Mêlant les codes de la dystopie, du film catastrophe et de l’enquête criminelle, la nouvelle création de Dan Fogelman (This is Us) résonne étrangement avec notre réalité sous menace climatique. Une série à voir sur Disney+
En croisant l’agent Collins (Sterling K. Brown) en plein jogging dans ce quartier chic, on pressent que la situation ne va pas tarder à virer à l’aigre. De fait, la découverte de la dépouille du président, dans sa chambre à coucher, déclenche une vaste enquête de sécurité. On pense embarquer pour une intrigue top secrète sur la relation controversée entre le président (James Marsden) et son garde du corps, mais il ne s’agit que de la partie émergée de l’iceberg.
Les séries Weeds et Desperate Housewives nous ont appris à nous méfier des univers trop proprets pour être honnêtes. Avec Paradise, les amateurs de rebondissements en cascades ne seront pas déçus. Conçue comme un mille-feuille aux ingrédients très diversifiés, la nouvelle série de Dan Fogelman (This is Us) ne ménage pas ses efforts pour créer la surprise et dévoiler des sous-intrigues de plus en plus retorses. Toutes ne sont pas amenées avec subtilité et l’on pourra regretter le côté trop démonstratif ou premier degré de certaines révélations. Mais le plus intéressant est ailleurs : dans la conception de cet univers en vase clos, censé reproduire le plus fidèlement et, surtout, le plus idéalement possible la vie sur terre.

La série s’attache à la catastrophe à venir et le cynisme des plus riches et puissants. Un scénario écrit avec l’auteur Stephen Markley qui a signé Le Déluge – grand prix de Littérature américaine – dans lequel il a imaginé l’effondrement climatique et ses conséquences.
Une vie réinventée en vase clos
A la fin du premier épisode de Paradise, le doute n’était plus permis: cet univers factice, malgré son apparence idyllique et sa douceur de vivre, est aussi inquiétant que ceux imaginés dans les séries Snowpiercer ou Silo qui prennent aussi le pouls d’une humanité post-chaos. L’impression d’étrangeté et d’enfermement ne quitte d’ailleurs pas les « élus survivants » peinant à s’adapter à cette nouvelle normalité, comme ce fut le cas pour les protagonistes de la série Dôme, adaptée de Stephen King, ou du film The Truman show.
L’enquête sur l’assassinat du président met rapidement en lumière les agissements étranges des grands architectes de ce lieu de vie, enfoui sous une montagne, et particulièrement la psyché déviante de sa grande coordinatrice en chef, Samantha Redmond, campée par une redoutable Julianne Nicholson (Mare of Easttown). Une personnalité de premier plan qui est aussi celle qui a établi la liste des 25 000 privilégiés appelés à vivre à Paradise.
L’acteur Sterling K. Brown campe l’agent Collins en charge de la protection du président dans la série « Paradise » sur Disney.
Pouvoir, trahisons et deuil
Le projet a des accents glaçants de dystopie, façon Black Mirror, mais le plus effrayant est que ce type de projet, conçu par des milliardaires, possède des contours qui n’ont, malheureusement, rien de fictif. Il suffit de songer aux annonces d’Elon Musk concernant ses desseins pour la planète Mars.
Au-delà de l’enquête criminelle et de la dystopie, la série brasse des questions de pouvoir et de secrets, imagine des desseins machiavéliques et de possibles trahisons, mais elle se confronte aussi à l’indépassable deuil des êtres emportés par la catastrophe écologique ou par la dégradation de notre environnement. La superposition de ces divers intérêts et de ces multiples points de vue (chaque épisode s’inscrit dans les pas d’un personnage différent) ainsi que les allers-retours dans le passé des personnages, font de Paradise un objet forcément intrigant.
Reste à espérer que la résolution, au terme des huit épisodes en cours de diffusion sur Disney, sera à la hauteur de l’ambitieux concept patiemment mis en place.
Karin Tshidimba
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