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Cette semaine, deux nouveaux « remakes » s’inscrivent sur les écrans belges et français: Gloria avec Cécile Bois (dimanche à 20h50 sur La Une et TF1, jeudi, à 21h05), Un homme d’honneur (La Une, jeudi, 20h30 et lundi à 21h05 sur TF1) avec Kad Merad et Gérard Depardieu entre autres… Pourquoi un tel engouement pour les adaptations de séries étrangères a de quoi inquiéter ?

Qu’ont en commun Kad Merad, Bryan Cranston et Yoram Hattab ? Ils ont tous les trois interprété le même rôle : un juge intègre forcé de renier tous ses principes pour sauver son fils unique d’une condamnation certaine. Que ce soit face à la justice humaine ou en raison de la Loi du talion que ne manquerait pas de lui appliquer un chef mafieux notoire. Un thriller riche en rebondissements qui soulève de nombreux questionnements, malgré les invraisemblances. Qu’elle soit française (Un homme d’honneur) ou américaine (Your Honor), chaque mini-série en 6 épisodes reprend la trame du format originel israélien, Kvodo (2017), avec plus ou moins de nuances.

Ainsi la version américaine – Your Honor -, réalisée par Peter Moffat (Criminal Justice) en 2020 pour Showtime, se déroule en Louisiane et met en évidence les inégalités sociales régnant au sein de la population, la différence de traitement entre prévenus blancs et noirs ainsi que le racisme systémique qui sévit au sein de la police US.

La version française – Un homme d’honneur -, portée par TF1 et la RTBF, bénéficie d’un casting inspirant et d’un sens du rythme relativement soutenu. On ne pourra sans doute pas résister à l’envie de savoir jusqu’où l’instinct paternel de Kad Merad (Baron Noir) le poussera à dévoyer ses engagements professionnels et moraux pour éviter que la vie de son fils Lucas (Rod Paradot) soit gâchée. Leur situation familiale récemment fragilisée créant une tension supplémentaire dans leur relation père-fils.

A chaque minute qui passe, le noeud coulant se resserre et le juge s’enferre dans ses mensonges. La mécanique implacable de la tragédie qui se noue donne toute sa puissance émotionnelle à ce drame, dilemme puissant couplé à un profond conflit de loyauté.

Affirmer sa singularité

Le casting de cette version française ne manque pas d’arguments. Zabou Breitman en commissaire et amie attentionnée, Nicolas Duvauchelle en complice plein de ressources, Aure Atika, en mère protectrice, Gérard Depardieu en chef mafieux intraitable et la formidable Eye Haïdara en avocate que rien n’arrête,… Tous composent une galerie de personnages bien charpentés. Reste à savoir quel objectif le réalisateur Julius Berg compte poursuivre avec eux, guidés par les scénarios adaptés par Anthony Maugendre et Laurent Vachaud. En espérant qu’ils parviennent à ancrer l’intrigue dans la réalité française.

La difficulté est en effet d’imprimer une singularité sur un sentier déjà fréquemment arpenté. Si on comprend bien le souhait des producteurs et des diffuseurs de tenter de capitaliser sur un format éprouvé à l’international et, en théorie, moins cher à produire, les résultats d’audience récents de séries comme Je te promets (adaptée de l’américaine This is Us) ou La faute à Rousseau laissent parfois songeur… Le public n’adhère souvent que partiellement à ces adaptations de séries qui perdent en profondeur ce qu’elles ont gagné en rapidité de mise en production. Sans compter la marge de manœuvre étroite offerte aux scénaristes, aux réalisateurs et aux acteurs. Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? La question mérite d’être posée alors que les projets de remakes se multiplient à un rythme effréné.

L’Europe, reine des adaptations de séries étrangères

On ne peut s’empêcher de noter que l’Europe est l’une des régions qui adapte le plus de séries étrangères, avec la comptabilisation de près de 40 % des adaptations de séries diffusées dans le monde, début 2017. En France, en particulier, « le nombre d’adaptations a doublé en l’espace d’environ cinq ans » notait la SACD en 2018. Et le mouvement ne fait que s’accélérer. Avec l’annonce de pas moins de neuf adaptations sur 12 nouveautés* en janvier dernier, TF1 a donné le ton. Or la crise ne peut pas tout expliquer / excuser.

Les Bracelets rouges, Sam, Le secret d’Elise, Docteur Foster… Les exemples récents sont légion, mais les fortunes diverses. Pour s’en convaincre il suffit de regarder Gloria, avec Cécile Bois, adaptation paresseuse de la britannique Keeping Faith, que proposent TF1 et la RTBF cette semaine.
Pour un succès incontestable – En thérapie, 19e adaptation internationale de la série israélienne BeTipul, dont les audiences ont établi de nouveaux records sur Arte grâce à la déclinaison très française du concept israélien initial – combien de projets caricaturaux, frileux ou insignifiants ? Des séries qui ne font, au final, que le bonheur des distributeurs internationaux, trop fiers de multiplier les ventes de droits à travers le globe et n’assurent la réputation que de leurs producteurs originaux. Réalisateurs et scénaristes restent souvent sur les bas-côtés, même si pour certains ces adaptations peuvent servir d’exercices de style. Mais faut-il en produire autant ? Quant aux amateurs de séries, ils font trop souvent les frais de cette vision totalement étriquée de la production télévisée qui confond créativité et rentabilité.

Karin Tshidimba

*nb: Sont notamment annoncées des adaptations de Liar et de Luther.