La comédienne française évoque la fabrication de la saga qui passionne le public de France 2 et qui va remplacer Plus Belle la vie sur Tipik et Auvio dès le 5 décembre. Elle retrace aussi le parcours de son personnage, Claire Estrela.

Après une double dose marseillaise – à 16h15 pour l’épisode habituel et à 20h pour celui qui mettra un point final à la saga – Plus Belle la vie tire sa révérence ce jeudi 17 novembre en Belgique et vendredi 18 novembre en France. La chaîne Tipik ne laissera pas ses téléspectateurs orphelins : la RTBF embrayera avec un autre feuilleton quotidien français, Un si grand soleil, ancré à Montpellier.
La saga, proposée jusqu’ici sur La Une à 18h, dispose d’un public fidèle depuis ses débuts le 27 août 2018 sur France 2. Imaginé par Olivier Szulzynger, déjà à l’origine du succès de Plus belle la vie, ce soap aborde son 1019e épisode ce jeudi. Nous avons demandé à Mélanie Maudran, star du feuilleton, de nous raconter les secrets de fabrication d’un genre devenu incontournable, en France comme ailleurs.

“On tourne souvent quatre épisodes en parallèle”

“Les semaines ne se ressemblent pas parce que l’emploi du temps varie beaucoup. J’ai des semaines très remplies et d’autres qui le sont moins. Ce sont surtout les journées qui sont surprenantes : on travaille sur quatre plateaux avec quatre réalisateurs différents et parfois, on passe de l’un à l’autre. C’est en permanence, une adaptation, il n’y a aucune routine. On peut être le matin sur un plateau et l’après-midi sur un autre où on tourne une intrigue qui s’inscrit cinq épisodes plus tard. Rien n’est chronologique, tout est mélangé dans une journée. Heureusement, on a des coachs qui sont là pour nous rappeler le fil des histoires pour être bien dans la cohérence des émotions, car il y a de quoi s’y perdre”, admet-elle.
Si elle ne croise pas souvent les scénaristes, “le dialogue est très ouvert si on a la moindre hésitation. On est parfois surpris d’une direction prise par l’intrigue, on avance comme ça dans l’aventure. C’est pour cela que le téléspectateur est lui-même surpris. Il est comme nous.”

Un tournage sportif “entre sprint et marathon”

Il n’y a donc pas d’épisode réalisé dans la continuité, du lundi au vendredi. “Non, et c’est important de le dire car les téléspectateurs l’ignorent forcément. On tourne toujours par décor, c’est cela qui détermine le plan de travail de la semaine. À chaque session de tournage, on tourne cinq épisodes. On est régulièrement sur quatre épisodes en même temps. D’où l’importance du coach car lors de journées à huit séquences, cela nous demande de rassembler tellement d’énergie dans le jeu que c’est bien d’avoir un rappel de ce qui a eu lieu juste avant et juste après et du trajet émotionnel du personnage.”
Toutes ces contraintes font du feuilleton quotidien une excellente école, poursuit-elle : “il faut à la fois travailler dans la rapidité et dans l’endurance, deux caractéristiques qui nous servent sur d’autres tournages. Quand on se retrouve dans le confort d’un long métrage où on tourne moins de scènes par jour et où on a plus l’opportunité de répéter en amont. Ici, on répète une fois et on tourne juste après. Il faut avoir l’exigence de ne pas lâcher sur la qualité de son travail et, en même temps, lâcher prise sur certains détails pour aller à l’essentiel.”
Cette mécanique, Mélanie Maudran la connaît bien. “Une de mes premières aventures professionnelles, à 17 ans, était la série quotidienne Cap des pins. Quand on m’a contactée pour Un si grand soleil, je savais ce que ce format impliquait, en termes de temps et d’énergie. C’est très sportif, ce n’est pas un format commun, même si j’ai plus d’expérience aujourd’hui et que l’autre série était plus chorale encore.”

“Au final, le tableau que propose la série est un portrait de la société française”

En quatre ans, Un si grand soleil a pris une autre tournure. “Il y a beaucoup plus de personnages qu’au début, le ton est beaucoup plus éclectique. Il y a des moments plus violents, des intrigues qu’on traite davantage comme des enquêtes… Mais, au final, le tableau que propose la série est un portrait d’êtres humains et de la société française à travers plusieurs générations.”
Quant à l’intrigue qui l’a le plus marquée… “Le départ de Gary, qui jouait mon fils Théo. La séquence tournée à l’aéroport était très forte : c’était sa dernière séquence et notre dernière ensemble. Cela a été vraiment dur parce qu’on était très proches, c’était un vrai au revoir devant les caméras. Ce n’est pas un adieu parce qu’on est toujours proches, mais une page se tournait. Lorsque la réalité et la fiction se mêlent, cela fait encore plus écho…”
Mélanie Maudran n’est d’ailleurs pas étonnée par l’essor de ce format oublié en France pendant quelques années. “Il y a un vrai rendez-vous quotidien avec les téléspectateurs. C’est ce qu’on ressent quand on les rencontre en festivals. Il y a une grande proximité. Ils nous appellent par le nom de nos personnages, ils ont la sensation de nous connaître. On fait partie de leur vie.”
En raison du délai entre le tournage et la diffusion (plus ou moins trois mois), il importe de “faire un petit “update” dans sa tête, avant toute rencontre avec le public : Où en sont-ils ? De quoi peut-on parler ou pas, pour éviter de spoiler l’intrigue…” note-t-elle en souriant.

En quatre ans, son personnage, Claire Estrela, a connu « une trajectoire très dense en tant que femme, mère, infirmière. Elle a rencontré quelqu’un avec qui elle a trouvé un équilibre qu’elle n’avait pas connu depuis longtemps avec un homme. Elle a connu de nombreuses embûches, elle se bat dans le quotidien difficile du métier d’infirmière, elle aussi a traversé le Covid,… Claire débarquait à l’époque fraîchement d’une vie en Afrique avec son fils Théo. Elle a forcément mûri, elle s’est pris des murs et s’est relevée. L’image que j’ai de Claire est celle d’une femme qui se bat toujours pour avancer et qui veut conserver une bienveillance envers les autres. Mais elle a connu plusieurs coups du sort qui l’ont bien abîmée, entre cette amitié néfaste avec Hélène et la perte de sa meilleur amie, un événement extrêmement douloureux et traumatique. Je pense que cela va transformer beaucoup de choses en elle. Est-ce qu’elle va revenir vers la joie ou pas ? Je ne sais pas…. C’est entre les mains des auteurs. Elle est à un moment charnière de sa vie. En même temps, elle a atteint un équilibre qu’elle n’avait jamais connu auparavant. Avec son homme et ces enfants qui ne sont pas les siens, mais c’est tout comme. »
Aux yeux de la comédienne, il est important d’aborder ces questions-là: « comment on forme une famille dans un schéma qui a beaucoup évolué durant ces dernières décennies et n’est plus le schéma ancestral. J’aime beaucoup cela car la base de cette série quotidienne est que chacun puisse s’identifier au parcours, à l’histoire de l’un des personnages. Beaucoup de thèmes et de configurations y sont illustrées. »

Entretien: Karin Tshidimba à La Rochelle