’avais fait des BD avec Ben et des films avec Stéphane. J’adore bosser avec eux, on travaille dans le même bureau. J’ai vu passer le mail de l’appel à projets de la RTBF et je me suis dit : pourquoi pas ? Ce serait chouette qu’on développe un projet à trois », explique Matthieu Donck (photo n°3), coscénariste et réalisateur de la série.

DSC_0888.JPG« L’occasion a fait le larron, poursuit Benjamin d’Aoust (photo ci-contre). Souvent le midi, on discutait de nos projets perso et là, on s’est mis à réfléchir ensemble à une série. En trois midis, on a été complètement envahis parce que c’est super excitant de pouvoir raconter l’histoire de plusieurs personnages sur dix épisodes. On peut aller très loin dans la création de l’intrigue. »

“On a pris autant de plaisir à essayer d’inventer une méthode qu’à inventer la série, elle-même. La Trêve, c’est le mélange des deux. C’est pour cela que l’équipe technique est tellement impliquée car c’était nouveau pour tout le monde » insiste Matthieu Donck, investi « showrunner » par les deux autres au cours de l’aventure.

Le défi de la série noire

« On a vraiment suivi nos envies au moment de l’écriture, mais on était sceptiques parce qu’on se demandait si ça allait passer à la RTBF, intervient Stéphane Bergmans (photo du bas). On s’est auto-motivés en se disant qu’on pouvait développer la série qu’on voulait sans aucune censure et la voir diffuser à l’écran. »

la treve M Donck.JPG« Je l’ai déjà raconté mais on est arrivé devant le jury de la RTBF et de la Fédération Wallonie-Bruxelles en disant : ‘je ne crois pas que cette série soit pour vous’. Et ils nous ont répondu : ‘Sisi justement, c’est cela qu’on a envie de faire.’ A partir de ce moment-là, on a pu y aller. Parce qu’on se disait : en prime time sur la RTBF, c’est pas gagné…
Le dilemme est extrêmement simple : les meilleures audiences de la RTBF, c’est ‘
Joséphine ange gardien’. Tout le monde dit qu’il faudrait faire autre chose. Alors, on propose ça. Et on se rassure en se disant que la série ‘Broadchurch a cartonné sur France 2. Je me souviens d’articles qui disaient que cela prouve que si on donne d’autres séries de qualité aux gens, ils suivent. Du coup, on touche du bois. On s’est dit : on va faire la meilleure série possible car le levier qui manque pour toute la profession en Belgique, c’est que cela marche en termes d’audience » analyse Matthieu Donck (photo ci-dessus).

Le trio, rompu à l’exercice du scénario, s’est dit qu’à côté des séries françaises Clem et Joséphine, on pouvait peut-être proposer des alternatives au public belge…

« Oui, exactement. Car la série suivante, Ennemi public, actuellement en montage, est tout aussi sombre… La RTBF assume les choix qu’elle a fait. Cela se voit dans les bandes annonces mises à l’antenne. La série est classée – de 10 ans*. On va voir comment le public va réagir à cela » poursuit Benjamin d’Aoust.

« C’est vrai qu’il y a des aspects assez sombres. C’est une histoire de meurtre mais on essaie d’être proche de Broadchurch avec ce côté lumineux dans les images. Plutôt que l’atmosphère de The Killing avec des forêts sombres où il pleut sans arrêt », tempère Stéphane Bergmans.


Un petit village wallon, son club de foot


Face à la question : “Pourquoi le milieu du foot ?”, Benjamin d’Aoust, qui a failli devenir journaliste sportif après ses études à l’ULB, s’emballe.
DSC_0934.JPG“C’est un milieu génial, très populaire et puis, il y a plein d’histoires associées : les matchs truqués, etc. Cela permettait aussi de parler d’un sujet contemporain : l’immigration. Ce n’est pas une série politique mais le sujet nous touche et est réel : c’est celui des footballeurs africains que des faux managers font venir en Europe et lâchent ensuite dans la nature.”


« Qu’on soit amateur de foot ou pas, tout le monde a entendu parler de faits divers autour du milieu. Et Steph est une encyclopédie à faits divers »,
précise Matthieu Donck avec qui il a écrit le scénario du film Torpédo.


« Notre point de départ était qu’on ne voulait pas que la victime soit l’enfant chéri du village. On avait vu des documentaires sur le sujet, on est donc parti de l’histoire de ce Togolais. On voulait qu’il soit déconnecté, lâché au milieu des Ardennes. Le foot était un bon prétexte »
, complète Stéphane Bergmans (photo ci-dessus), formé à l’IAD, comme Matthieu Donck.


Créer une nouvelle “dynamique” séries en Belgique


Pour discuter des techniques narratives, des choix de mise en scène et de personnages, le trio a regardé plusieurs séries, en parallèle : Broadchurch, True Detective, Fargo, House of cards, Les Revenants, Borgen, The Missing.

« Cela nous a fait un terreau commun parce qu’on a déjà des références en cinéma communes. Et cela nous a aidé à confirmer des intuitions. Par exemple, le fait d’avoir choisi un récit encadré : le fait que Yoann Peeters soit interrogé par une psy trois semaines après les événements. On avait déjà écrit toute cette partie et on a vu True Detective. On s’est dit : ‘super, ça cartonne’. Ca fonctionne même mieux que ce qu’on pensait. Cela permet de relancer en permanence l’histoire avec deux niveaux de lecture, deux niveaux d’intrigue », détaille Benjamin d’Aoust.

« Et puis c’est hyper rassurant quand on se lance dans une histoire qui doit durer dix heures de se dire qu’on a au moins deux intrigues. Si la première lasse, on a la deuxième pour séduire. C’est mieux d’avoir deux voitures pour traverser le désert… », blague Matthieu Donck.

Soutenue par la maison de production Hélicotronc, l’équipe sera présente tous les dimanches à 20h50 au cinéma Aventure à Bruxelles pour dévoiler les deux épisodes de la semaine (cf. note précédente).

“Ce qui nous plaît, c’est l’idée de l’expérience collective. J’adorerais voir plus de séries au cinéma. Au début, on pensait l’organiser juste pour l’équipe mais lorsqu’on a vu l’engouement après l’avant-première à Bozar, on s’est dit que c’était une super idée. D’autant que plein de gens ont demandé s’ils pourraient voir les suivants en salle. Le patron de l’Aventure est venu nous le proposer, c’était parfait. Le truc génial avec la série c’est que lorsque les gens sortent de l’avant-première, ils te disent : ‘j’ai envie de voir la suite’, alors que quand tu fais un long métrage, les gens te disent : ‘c’était bien’. Et après, c’est fini, ils ne vont plus jamais le regarder. On est contents car là, il y a un lien. C’est une chance énorme de voir les réactions du public”, s’enthousiasme Matthieu Donck tandis que ses deux comparses opinent du chef.
Ces trois-là s’apprêtent à vivre cinq belles soirées « séries », en grand.


Entretien
: Karin Tshidimba


* signalétique du CSA recommandant de ne pas montrer le programme aux enfants de moins de 10 ans.