bron saison 3.jpgLa série Bron*** est l’un des emblèmes de ce que les Anglais appellent le Scandinoir, cette propension à sonder les failles de nos démocraties afin d’en extraire les meilleurs scénarios et personnages.
Ce projet original, tricoté main en 2011 entre Suède et Danemark, a donné naissance à deux adaptations: entre Etats-Unis et Mexique (The Bridge), d’abord, et entre France et Grande-Bretagne (The Tunnel) ensuite. Un succès examiné à la loupe, à la rentrée dernière, lors du Festival de fiction de La Rochelle, qui donne un avant-goût des discussions attendues ce jeudi à 11h à Bozar dans le cadre de la 3e édition du Festival «Are you series ?» (l’épisode 1 de la saison 3 est montré à 10h).

Tout est parti d’un projet local. « La télévision suédoise diffusait beaucoup de programmes venus du Danemark et on s’est demandé comment faire en sorte que le contraire soit vrai, que les Danois regardent des programmes nés à Malmö », explique le producteur Anders Landström.

« C’est à ce moment-là que Camilla Ahlgren a commencé à travailler avec nous. Elle a eu l’idée de placer un corps en plein milieu d’un pont, à l’endroit exact où passe la frontière entre nos deux pays. Pour que les polices danoise et suédoise soient forcées de collaborer. L’idée était que le projet soit non seulement produit par les deux mais aussi que l’histoire appartienne aux deux pays, de façon organique et pas artificielle. »

Un succès local et international

bron3.jpgConçue initialement comme une mini-série, Bron achève en ce moment sa troisième saison sur les deux chaînes nationales. « Il a fallu réfléchir à la façon de rapprocher les impératifs de chaque chaîne. En dépassant notamment la barrière de la langue. Surtout parce que des sons semblables peuvent produire des sens très différents », poursuit Anders Landström.

« Pour éviter qu’il y ait des tensions entre chaînes, nous avons fait en sorte d’avoir le dernier mot. Au début, les Danois se plaignaient du nombre de personnages que nous avions définis mais nous avons affirmé notre point de vue. Bien sûr, il y a eu beaucoup de discussions au début, y compris avec les Allemands qui faisaient partie du projet de façon minoritaire. Il faut vraiment un plan de production très clair pour que cela soit possible et que le poids des deux diffuseurs soit identique. »
Son principal sujet de satisfaction: « Nous avons réussi à préserver notre idée de départ, les chaînes n’ont pas tenté de la changer. »

« La préparation était tellement forte et le pitch tellement bon que les Anglais et Français ont suivi le modèle sans peine (mais avec créativité, NdlR) mais on ne pensait pas que le succès serait tel. On pensait seulement que cette histoire plairait à nos deux pays », concède Anders Landström.

Tout miser sur les personnages

« Le fait que l’histoire devienne de plus en plus personnelle a assuré son succès, analyse Lars Blomgren, directeur de production. C’est l’histoire de Saga (l’enquêtrice suédoise campée par Sofia Helin, NdlR) que nous développons dans cette saison 3, elle y est entourée de nouveaux venus. Il faut parvenir à capter l’attention des téléspectateurs en investissant dans les personnages. On sait que c’est cela qui les intéresse. bron 31.jpgC’est un thriller mais le moteur du récit, ce sont ses individus un peu étranges. Saga est le reflet de ce que les Danois pensent des Suédois: quelqu’un qui a de sérieux problèmes de communication », plaisante-t-il.

« Pour nous, scénaristes, il est crucial que les producteurs nous suivent et nous soutiennent, avant que les chaînes ne donnent leur avis, précise Camilla Ahlgren. On sait que les chaînes veulent que la série dise des choses sur notre société. Il n’y a pas eu de guerre en Suède depuis 200 ans, c’est une société très bourgeoise, très protégée. D’où l’importance de confronter les gens à des situations tendues, pour les faire réfléchir. On présente nos idées aux coauteurs et aux producteurs mais ce ne sont pas les chaînes qui décident, in fine. Elles sont le dernier maillon impliqué. » Des propos qui ne manqueront pas de faire rêver de ce côté-ci de la mer.

« Jusqu’ici au Danemark, le réalisateur était roi mais pour la première fois, ce sont les scénaristes les rois, c’est une nouvelle façon de travailler. D’où l’importance de trouver les bons réalisateurs et partenaires pour avoir confiance en eux, conclut le producteur Anders Landström.

Maintenir la qualité à tout prix

« Le projet évolue au fur et à mesure, c’est un procédé créatif en mutation et c’est bon pour la série affirme Camilla Ahlgren. Il y a toujours ce système de fin ouverte. Si on y croit, si les personnages sont bons, alors on continue à travailler sur cette base-là. On n’a pas encore décidé si cette saison 3 sera la dernière, la discussion est en cours », soulignait Lars Blomgren en septembre dernier. Entre-temps, les bonnes audiences ont dû lever une part de leurs appréhensions.
« Si on peut faire une saison 4 avec la même qualité, on le fera. C’est un gros engagement de maintenir cette qualité », soulignent Camilla Ahlgren et le producteur Anders Landström. « Même si il y a une forte demande de la part des diffuseurs scandinaves et internationaux », reconnaît-il.

Le système scandinave prévoit que beaucoup de précautions sont prises dès le départ en matière de contrôle des coûts. « On choisit un bon groupe d’acteurs qui connaissent bien le réalisateur et qui se sont rencontrés en amont afin de préparer le tournage. On ne peut faire monter la qualité qu’en pensant bien à tout avant de crier «moteur». »

L’écriture démarre un an avant le tournage. Objectif: que tous le scripts soient prêts deux mois à l’avance. Du moins, les scripts des 4 premiers épisodes; puisque chaque saison (10 épisode) est tourné en trois blocs: 4 épisodes, puis 4 autres, puis les 2 derniers. « Ce qui permet de faire quelques ajustements des personnages entre les blocs. »
En tout, le tournage dure sept mois et demi. « Il a fallu apprendre à bien se connaître aussi, souligne Lars Blomgren. Ce sont les mêmes équipes depuis le début, alors forcément à chaque saison on s’améliore. »

KT, à La Rochelle