livres & series.jpg«Homeland» et «Borgen» se déclinent désormais en romans et prolongent le plaisir de l’écran. Jusqu’ici le mouvement était plutôt inverse, preuve que la sériemania touche désormais aussi les librairies…

Acclamée lors de sa première saison, Homeland se retrouve, deux ans plus tard, en eaux troubles. Pas en termes d’audience, puisque le dernier épisode de la saison 3, dimanche, a signé le record historique de la série sur la chaîne Showtime. En revanche, l’opinion publique est pour le moins divisée. Au mieux, voici la série critiquée, au pire, la voilà conspuée par ceux-là même qui la portaient aux nues, tandis que les incohérences et errements de sa 3e saison sont pointées du doigt par d’anciens fans en ébullition.
Face à ce désamour partiel, fruit d’une intense déception, une solution pourrait consister en un retour à la base du récit, lorsque la série était encore considérée comme la meilleure du moment notamment par un certain Barack Obama*, très emballé…

Revenir aux fondamentaux, à la source, c’est justement ce que propose «Homeland – La traque», récit inédit signé par Andrew Kaplan. Roman itinérant, il est composé de courts chapitres, affichant tous une localité en guise de titre, afin de mieux suivre les évolutions et replis de l’action. homeland traque.jpgAu centre de celle-ci, on retrouve Carrie Mathison, jeune agent de la CIA, en mission à Beyrouth en 2006. Chargée de rencontrer un nouveau contact, répondant au nom de code «Rossignol» Carrie échappe de justesse à un piège qui aurait pu se solder par un kidnapping. Persuadée que le QG de Beyrouth a été infiltré, elle fait part de ses soupçons à sa hiérarchie, qui décide de ne pas en tenir compte et de la renvoyer aux Etats-Unis. Furieuse, Carrie en réfère à Saul Berenson, son boss et mentor, qui ne pourra toutefois pas la défendre lorsqu’elle décidera, une fois encore, de désobéir aux ordres…

Auteur américain de thrillers et père de «Golden Eye», l’une des aventures de James Bond au cinéma, Andrew Kaplan a été journaliste et correspondant de guerre, il a aussi servi dans l’armée américaine et israélienne, ce qui donne toute sa pertinence au récit. Dans «La traque», la trame politique sous-jacente est décrite avec précision et les factions en présence, observées avec acuité. C’est l’un des intérêts de ce roman qui se greffe sur un écheveau international connu et développe la genèse de la série imaginée par Alex Gansa et Howard Gordon. Il en résulte un livre d’espionnage efficace et bien mené, au style direct et guère travaillé, mais tel n’était visiblement pas le but.

En France, sept maisons d’édition se disputaient les droits de ce roman qui détaille la jeunesse de Carrie et les débuts de son travail au Moyen-Orient, soit ce qu’il s’est passé avant le tout premier épisode de la série «Homeland». Le Seuil a emporté le contrat de haute lutte, reste à voir si les fans se montreront aussi enthousiastes…

 
« Borgen. Une femme au pouvoir» de Jesper Malmose se signale par son style soigné et précis, s’inscrivant presque en miroir de l’élégante série télévisée d’Adam Price. borgen livre.jpgReprenant l’intrigue de la 1e saison, le livre ne promet ni surprises ni révélations, mais propose un tas de détails de la vie quotidienne et politique danoise qui faisaient déjà le sel et ont contribué au succès de la série. Pour tous ceux qui peinent à se remettre de la fin de parcours politique de la brillante et très humaine chef du parti centriste danois, au terme de la 3e et dernière saison diffusée en octobre sur Arte, voici l’occasion de prolonger le plaisir.
En suivant toutes les étapes de l’accession au pouvoir de Birgitte Nyborg et ses alliés, c’est le visage d’un Danemark en butte avec les grandes questions européennes contemporaines que l’on découvre et un modèle pas si éloigné du nôtre finalement. Négociations, mensonges, tractations, coups bas, et relations troubles entre presse et pouvoir sont forcément au menu de ce qui s’apparente à un véritable thriller politique. Le passage de l’écran à l’écrit permet de développer l’entre-deux et la richesse des propos, là où la scénarisation télévisée impose parfois la rapidité et l’efficacité. Développé en étroite collaboration avec Adam Price, auteur de la série, le roman ne trahit en rien son miroir animé.

Contrairement à de nombreux livres qui ont donné naissance à des succès sur petit et grand écrans – à l’exemple de Dome de Stephen King ou de Game of Thrones, impressionnante saga littéraire avant de devenir la série de tous les records -, ces deux livres sont nés de l’aura de leur double sur écran. Et ils tenteront d’accréditer la thèse qui dit que «ça va mieux en le lisant»…
KT

> “Borgen. Une femme au pouvoir”, publié par Jesper Malmose chez Gaïa (480 pp., env. 22 €).
> “Homeland. La traque”, publié par Andrew Kaplan au Seuil (397 pp., env. 20 €).

*nb: Le président américain a aujourd’hui jeté son dévolu sur la série House of cards qui a également supplanté Homeland dans le coeur des jurés des prochains Golden Globes. Barack Obama aurait d’ailleurs laissé entendre au patron de Netflix qu’il serait ravi de pouvoir découvrir la saison 2 (attendue le 14.02.2014) en avant-première. Ce qui rappelle l’impatience de la Première Dame face à la nouvelle saison de Downton Abbey. Un vrai couple de sériephiles…