Sur un sujet qui fait terriblement peur, le cancer, Les Randonneuses*** proposent une série qui fait beaucoup de bien. À voir sur La Une et Auvio, ce dimanche dès 20h45. Avec Clémentine Célarié, récompensée à Series Mania

Il s’en est fallu de peu que le groupe ne soit pas complet pour prendre le départ. Dans ce train en route vers les cimes, six femmes se sont donné rendez-vous pour vivre une aventure humaine hors du commun : l’ascension du Dôme de la Lauze, un sommet de près de 4 000 mètres situé dans les Hautes-Alpes. Toutes ont tenu la promesse faite à Eve (Elsa Lunghini) si fière de ses “copines de chimio”. Dans la bande, se côtoient toutes les couleurs de perruques et de foulards. Ici, on dit souffrir du cancer et pas “d’une longue maladie”. On prend la pitié à revers et on veille surtout à ne pas avoir peur de la mort ou des mots.

Après avoir réussi à bousculer notre regard sur le handicap avec humour et tendresse dans la série Lycée Toulouse-Lautrec, Fanny Riedberger revient avec un nouveau projet qui remet la maladie à sa place, à savoir : au cœur même de la vie. Et puisqu’il faut composer avec elle, autant la vivre le mieux possible, en savourant chaque moment surtout lorsqu’on craint que ce soient les derniers.

Cette philosophie, les six copines l’appliquent avec plus ou moins d’entrain et de réussite, chacune devant affronter ses propres démons ou soucis domestiques. Loin des couloirs aseptisés et des unités de traitement, la série prend le mal à la racine, sans tabou et avec culot, affrontant les conséquences humaines de la maladie avec humour et audace. Le résultat est à la hauteur de son casting de comédiennes : à la fois solaire, solidaire et profondément humain.

Six femmes dans la tourmente

Qu’il s’agisse du parcours de Valérie (Claire Borotra) rentrée d’un long séjour en Inde, entamé lorsqu’elle avait 20 ans, de Patty (Camille Chamoux), médecin urgentiste et lesbienne décomplexée, qui vante “l’esprit chimio, rando, colo”. De Sara (Alix Poisson) fatiguée que son mari (Bruno Wolkowitch) se montre tout le temps désolé et très inquiet sans jamais la laisser respirer. De Morgan (Tiphaine Daviot), la petite nouvelle du groupe, policière plutôt taiseuse.

Ou de Noémie, avocate pour les entreprises, qui souffre de l’absence de son fils parti habiter en Australie. Bouillonnante, désemparée, en colère, sur le fil et à fleur de peau, Clémentine Célarié est bouleversante dans le rôle de cette femme déterminée et combative que la maladie pousse à bout. Un personnage à la fois poignant et fort en gueule qui a valu à la comédienne le prix de la meilleure interprétation au Festival Séries Mania, en mars dernier.

Regarder le crabe bien en face

Quant à Karen, elle accompagne les cinq copines, prête à vivre cette aventure par procuration pour permettre à sa sœur Eve (Elsa Lunghini) de concrétiser son rêve. Dans le rôle de l’organisatrice assommante à force d’être trop prévenante et interventionniste, Joséphine de Meaux donne le meilleur d’elle-même. Sur fond de paysages ensoleillés et majestueux, sa prestation complète à merveille cette formidable palette humaine.

Perte de libido, pensées suicidaires, menaces pour la fécondité et soucis financiers, tensions dans les couples et reconstruction “esthétique” : la série n’élude aucun des sujets qui touchent ou qui fâchent, jonglant le plus souvent avec tact et humour au moment les plus inattendus.

À travers ce beau portrait de groupe qui balaie toutes les problématiques et tous les types d’attitudes face à la maladie, les scénaristes Anna Fregonese et Sylvie Audcoeur abordent les multiples parcours féminins et masculins face à la peur, à la souffrance, à la colère, au déni et à l’espoir. Chaque épisode est centré sur une des six femmes du groupe, comme autant d’étapes vers le sommet. Un trajet qui comporte son lot de surprises et de révélations. Face à elles, quatre hommes empruntent le même chemin de remise en question et de doute, cheminant tant bien que mal en tentant de tirer leur épingle du jeu.

Clémentine Célarié : “Ce rôle était miraculeux pour moi”

”J’ai eu un coup de foudre pour ce scénario. J’étais en tournée, dans le train lorsque je l’ai lu. Je l’ai trouvé très bien écrit et très drôle”, confie Clémentine Célarié.Pour moi, comme j’ai eu un cancer et que je suis guérie, le fait de pouvoir retraverser cette histoire dans une espèce de transcendance et de pouvoir créer de nouvelles connexions, c’était un peu miraculeux. Car nous nous sommes rencontrées très fortement autour de ce sujet et c’était vraiment un moment génial à vivre.”
”J’ai aimé Noémie parce qu’elle a une caractéristique que j’ai retrouvée chez moi : le fait de se forger une carapace pour se défendre contre la maladie. Ce qui fait qu’on devient éventuellement un peu excessive et dure, acerbe parce qu’il faut tout le temps se battre. Noémie ne sait pas si elle est totalement guérie ou pas. J’ai aimé ses excès, cela me faisait beaucoup rire. Et puis, il y a eu la magie de rencontrer les cinq autres filles. Et de vivre ce grand voyage en conditions réelles.”
De l’aveu de la productrice et des cinq autres comédiennes (Alix Poisson, Claire Borotra, Camille Chamoux, Tiphaine Daviot, Joséphine de Meaux) le tournage en montagne a été très sportif, mais a aussi eu pour conséquence desouder la troupe” qui a vécu plusieurs semaines en quasi isolement. « Cette série est une ode à la sororité et au dépassement de soi », résume l’actrice Clémentine Célarié.

Entretiens: Karin Tshidimba, à Lille

★★★ Les Randonneuses Rando initiatique Création Fanny Riedberger, Anna Fregonese, Sylvie Audcœur Réalisation Frédéric Berthe Avec Alix Poisson, Camille Chamoux, Clémentine Célarié Sur Auvio et La RTBF Dès le 7 mai (6 x 52’)