Diffusée en novembre dernier, cette nouvelle série française n’a pas fait d’étincelles sur La une RTBF. Pourtant la réputation du duo Hadmar-Herpoux (Les Oubliées, Pigalle la nuit) est plutôt flatteuse. Histoire trop sombre, personnages pas suffisamment attachants, gimmicks connus ou concurrence trop rude? Pourquoi n’a-t-elle pas davantage séduit ? Mystère.
Mercredi, Les Témoins** reçoivent une deuxième chance. Proposée sur France 2 à 20h55, la série, très attendue en France, risque de faire du bruit. Et de conquérir un nouveau public belge?
Au-delà de l’intrigue déjà présentée ici, Caroline Gourdin a interrogé Hervé Hadmar, la moitié « chauve » du fameux binôme créatif français, au sujet des ingrédients de sa nouvelle recette de thriller « nordique ». Une présentation qui se révèle très… psychanalytique.
mise à jour (19/03): avec 5,3 millions de curieux, hier soir sur France 2, Les Témoins ont damé le pion aux Experts de TF1. Joli score. L’occasion de produire une saison 2 encore plus tranchée ?
C’est pour l’ambiance et la lumière du Nord, «douce et mystérieuse», que le réalisateur et coscénariste Hervé Hadmar a installé le décor de la série Les Témoins** dans la petite ville portuaire du Tréport. Réalisateur de séries remarquées (Pigalle, la nuit et Signature), il propose un pitch surprenant : des cadavres déterrés sont installés dans des maisons-témoins et semblent reconstituer une famille idéale.
Une jeune enquêtrice, Sandra Winckler (Marie Dompnier, prix d’interprétation féminine au Fipa) et son coéquipier, Justin (le Belge Jan Hammenecker, à droite sur la photo), vont devoir collaborer avec Paul Maisonneuve (Thierry Lhermitte) ex-star de la PJ de Lille, retiré du monde suite à un accident de voiture. Sa photo a été retrouvée dans une des maisons-témoins…
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
J’ai été inspiré par le photographe américain Gregory Crewdson, qui a fait une série de photos très mises en scène dans des maisons, avec une femme dans une chambre, un petit garçon dans une caravane… Il y a une tension et un mystère. On a la sensation qu’il va se passer ou s’est passé quelque chose de très important, avec un désordre dans la maison, une lampe renversée, des traces de violence domestique. Le travail du photographe néerlandais Erwin Olaf m’a aussi influencé pour la direction artistique, avec des personnages figés, une lumière, des couleurs, une tonalité que je cherchais pour certains décors.
Pourquoi ces maisons-témoins ?
Au cours de visites avec mes parents quand j’étais gamin, j’ai toujours trouvé étranges ces maisons dont on donne l’impression qu’elles sont habitées par des familles idéales, pour les vendre. Tout est neuf, censé être de bon goût, avec des photos au mur où tout le monde sourit. En fait, elles sont vides. Et s’il n’y a pas de vie dedans, il y a la mort. Et si on y mettait des cadavres ? Reste ensuite à savoir qui peut être assez taré pour le faire, et pourquoi. Avec Marc Herpoux, mon coscénariste, on est partis de la question inconsciente que posent ces corps : la famille idéale existe-t-elle ? Et on a créé des personnages qui relaient cette question.
De quelle manière ?
Sandra fantasme une famille idéale avec son mari et sa fille. Au fond, elle pourrait acheter cette maison-témoin s’il n’y avait pas ces cadavres dedans. Cette jeune femme idéale va devoir faire un petit séjour au pays de la mort, symbolisée par Paul Maisonneuve qui, lui, va devoir faire le deuil de sa famille idéale et de sa femme décédée, à qui il continue de parler. Le « méchant », Kaz Gorbier (Laurent Lucas), veut aussi reproduire sa famille idéale.
Paul Maisonneuve semble porter un masque mortuaire au début de la série, puis il prend progressivement vie…
J’ai demandé à Thierry Lhermitte d’être comme un fantôme au début, avec zéro émotion, enfermé dans une chambre isolée, face à la forêt, dans un centre de rééducation. Petit à petit, à mesure que Kaz Gorbier prend de l’ampleur avec son maquillage horrible, Paul s’humanise. Ils sont comme les deux faces d’une même pièce. Paul traque Kaz, qui représente son rapport à la peur, à la mort. Là, je fais une analyse très psychanalytique des «Témoins»…
Mais vous avez cette approche, qui parle à notre inconscient.
Oui, j’espère que c’est ce qui fait la force de ce projet. Ces personnages touchent beaucoup de monde, au-delà de l’intrigue et de la promesse mystérieuse des corps retrouvés dans les maisons-témoins. La série a le bonheur d’être diffusée en français en Australie et bientôt sur Channel 4, en Grande-Bretagne. Elle s’est aussi exportée en Allemagne, Pologne, Norvège, Belgique, Pays-Bas… et nous sommes en discussions avec les Etats-Unis.
Pourquoi avoir choisi Thierry Lhermitte ?
Je l’avais apprécié dans «Une affaire privée» de Guillaume Nicloux, dans un tout autre registre que la comédie. Il a une stature et un visage grave, qui s’adaptent très bien à l’univers du polar, où il n’est pas assez sollicité.
Vous travaillez sur une saison 2 des «Témoins»?
Elle est en écriture et pourrait être tournée l’hiver prochain, en fonction du succès sur France 2. Sandra Winckler va devoir résoudre une affaire complètement différente, liée à une star féminine, que je ne peux pas dévoiler. Chaque comédien vient avec son propre mystère. J’ai écrit par ailleurs avec Marc Herpoux une mini-série fantastique pour Arte, que je pourrais réaliser cet été en Belgique. On est dans un univers proche, mais cela fait très peur. C’est un autre plaisir.
Et le trailer? Il était déjà dispo ici
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