Mardi 6 juin, l’Association française des critiques de séries (ACS) a décerné le prix 2017 de la meilleure série au Bureau des Légendes de Canal+ et celui du meilleur scénario à Eric Rochant, son créateur, réputé bien renseigné.
Alors que la saison 3 vient de s’ouvrir sur Be TV, que Malotru (Mathieu Kassovitz) y est rentré en scène dans une très mauvaise posture et que la faussement frêle Marina (Sara Giraudeau) cherche à retrouver sa place au sein du Bureau, coup d’oeil dans le rétro sur ce palmarès mérité qui souligne un triple succès en terme de production. Une recette mise au service du jeu réaliste et millimetré de son impressionnante brochette de comédiens principaux: Léa Drucker, Jean-Pierre Darroussin, Jonathan Zaccaï, Florence Loiret-Caille, Gilles Cohen…
1. Une qualité d’écriture hors pair
Il faut dire qu’Eric Rochant, passionné de géopolitique, connaît bien son sujet. Son film « Les patriotes », sorti en 1994 avec Yvan Attal dans le rôle-titre, est encore projeté aujourd’hui aux jeunes recrues par les formateurs de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) en guise de mise en bouche.
Une dizaine d’années plus tard bien que les hauts gradés du boulevard Mortier gardent toujours officiellement leurs distances, le rapprochement entre le producteur et ses inspirateurs a permis à la série de coller au plus près de la réalité. Assurant une aura internationale à son Bureau et un joli plan promo à ceux qui chérissent leurs légendes. Puisque la densité des histoires ne manquaient pas, restait à s’assurer que la qualité d’écriture suive en les confiant à une équipe bien rodée et bien encadrée, c’est le fondement de la méthode Rochant qu’applique sa coscénariste Camille de Castelnau.
« C’est parce que j’aimais les séries que j’ai eu envie d’en faire. J’ai eu une fenêtre de tir après Möbius, j’en ai profité. Seule la série permet le travail sur la longueur et la profondeur. On a tout de suite réfléchi sur plusieurs saisons pas seulement sur plusieurs épisodes. C’est passionnant de façonner une histoire qui va créer son propre passé, un univers qu’on peut fouiller de façon méticuleuse et soignée. »
2. Une qualité de réalisation de même niveau
« J’ai réalisé les 1er épisodes du Bureau parce que c’était les plus compliqués : on essuie les plâtres, on expérimente des choix de réalisation et de production. »
Ensuite, il «suffit» de s’assurer que les réalisateurs choisis s’inscriront fidèlement dans vos pas et suivront bien la bible établie. Il faut apprendre à «déléguer» même si, là non plus, Eric Rochant ne laisse rien au hasard. « Il y a une telle créativité éparse qu’il faut quelqu’un qui assure que tout cela reste bien dans le même cadre. D’où la nécessité de tout rassembler en un seul lieu. Pendant qu’une équipe écrit en bas, je peux aller à la salle de montage et puis passer aussi sur les plateaux. » Etre là tout le temps partout, c’est la méthode KZK (les initiales des frères Kessler et de Daniel Zelman, le trio à l’origine des séries Damages et Bloodline) adaptée à la mode Rochant. C’est ce qui a permis l’atout suivant…
3. Une rapidité et une continuité de production inédites en France
« On a pu aller sur le plateau de Damages et travailler avec leur équipe. Nous sommes ensuite revenus et nous avons proposé à Fabrice de la Patellière un lieu où construire les plateaux, la salle de montage, l’atelier d’écriture afin de créer une vraie linéarité artistique et industrielle. »
« J’ai tout copié des Américains, avoue Eric Rochant tout sourire, qui revendique le titre de showrunner. Je suis auteur-producteur, je chapeaute l’écriture et je suis aussi responsable de la façon dont la série se fabrique. »
Et pour éviter les trous d’air entre deux saisons, il a réussi à convaincre Canal+ de lui donner le feu vert pour la saison 2 avant même la fin de tournage de la première… et ainsi de suite au fil des saisons. Une prise de risque qui se révèle payante aujourd’hui.
La facilité avec laquelle Eric Rochant, cinéaste reconnu, s’est glissé dans la peau d’un showrunner à l’américaine force le respect par-delà les frontières. Le succès est tel que la saison 4 est déjà en chantier et que Variety a annoncé qu’un remake US se préparait sur lequel Eric Rochant gardera un droit de regard. Baptisé «The Department», il sera coproduit par Federation Entertainment.
KT
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