Unité 42 tournage.jpg«J’étais en train de terminer la dernière partie de la saison 1 de Professeur T (série flamande déjà vendue dans de nombreux pays, NdlR) et comme le comédien principal avait un projet aux Etats-Unis, il y avait une coupure dans le planning. J’étais libre. John (Engel, le producteur, NdlR) m’a appelé et m’a montré le pilote réalisé par Guy Goossens et deux scénarios. J’ai dit « oui »» explique le réalisateur Indra Siera avec simplicité.

Pour relever le défi des séries, le producteur John Engel (Left Field Ventures) a opté pour un réalisateur flamand. Un choix dicté par l’expérience déjà acquise au Nord du pays, en matière de séries, et par le fait que le trio de scénaristes – Charlotte Joulia, Annie Carels, Julie Bertrand – avait été chercher de précieux conseils auprès de Guy Goossens.
De retards en reports du tournage, ce dernier n’a pas pu rester pour réaliser Unité 42, comme prévu. Un job repris par trois de ses collègues : Indra Siera donc, qui sera suivi par Roel Mondelaers et Hendrik Moonen. A charge pour le premier de réaliser les épisodes 1, 2, 3 et 10 et de définir ainsi l’identité visuelle de la série, déjà préachetée par France 2.

Nous sommes allés à la rencontre de l’équipe en tournage à Berchem-Sainte-Agathe.

Unité 42 duo.jpg« Le style de Guy Goossens était plus américain, davantage tourné vers l’action. Moi, j’aime proposer des choses étranges en termes de musique et d’images. Par exemple, les victimes parlent à la caméra. J’avais envie de rendre leur histoire beaucoup plus touchante. Ce sont des choses que j’ai changées par rapport au scénario initial. Je voulais que Bob (Tom Audenaert) ait une femme africaine, que Nassim (Roda Fawaz sur la photo n°3) soit gay. Je voulais que l’équipe ait vraiment un passé et un futur, que les personnages soient plus développés et que leur histoire soit plus fluide à travers les épisodes. Pour moi, c’était vraiment nécessaire car c’est leur histoire qu’on va suivre.
Je ne voulais pas d’un concept de série policière à l’ancienne. Même si chaque épisode présente une enquête, on a besoin d’avoir une arche plus longue qui permet de développer chaque rôle et nous entraîne à travers les épisodes. C’est ce qui fait que maintenant j’aime vraiment tous les personnages, leurs problèmes personnels, leurs particularités. Cela rend l’histoire plus belle, je crois. Je suis vraiment content. C’est bien que l’épisode commence avec un petit puzzle et qu’il y ait quelqu’un qui résolve l’énigme à la fin mais, pour moi, c’est une série sur la ville de Bruxelles et cela doit être très humain. Même les meurtriers doivent être humains. Il y a toujours une raison pour laquelle ils ont fait des bêtises. Il faut qu’on s’interroge à la fin. C’est comme le fait d’écouter de la musique triste, cela te rend encore plus triste mais cela te soulage en même temps. Il ne faut pas seulement rester dans le divertissement. »

(photo n°2: le duo Patrick Ridremont – Constance Gay au coeur des enquêtes)

« J’ai pleuré en lisant les scénarios. Ca ne m’était jamais arrivé avant »

Unité 42 Nassim.jpgPour sa première expérience en français, l’Anversois ne tarit pas d’éloges au sujet de l’équipe « incroyable » d’Unité 42.

« Les histoires ici sont formidables : c’est beau, c’est touchant… J’ai pleuré en lisant les scénarios. Ca ne m’était jamais arrivé avant. Je pense que du côté sud, ils parviennent mieux à raconter des histoires qui me touchent. Peut-être que je suis plus latin, plus baroque que je le croyais, mais c’est incroyable. Quand tu vois La Trêve et Ennemi Public, c’est ce qui a touché les gens. Ce que vous faites côté francophone, est incroyable. Il faut vraiment en être fiers. Il n’y a pas beaucoup d’argent, c’est toujours un challenge difficile mais tout le monde fait de son mieux et cela se voit. »
Dans l’équipe qui prépare la prochaine scène à tourner, on parle aussi bien français que néerlandais. « J’ai choisi un cameraman et un chef op que je connaissais mais comme on tourne beaucoup en Flandre et qu’on m’a demandé de renforcer l’équipe assez tard, beaucoup de gens avec qui je travaille habituellement étaient déjà pris », poursuit Indra Siera.

« Cette différence culturelle m’a inspiré à fond »

DSCF2888.jpgLe travail avec des comédiens francophones est aussi très différent selon lui.
« C’est incroyable et très intéressant. Même si c’est dur de temps en temps car les acteurs francophones ont toujours envie de discuter. En Flandre, je dis comment on va faire les choses et on y va, ça va vite et c’est très efficace. Alors qu’ici on discute, on va s’asseoir, etc. Mais on n’a pas le temps ! Donc j’ai dû m’adapter un peu car c’est un autre rythme. Normalement, je suis un despote, un peu éclairé j’espère et, du coup, ça va vite. Ici, je dois me tempérer. Alors je leur dis : faites ce que je veux et on discutera après. Mais le résultat, c’est que finalement, on fait des choses très touchantes et très belles. J’aime vraiment tourner ici même si cela prend plus le temps. Il faut investir dans les émotions et pousser certains comédiens à économiser leur côté latin où on voit parfois trop le travail d’acteur. Il faut choisir ses mots car la façon de dire les choses est très importante, il faut être diplomate et cela prend un peu de temps. Mais honnêtement, je suis ravi. Je n’avais pas imaginé une telle différence culturelle, c’est magnifique et ça m’a inspiré à fond. »

Par dessus tout, Indra Siera (lunettes et veste en cuir, au centre sur la photo) se félicite du « brassage belge » avec des techniciens, acteurs et réalisateurs flamands et francophones, « mais aussi des acteurs qui parlent arabe et berbère dans l’épisode sur le cyber-jihad, je trouve cela très riche. C’est cela qui est intéressant et qu’il faut montrer, c’est la richesse de notre pays. C’est ça qui est beau. On va voir si France 2 va demander le doublage ou garder les sous-titres. »
Renseignement pris, seule la RTBF optera pour les sous-titres…

Entretien: Karin Tshidimba

nb: à lire aussi l’avis des comédiens (Patrick Ridremont, Tom Audenaert, Constance Gay, Roda Fawaz),  sur cette aventure dans les deux langues…