Portée par la RTBF, le Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel et le Fonds des séries belges,  la Belgian Murder Academy soutient la formation de jeunes scénaristes. Fin janvier, elle dévoilera ses cinq premiers scénarios de séries policières. Nous avons discuté avec deux de ses concepteurs.

Ils sont onze, répartis en cinq équipes, à avoir répondu à l’appel du 22 juin. Celui de la Belgian Murder Academy, une formation de cinq mois qui vise à soutenir le travail de (jeunes) scénaristes. L’objectif ? Accompagner le développement de projets de séries policières « s’inscrivant dans la foulée de succès tels The Bridge ou Broadchurch . Le tout avec un ancrage belge marqué et des histoires qui abordent des faits de société contemporains, à l’instar de La Trêve ou Ennemi public « , précise la RTBF.

Cet appel à projets « porte sur une écriture connue et un genre hypercodé. Tout le monde sait à quoi la notion de murder mystery fait référence. Cela permet même à des jeunes auteurs d’entrer dans un cadre très lisible. Pour soutenir les auteurs, il n’y a pas 36 solutions, il faut permettre qu’ils soient payés pour écrire, mais il faut que le projet ne soit pas flou et qu’il débouche sur de vraies opportunités », insiste Sylvie Coquart, responsable éditoriale au sein de l’équipe Fiction de la RTBF.

La Belgian Murder Academy (BMA) répond donc à ce souhait et s’inscrit dans le cadre du plan #Restart, mis en place par la RTBF, afin de soutenir le secteur audiovisuel belge.

Depuis septembre, cinq équipes de scénaristes ont entamé cette formation conçue en partenariat étroit avec le Centre du cinéma et de l’audiovisuel et le Fonds des séries belges. « On leur pose des questions clés pour qu’ils puissent entrer facilement dans la logique d’écriture des séries. On les accompagne et on les forme au fil des semaines aux codes précis du genre. C’est très bien de vouloir casser les codes, mais il faut d’abord apprendre à bien en jouer pour créer l’addiction et maintenir la dramaturgie. » Tout comme le fait de connaître ses gammes offre davantage de liberté, en musique. « Souvent, on croit innover, mais 99 % de la narration des films/séries répond à un canevas connu. »

Écrire et rencontrer des producteurs

Même à distance, les équipes poursuivent les ateliers et écrivent. « À la fin janvier, ils pourront remettre leur dossier (la bible de leur série et un premier épisode dialogué) et passer devant le jury du Fonds des séries belges. On espère qu’un ou deux projets, au moins, seront prêts pour le jury de mars. »

Frédéric Zeimet, scénariste belgo-luxembourgeois, qui a aussi travaillé en Allemagne et en France, a été choisi pour les encadrer. « Il a dirigé toute la formation et en a imaginé le cursus. C’est lui qui suit les jeunes auteurs, en totale autonomie. »

Fin janvier, « on verra quelles équipes ont franchi toutes les étapes et quel(s) dossier(s) a (ont) retenu l’attention des producteurs sollicités ». Ceux-ci pourront prendre une option pendant la séance de speed dating organisée par la RTBF. « Les producteurs intéressés doivent choisir maximum deux projets sur les cinq déposés. Et, quoi qu’il arrive, les équipes auront suivi une super formation et seront prêtes à présenter d’autres projets de séries », assure Sylvie Coquart.

La force du groupe au service d’un récit

« Toutes les chaînes veulent des séries policières et des comédies. La question est : comment parvenir à se distinguer ? Les ingrédients sont toujours les mêmes, donc comment proposer des plats originaux ? Qu’est-ce qu’on écrit, qu’est-ce qu’on raconte ?« , interroge le scénariste Frédéric Zeimet, en charge de la BMA, qui avoue aimer ces deux genres dans lesquels il « essaie d’avoir le bagage théorique le plus complexe ».

Lorsque l’équipe Fiction de la RTBF croise sa route, Frédéric Zeimet anime, depuis un an et demi déjà, un atelier mensuel d’écriture de scénarios au Luxembourg. Atelier au cours duquel il aborde notamment la question de l’empathie dans la série Bodyguard : « Comment le scénario fait-il en sorte que le public s’attache à ce personnage multitraumatisé ? » Jouer avec les limites dans un genre ultracodé, c’est la clé d’une série réussie.

Une expérience très européenne

Scénariste depuis 2007 pour les séries et le cinéma, Frédéric Zeimet a travaillé en Allemagne, Belgique, France et au Luxembourg et même sur des longs métrages finlandais ou italiens. « J’ai beaucoup voyagé. Ce qui m’a permis de développer mon expérience et mon travail pédagogique pour collaborer avec des jeunes auteurs. » Le contour de sa mission au sein de la Belgian Murder Academy est tout aussi précis. « Nous avons cinq mois pour les préparer à présenter une bible de série et un premier épisode dialogué. Chaque semaine, des intervenants viennent à la rencontre des cinq groupes qui travaillent pour faire avancer leurs projets. Chaque semaine débute par la soumission de leurs textes au groupe. » Frédéric Zeimet fait appel à diverses personnes extérieures , spécialiste des dialogues, scripte, monteur, réalisateur, « pour donner leur avis sur les scénarios en cours. Scriptes et monteurs ont un vrai regard sur la façon d’entrer et de sortir d’une scène, sur la façon de la dynamiser… Ils sont précieux : ils ont une vision globale du projet et sont attentifs à sa continuité ».

Ce regard extérieur est primordial dans le cadre d’un travail d’écriture qui reste extrêmement solitaire. « Il est plus facile de progresser dans l’univers des séries, car les projets sont plus resserrés dans le temps et les retours des chaînes plus réguliers, ce qui permet de s’améliorer et de visualiser plus rapidement ce qui fonctionne, ou pas, dans son écriture. C’est l’avantage aussi du travail en atelier avec d’autres scénaristes. Mais le problème de la télévision est parfois d’aller trop vite, ou de rester trop premier degré. »

L’importance d’un faisceau de regards

Après une licence en histoire de l’art et archéologie et une autre en écriture et analyses cinématographiques (Elicit) à l’ULB, où le cinéaste Luc Dardenne a été son directeur de mémoire, ce sont les ateliers, rencontres de scénaristes, festivals et concours qui ont permis à Frédéric Zeimet de se former. « J’avais besoin d’avoir une formation encadrée. Ce n’est pas le cas de tout le monde. Dans notre collectif d’auteurs, Les Indélébiles, la moitié est autodidacte. Ce sont des personnes de confiance vers lesquelles je peux me tourner. On se voit une fois par mois et on échange sur nos textes. Seule la ténacité permet de progresser car l’écriture est éreintante… »

« Il existe de nombreux livres, vidéos et sources accessibles sur les scénarios. Pour écrire, il faut juste un papier, un bic, des idées et se maintenir sur le dos du taureau sauvage », plaisante Frédéric Zeimet. Depuis la mi-novembre, la BMA se poursuit en télétravail. « Heureusement qu’on a pu se voir pendant deux mois pour bâtir la cohésion du groupe. »

Entretiens: Karin Tshidimba