Plus de 60 ans après la palme décrochée à Cannes, la série en six épisodes revient aux fondements du roman de Lampedusa et redonne des couleurs à ce récit intemporel ancré dans l’histoire du déclin de l’aristocratie sicilienne. A voir sur Netflix
Alors que le général Garibaldi a quitté Gênes avec la ferme intention de s’emparer du sud du pays, le Prince Don Fabrizio Salina (Kim Rossi Stuart), alias le Guépard, arrive en ville pour retirer sa fille Concetta (Benedetta Porcaroli) du couvent, par peur qu’il lui arrive malheur. Dans toute l’Italie, les idées révolutionnaires essaiment et s’invitent jusqu’au coeur des familles, à l’image de Tancredi Falconeri (Saul Nanni), neveu du Prince, qui se dit « partisan du progrès, de la révolution et de l’unité promises » par le général Garibaldi.
Se mesurer à l’iconique chef d’oeuvre du grand Luchino Visconti, Palme d’or de 1963, portée par l’inoubliable duo Claudia Cardinale – Alain Delon, il fallait oser… Poussé par la vanité légendaire des Bourbons (sic), Richard Warlow (Le Serpent) s’est lancé dans la bataille, choisissant de donner davantage d’espace et de lumière aux personnages féminins du film et du roman, publié en 1958.

Un récit au long cours
Le récit du crépuscule de l’aristocratie sicilienne retrouve une nouvelle jeunesse avec cette version sérielle, en six épisodes d’une heure, puisant dans le livre de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, tout en louchant parfois vers son illustre adaptation : le long métrage de Visconti.
Entièrement tournée entre Palerme, Catane et Syracuse, la série remet au goût du jour les enjeux et les péripéties de cette histoire familiale qui se confondent avec les bouleversements sociaux de l’Italie de la fin du XIXe siècle. Le format sériel permet de prendre le pouls de l’époque en dévoilant le mode de vie des familles de l’aristocratie sicilienne et en s’intéressant aux personnes qui les entourent au quotidien : prêtre, métayer, gouverneur, maire…

Comparaisons et digressions
Si certains protagonistes perdent en charisme – mais comment rivaliser avec Alain Delon et Claudia Cardinale ? -, l’histoire, elle, gagne en clarté et en densité. Le format sériel permettant d’épouser davantage les méandres du roman, la limpidité du sujet (historique et politique) en sort donc renforcée. Au petit jeu des comparaisons, c’est sans doute Kim Rossi Stuart qui s’en sort le mieux offrant morgue et caractère au Prince de Salina, figure sur laquelle plane l’ombre de l’indétrônable Burt Lancaster.
Si la série s’appuie davantage sur le roman, que sur le succès sur grand écran, elle ne peut toutefois pas s’empêcher de convoquer certaines images ayant durablement marqué la mémoire collective. Sans parvenir toutefois à faire de l’ombre au film originel. Sa véritable originalité, elle la conquiert dans les chemins de traverse qu’elle choisit d’emprunter.
Des personnages féminins renforcés
Le résultat ne manque ni de lustre, ni de panache, mais difficile de dépasser son modèle cinématographique, à l’image de la scène du bal qui ne réussit pas à faire oublier la mise en scène organique et millimétrée de Visconti. Se sachant attendu au tournant, par les fans inconditionnels du cinéaste, le réalisateur et le scénariste l’ont même passablement réduite, fixant leur attention ailleurs et, notamment, sur le parcours de Conchetta, fille du Prince et de la Princesse de Salina. Un personnage qui était déjà davantage développé dans le roman que dans le long métrage de 1963.
Tom Shankland soigne ses décors, ses costumes, ses paysages et ses plans, magnifiant notamment la beauté et la richesse des palazzi siciliens. Même si ses images mordorées de palais grandioses ne parviennent pas toujours à faire oublier les célèbres plans larges et travellings du long métrage de 3h25.
En revanche, la jeunesse et la fougue du casting italo-français redonne des couleurs à ce récit au parfum intemporel. Un résultat qui doit beaucoup à l’alchimie visible entre Deva Cassel (Le Bel été), fille de Vincent Cassel et Monica Bellucci, dans le rôle d’Angelica et Saul Nanni (Supersex) dans celui de Tancredi, le fameux neveu rebelle.
Karin Tshidimba
Nb: Le film de Luchino Visconti figure dans l’abonnement VoD de la Cinetek et est visible en ligne jusqu’au 5 avril
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