Cette comédie iranienne épouse le combat de deux comédiens pour faire vivre leur art, envers et contre tous. Et s’inspire de notre tendance à mêler fantasmes et réalité. A voir sur Arte.tv dès ce 9 mai

Gros plan sur un caméléon au bord d’une route où un homme danse et chante tandis que d’autres tentent de réparer leur voiture. Deux hommes passent, juchés sur une moto, et s’arrêtent. Les passagers s’inquiètent car l’endroit est réputé dangereux en raison de la présence de bandes armées. La suite risque de ne pas leur donner tort…

A défaut de pouvoir suffisamment exercer leur métier sur scène, les comédiens Ali (Navid Mohammadzadeh) et Morteza (Ahmad Mehranfar) sont devenus les spécialistes des fêtes, événements et animations surprises, une activité qui n’est pas sans risques et on ne parle pas seulement de l’aspect financier des choses. Improvisation, répétions, dissimulation, déguisements et pantomime: les deux hommes sont passés maîtres dans l’art de la transformation, procurant à leurs clients une bonne dose de sensations fortes.

Ce duo d’acteurs doués et imaginatifs, mais sans le sou, tente en parallèle de sauver un théâtre abandonné qu’ils sont en train de rénover. La chance semble enfin leur sourire lorsqu’ils sont contactés par une agence de détectives intéressée par leur savoir-faire en matière de travestissement.

Ali (Navid Mohammadzadeh) et Morteza (Ahmad Mehranfar) sont devenus les spécialistes des fêtes et animations surprises.

Première série iranienne diffusée à l’international, , The Actor a été primée à Series Mania en 2023, malgré une concurrence féroce. Au-delà de sa réalisation inventive et lumineuse et de son sens du détail, c’est son immersion dans une société méconnue et relativement fermée que le jury a saluée à l’unanimité.

La fiction si proche de la réalité

Sous couvert d’humour, The Actor vise juste et aborde diverses réalités sociales avec finesse et sans s’appesantir: contrôle du corps des femmes, pression de la réussite sociale, divorces, solitude des personnes âgées, mais aussi la question de la corruption, de l’entre-soi et des difficultés de la jeunesse à se lancer dans la vie active, sans oublier le poids des addictions dans la société iranienne. Autant de thèmes ébauchés avec gravité dans le film La Loi de Téhéran.

A travers les tribulations de ces deux comédiens, c’est la place de l’art dans notre quotidien que cette série interroge avec talent et conviction. Non seulement en détaillant l’ingéniosité de ces acteurs, forcés à réinventer leur métier, mais aussi à travers les appréhensions d’une actrice (Hasti Mahdavifar) qui lutte pour défendre son droit à pratiquer son art dans une société patriarcale et rigoriste. La série aborde ainsi le poids des traditions et notamment du mariage, le travail des femmes, le rôle de la famille dans la société…

Maniant la satire et l’ironie avec originalité, The Actor suit ce trio de comédiens attachants et touchants déployant leur art dans toutes les situations, brouillant la frontière entre réalité et fiction.

« The Actor » comédie iranienne sacrée Grand Prix au Festival Series Mania.

Le monde est théâtre

« L’idée de jouer des rôles dans la vraie vie m’a toujours amusé« , a confié son créateur Nima Javidi, également scénariste (Les enfants du soleil) et cinéaste (Melbourne, The Warden). Pari réussi pour sa toute première série aux allures d’odyssée qui compte déjà 20 épisodes à ce jour.

« Le monde entier est un théâtre et tous, hommes et femmes, n’en sont que les acteurs. Et notre vie durant, nous jouons plusieurs rôles. » Cette citation de William Shakespeare, inscrite en préambule de chaque épisode, parle de nous tous, mais peut-être plus encore de la société iranienne qui, en raison de sa rigueur et ses sanctions poussent l’être humain à dissimuler sa nature profonde et à tenter coûte que coûte de s’évader de son quotidien.

Karin Tshidimba