Surtout ne jamais avoir l’air étonné. Passés maîtres dans l’art de la dissimulation et du jeu de dupes, les ombres du boulevard Mortier ne sont pas au bout de leurs peines. Il leur faudra beaucoup de sang froid dans cette saison 5 du Bureau des Légendes qui est la dernière signée par Eric Rochant. L’interrogatoire débute ce samedi à 20h30 sur Be Séries


A chaque nouvelle saison, son nouveau focus, son nouveau refrain. Comme dans un travail de mise en scène qui veillerait à éclairer chaque élément du choeur héroïque – Raymond Sisteron (Jonathan Zaccaï), Marina Loiseau (Sara Giraudeau), Sylvain Ellenstein (Jules Sagot), Liz Bernstein (Anne Azoulay), etc… – au fil des différents actes.

Après JJA (Mathieu Amalric), bien décidé à remettre de l’ordre dans Le Bureau des Légendes** en saison 4 – personnage inspiré d’une véritable figure du contre-espionnage français -, c’est au tour de Mille Sabords (Louis Garrel) de faire l’objet de toute l’attention des scénaristes. Actif en Arabie Saoudite, il semble très affecté par la mort annoncée de Malotru (Mathieu Kassovitz) qui fait la Une des journaux en France. Difficile de savoir à qui cette mort profite ou nuit le plus. Français, Russes, Américains ? Dans ce grand jeu de dupes à l’échelle internationale, cette énième manoeuvre de déstabilisation provoquera-t-elle les effets escomptés ?

Dès le premier épisode, cette nouvelle saison du Bureau des Légendes démontre sa maestria tant en termes de stratégies géopolitiques souterraines qu’en termes de psychologie humaine. C’est une nouvelle partie de poker menteur qui s’ouvre avec son quota de professionnels et de novices. Face à la disparition de l’un de leurs membres éminents, les services secrets français réagissent avec leurs tripes avant de laisser l’intellect parler. Déstabilisée, Marie-Jeanne Duthilleul (Florence Loiret-Caille) a choisi de quitter Paris pour s’investir sur le terrain, au Caire. Une métaphore du choix posé par le showrunner Eric Rochant lui-même ?

La fin de l’ère Rochant

Fuyant un « labeur gigantesque » et le risque de la panne d’inspiration, Eric Rochant a annoncé que cette saison serait sa dernière à la tête de la série, un univers qu’il va confier à Jacques Audiard (De Rouille et d’os), réalisateur des deux derniers épisodes de cette saison 5.

Avec ses personnages directement inspirés du réel, Le Bureau des légendes a réussi à s’imposer sur la scène internationale. Vendue dans 112 territoires, la série a notamment été classée 3e dans le Top 30 des meilleures séries de la décennie établi par le New York Times et fait l’objet de nombreux ouvrages.

A l’extrême qualité documentaire de son intrigue – coécrite avec Camille de Castelnau et Olivier Dujols entre autres – s’adjoint une réalisation au cordeau et une distribution de premier choix où chaque instrument contribue à l’harmonie de l’ensemble. Un édifice patiemment bâti par Eric Rochant, premier créateur à avoir réussi à adapter en France un processus de production industriel dont les Américains ont depuis longtemps le secret. Reste à voir si la série résistera au départ de son concepteur et si elle retrouvera suffisamment d’éléments inédits pour rebondir une fois encore.

Karin Tshidimba