D’un côté, la rue avec ses profs et élèves en colère; de l’autre, les salles avec leurs créateurs et spectateurs passionnés. La fiction triomphera-t-elle de la réalité à Lille ?

Parfois la réalité rattrape curieusement la fiction par un coin du paletot et l’oblige à s’incliner bien bas. C’est un peu l’impression que l’on a eue, ce mardi après-midi à Lille, lorsqu’en sortant du Théâtre du Nord, on est tombé nez à nez avec un groupe de gendarmes à cheval, encadrant un cortège de manifestants sillonnant la ville avec fanfares et sono.

Quittant la rencontre avec l’écrivain Douglas Kennedy, après une discussion passionnante d’une heure et demie baignée dans un français à l’accent délicieusement cheesy, le festivalier ignorait tout de la foule qui l’attendait au dehors entre banderoles dénonçant les faillites de la Macronie et drapeaux multicolores. Après les tourments de l’Amérique, évoqués par l’auteur de best-sellers, la réalité française ne semblait guère plus apaisée. Mais des centaines d’autres personnes, réparties entre les salles Descamps, de l’UGC Ciné-Cité ou du Majestic, l’ignoraient tout autant, prises dans les filets d’une série italienne, tchèque ou australienne…

Rien à voir, toutefois, avec les moments de tension qui se sont cristallisés l’an dernier autour du tapis rouge (en réalité violet) entraînant l’exfiltration de la star Marcia Cross (Desperate Housewives) afin de ne pas risquer qu’elle soit prise à parti par les opposants lillois à la réforme des retraites.

Le retour du Comte de Monte-Cristo et de Zorro

Rien de tout cela ce mardi, mais une ambiance plutôt sereine et déterminée. Cette troupe compacte, traversant la ville en rythmes et en rangs serrés, contrastait curieusement avec la foule, nettement plus discrète et disparate, se pressant au même moment, dans les travées du Grand Palais lillois pour l’ouverture du Series Mania Forum. L’occasion pour des centaines de représentants de l’Audiovisuel mondial de se lancer à la recherche de nouvelles fictions et de nouvelles voix. Enfin, nouvelles, tout est relatif puisque deux revisites de l’histoire du Comte de Monte-Cristo – dont l’une, portée par le réalisateur Bille August avec Jeremy Irons, Sam Claflin (Hunger Games) et Ana Girardot pour France 2 et la Rai – sont annoncées, prouvant que les vieilles recettes ont toujours la cote, du moins auprès des diffuseurs européens… Et la renaissance annoncée du célèbre Zorro sous les traits de Jean Dujardin avec, à ses côtés, Gregory Gadebois, André Dussollier et Audrey Dana, va dans le même sens.

Jean Dujardin se prépare à reprendre le rôle du célèbre Zorro.

De quoi faire réfléchir ceux qui reprochent à la foule des enseignants et des représentants des secteurs du non-marchand de pointer toujours les « mêmes scénarios foireux » et de répéter toujours les mêmes rengaines. Visiblement, ils ne sont pas les seuls…

Karin Tshidimba, à Lille