top of the lake 2.jpgVingt ans tout juste après son sacre cannois pour «La leçon de piano», Jane Campion est de retour sur la Croisette. Non pas pour y présenter un film, mais pour recevoir un prix et y projeter sa toute première série: Top of the lake***. Un projet dans lequel elle retrouve Holly Hunter, son actrice d’alors, et sa terre natale: la Nouvelle-Zélande.

Pour son premier projet pour le petit écran, Jane Campion évolue donc en territoire connu: une terre sauvage et isolée dont elle magnifie la beauté, le magnétisme, mais aussi l’inquiétante froideur.

C’est dans ces paysages majestueux, d’une beauté à couper le souffle, que la cinéaste installe son intrigue, relativement classique, autour de la disparition d’une enfant de 12 ans. Car, bien sûr, tout est très « relativement » normal dans ce bout du monde sauvage où les hommes sont des brutes et les femmes semblent déboussolées.
Avec son rythme lent et son sens du détail pictural, la série explore deux communautés atypiques, vivant pratiquement en vase clos. Celle, brutalement régie par le parrain local: Matt Micham (Peter Mullan), père de l’ado disparue. Et celle, tout aussi paradoxale, de femmes ayant décidé de se retirer du monde pour se reconstruire et méditer dans l’ombre de GJ, leur gourou « new age ». Un rôle endossé avec force par l’excellente Holly Hunter.

Top of the lake est à la fois étrange et surprenante à l’image des paysages qu’elle embrasse. Bien plus qu’un sombre thriller, elle propose une expérience quasi sensorielle et organique, une histoire qui, longtemps, vous hante. Perdus au crépuscule ou dans la brume, entre montagnes, lacs et forêts, il faut bien se rendre à l’évidence: on n’avait sans doute jamais rien vu de semblable.

top of the lake 3.jpgAlors que la jeune Tui, 12 ans, est portée disparue, l’inspecteur Robin Griffin (la talentueuse Elisabeth Moss vue dans Mad Men) tente de comprendre les règles de ce milieu hostile qu’elle a quitté bien des années auparavant. Venue rendre visite à sa mère mourante, la jeune femme, touchée par sa brève rencontre avec l’adolescente, décide de prendre en charge cette disparition inquiétante. Malgré l’hostilité ambiante, malgré la chape de plomb, Robin recueille patiemment les indices du mal-être de Tui.

La poésie et l’effroi
Plus les paysages sont spectaculaires, plus les personnages semblent cernés par leurs propres turpitudes. On croise en effet une impressionnante galerie d’adultes marginaux ou en perdition dans cette enquête poisseuse qui semble remuer la boue de l’histoire personnelle de Robin.
On songe, forcément, au côté tragique et douloureux de l’enquête obsédante menée par Sarah Linden dans The Killing US et c’est vrai qu’il y a de cela dans «Top of the lake». Sous ce ciel trop bleu, dans ces paysages trop vastes et verdoyants pour être tout à fait honnêtes…

Réalisatrice plutôt rare (deux  films en 10 ans), Jane Campion est très impliquée dans ce projet dont elle a également écrit les 6 épisodes, en collaboration avec Gerard Lee. Déjà diffusée aux Etats-Unis en mars dernier, la série, coproduite par la BBC et Sundance Channel, sera proposée sur Arte à l’automne prochain.
Comme dans «Bright star» et dans «La leçon de piano», on y retrouve des histoires d’amour compliquées et parfois douloureuses. C’est l’autre patte de la cinéaste, qui compose une série aussi bluffante qu’étrange dont l’intrigue vacille et se dérobe.
«Top of the lake» est presque une expérience physique et, en tout cas, un voyage cinématographique, depuis le générique qui se déverse telle une cascade, jusqu’aux dernières minutes de l’enquête, sordides… Malgré la fureur des hommes et l’hostilité des éléments, on retrouve dans cette série la grâce singulière de cette cinéaste pour qui la poésie reste un moyen de communication fondamental.
KT

Et le trailer? Vous le retrouvez ici.