De retour à Lille où elle a vécu, la comédienne française y a évoqué sa lutte contre le cancer, ses projets de roman et de séries, et son lien à la maturité devenue « une amie ».

On aime sa franchise, sa façon de ne pas y aller par quatre chemins et d’avancer quoi qu’il en coûte. L’image solaire et souriante de Clémentine Célarié va de pair avec un caractère de femme battante, déterminée à aller chercher le bonheur plutôt que de l’attendre… « Oui car, pour moi, le bonheur, ça se construit. C’est marrant que vous me disiez cela parce que j’écris un bouquin, en ce moment, sur mon métier et, en tant que comédiens, on est vraiment des faiseurs de joie. La joie, la magie, nous la fabriquons, la forgeons et l’entretenons. »

Cette conviction n’est pas une figure de style. La comédienne l’a éprouvée lors de son combat, longtemps tenu secret, contre le cancer finalement placé au coeur son livre Les Mots défendus, paru chez Albin Michel en 2021. Une épreuve qui l’a transformée et dont elle garde la trace enfouie au plus profond de son corps et de son coeur. « Aujourd’hui, je suis guérie mais quand je dis cela, je touche du bois, parce qu’il faut toujours toucher du bois quand on en parle. » La preuve : elle ne simule pas et s’empare du pied de la table basse posée près de nous.

Clémentine Célarié, rayonnante et vibrante dans la série « Les Randonneuses » pour TF1.

Invitée du festival Series Mania, l’actrice retrouve Lille et une région (les Hauts de France) qu’elle connaît bien – son père y a travaillé pour France 3 et à l’Ecole supérieure de journalisme – pour y donner une masterclass et remettre le prix Vidocq de la meilleure série policière française, ce lundi. L’an dernier, elle y a reçu le prix de la meilleure comédienne pour son rôle dans la série de TF1, Les Randonneuses. Un souvenir indélébile.

Il y a, en effet, eu une rencontre intime et intense avec son personnage de Noémie qui souffrait d’un cancer, comme Clémentine Célarié peu de temps auparavant.

« La vie est un projet, on est responsable de ce qu’on veut. »

Clémentine Célarié, comédienne française

« On m’a proposé un rôle où je pouvais parler de ce combat : c’est un cadeau dingue, extraordinaire que m’a offert la vie. Parce que quand on affronte le cancer, on va dans des zones complètement nouvelles et intimes de soi. Je voulais qu’il y ait une trace de ce moment-là, c’est pour cela que j’ai écrit ce livre. » Elle souhaite à présent en faire une série « pour que les personnages soient fouillés et qu’on ait le temps de voir ce qui se passe dans la tête de cette femme. La vie est un projet. On est responsable de ce qu’on veut et il faut le faire soi-même. Et la maturité est une amie, elle est un avantage incroyable quand on est acteur ou qu’on entreprend un projet. »

Au-delà des mots et de la force que l’actrice transmet, son engagement est aussi très concret : elle est Marraine de l’opération Une jonquille contre le cancer, organisée du 13 au 24 mars en France et a lancé la 20e campagne nationale de mobilisation et d’appel à la générosité. Une façon de vivre « encore plus intensément » pour profiter de la vie qui continue. La comédienne poursuit sa route sans laisser pour autant les autres sur le bas-côté. Son engagement au sein du Sidaction et dans la lutte contre le cancer en est l’éclatante illustration.

Clémentine Célarié est une femme et une actrice sincère, généreuse. Elle l’a prouvé à maintes reprises à la radio, sur scène, en chansons, sur grand et petit écrans, dans des décors et des costumes très différents, de Garçon ! et Vingt-quatre heures de la vie d’une femme à Madame sans gêne ou Police de caractères.

« Je veux aller loin dans mes rôles »

Clémentine Célarié, comédienne française

Elle assume son âge (66 ans), n’a pas peur de dire ce qu’elle désire et ce qu’elle ne veut plus faire. « Plus j’avance, plus je suis exigeante vis-à-vis de mon métier. Plus, je sais ce que je veux. » Face aux rôles trop conventionnels ou répétitifs, uniquement axés sur « la sensualité, la superficialité et la séduction », elle a délaissé le cinéma pour le théâtre et les séries où elle peut poursuivre un parcours qui consiste avant tout « à donner de soi, de sa personne. L’âge, c’est la liberté ; il faut assumer ce qu’on veut tant qu’on a la santé. Depuis que je suis guérie, je veux davantage de choses qu’avant. Je préfère être au théâtre et gagner moins que de jouer un truc qui ne m’intéresse pas et qui me rapporte plein de flouze. De toutes façons, je n’ai jamais fait ça. Sauf au moment où je me séparais du père de mes enfants, j’ai fait de la pub, c’est vrai, mais je ne le regrette absolument pas parce que cela m’a aidée. »

Joffrey Platel et Clémentine Célarié, duo de flics que tout oppose dans la série « Police de caractère » sur France Télévisions.

Aujourd’hui, c’est elle qui soutient de jeunes talents et notamment, de jeunes réalisateurs et réalisatrices. Le projet et l’imaginaire sont essentiels, à ses yeux. « Cela repousse les effets de la dégénérescence, de la maladie. J’ai parlé de cela avec une chercheuse sur le cancer qui en est convaincue. J’ai encore beaucoup de choses à faire dans le métier. Je veux aller loin dans mes rôles, je veux que ce soit de plus en plus fort. » Un trajet qu’elle veut construire « pas à pas dans la bonne direction. Vous avez raison de parler de trajet et pas de carrière car la carrière est un calcul tandis que notre métier est un voyage. Je m’en fous de l’âge que j’ai du moment que, de temps en temps, je peux me sentir belle dans un rôle et moche dans un autre. Ce trajet, j’ai envie de le construire avec la plus grande honnêteté. »

En parallèle d’un livre sur son métier, la comédienne écrit un roman qui deviendra sans doute un scénario. Elle a rencontré à Lille une réalisatrice avec laquelle elle a envie de travailler. Les projets ne manquent donc pas…

En attendant, Clémentine Célarié est sur scène, au Théâtre de La Pépinière à Paris, dans la pièce poignante Je suis la maman du bourreau de David Lelait-Helo. Elle y endosse le rôle de la mère d’un meurtrier, une femme de 75 ans « qui vit un drame atroce« . Un rôle costaud, un seul(e)-en-scène dont elle est fière, mais pour lequel elle doit aussi se faire violence parfois. « Parfois j’en ai marre. Je pleure tous les soirs. Aujourd’hui, c’est mon jour de congé, je ne vais pas pleurer », souligne-t-elle avec un large sourire. A moins que l’émotion d’une rencontre ne la rattrape au tournant…

Entretien: Karin Tshidimba, à Lille