Sélectionner une page

Hommage au film noir, la série de Tom Fontana et Scott Frank renoue avec le personnage apparu dans Le Faucon maltais et confronte intelligemment les stigmates de l’Occupation et de la guerre d’Algérie au coeur d’un petit village français. A voir sur Be TV

Pour tenir la promesse faite à sa cliente Brigid O’Shaughnessy, récemment décédée, Sam Spade (Clive Owen) est en route vers Bozouls, petit village dans l’Aveyron, où il est censé remettre la jeune Teresa aux bons soins de son père, Philippe Saint-André (Jonathan Zaccaï). Mais ce dernier ne veut pas entendre parler de la gamine, âgée de 7 ans. Après un violent orage, Spade croise la route de Gabrielle (Chiara Mastroianni) qui leur offre le gîte et le couvert en échange des services du détective privé. Voire plus si affinités. Huit ans plus tard, Samuel Spade n’a jamais quitté Bozouls…

Sur une bande-son délicieusement jazzy, la série s’inscrit dans les pas du détective Sam Spade, personnage emblématique du roman de Dashiell Hammett, Le Faucon Maltais, publié en 1930, sublimé sur grand écran par John Huston, en 1941, sous les traits d’Humphrey Bogart. Aujourd’hui, âgé d’une soixantaine d’années, Sam Spade s’est installé dans une propriété et un vignoble du sud de la France, mais sa retraite dorée est interrompue brutalement lorsque son passé refait surface…

Clive Owen réinvente la figure du détective privé dans la série « Mr Spade ».

Une délicieuse langueur surannée enveloppe Mister Spade***, série bilingue emmenée par le charismatique Clive Owen (Les Fils de l’homme), entouré par Denis Menochet (parfait en commissaire mi-suspicieux, mi-débonnaire), Louise Bourgouin, en patronne de cabaret légèrement désabusée, Chiara Mastroianni en élégante propriétaire de vignoble et par l’insaisissable Jonathan Zaccaï… L’ambiance plaira à tous ceux qui se sont laissé séduire par la magnétique série Ripley, autre récent hommage renversant à la magie du film noir.

Hommage et dérision

L’ombre d’Humphrey Bogart plane en effet sur Un village français, au propre comme au figuré, car la population de Bozouls est encore déchirée par les blessures non cicatrisées et les répercussions de la guerre. Les six épisodes offrent une riche plongée dans la France de 1963 – à peine remise de la Deuxième guerre mondiale et à nouveau aux prises avec la guerre d’Algérie – prouvant, au passage, que Tom Fontana (Borgia, Oz) et Scott Frank (Le Jeu de la dame), ses deux créateurs américains, ont bien potassé leur sujet pour éviter l’effet carte postale.

Mister Spade est un scénario à infusion lente où les intrigues s’entrecroisent au gré d’une solide complexité. Une lenteur à laquelle la sobriété et la nonchalance teintée de nostalgie de Clive Owen apportent l’indispensable piment, reflet de ses années sombres passées à San Francisco. Réinventant le personnage du détective privé, mi-espion, mi-aventurier, Owen propose une version toujours pleine de magnétisme, mais plus proche du canotier que du Borsalino cher à Bogart, avec une propension assez grande à tomber le costume et la chemise pour plonger dans l’onde sans même songer à enfiler un maillot, clin d’oeil au film La Piscine de Jacques Deray. Rattrapé par ses excès tabagiques – clin d’oeil à Bogart – voilà Spade incité à davantage de modération.

A ses côtés, Teresa (Cara Bossom) quinze ans à peine, et déjà intrigante, est bien décidée à dissiper les mystères qui entourent l’existence de son père. Au risque de foncer tête baissée dans les ennuis.

La série s’inscrit dans le grand revival de la figure des détectives privés déjà amorcé par le Marlowe campé par Liam Neeson, côté films, et le Sugar de Colin Farrell, décliné sur AppleTV.

Karin Tshidimba