« En Thérapie », version produite en France, est la 17e adaptation à travers le globe de la série BeTipul née en Israël en 2005. A voir sur Arte, à 20 h 50. Retour sur une série qui fait beaucoup parler (autour) d’elle…

Un divan, un fauteuil en vis-à-vis et deux personnes assises face à face qui se parlent. Le dispositif épuré de la série israélienne BeTipul fascinait Éric Toledano, emballé par sa mise en lumière extrêmement pertinente de la relation entre un thérapeute et ses patients. C’est cette intimité bienveillante, cette écoute agissante qui a poussé le fameux duo Toledano-Nakache, à l’origine du succès d’Intouchables, Hors Normes et Le Sens de la fête, à se lancer dans l’aventure de la série.

Épaulés par la productrice franco-israélienne Yaël Fogiel, ils ont décidé de reprendre à leur compte les ressorts de cette série bâtie autour de la parole libérée d’un thérapeute avec cinq de ses patients. Un huis clos captivant qui en dit long sur l’état de la société, les traumas humains et le pouvoir de la parole.

BeTipul : un succès décliné à l’échelle mondiale

En thérapie est la 17e adaptation à travers le monde de BeTipul (2005), tout premier succès du créateur Hagai Levi, épaulé par Nir Bergman et Ori Sivan. Une série épurée devenue populaire sous le titre d’In Treatment aux États-Unis et connue sous le titre En analyse en France. Un dispositif minimaliste et un format de 30 minutes redoutablement addictifs.

In Treatment, c’est le triomphe d’une mécanique simplissime : unité de lieu (un cabinet d’analyse), de temps (chaque jour de la semaine, on y suit la thérapie d’un patient différent), d’action (les personnages sont presque toujours assis et parlent). Un dialogue rythmé par les souvenirs qui surgissent du passé, les révélations et les hésitations qui traversent le présent et différents angles de caméra qui les mettent en lumière. À la fin de la semaine, le thérapeute change de place et confie à son tour ses doutes à son ancienne analyste afin de « canaliser au mieux ses émotions ». Ce procédé pourrait paraître extrêmement répétitif mais la qualité des échanges et des problématiques abordées crée à la fois l’intimité, la tension et le suspense.

L’adaptation française de la série, baptisée En thérapie, a été écrite par Vincent Poymiro et David Elkaïm, le duo à l’origine d’ Ainsi soient-ils , remarquable série sur la spiritualité et la foi également produite par Arte.
L’acteur Gabriel Byrne (Secret State) a popularisé la formule que reprennent avec force et sensibilité Frédéric Pierrot, Mélanie Thierry, Reda Kateb, Clémence Poésy, Pio Marmaï, la jeune Céleste Brunnquell (Les Éblouis) et Carole Bouquet, dans le rôle de la superviseuse. Un casting éblouissant à bien des égards.

Cinq jours, cinq profils de patients

Un docteur, cinq patients, cinq soirées par semaine. » Voilà le pitch, en apparence simpliste, de la série dramatique créée par Rodrigo Garcia. Simpliste, elle ne l’est qu’en apparence car entre ces quatre murs et les personnes, qui les habitent au fil des séances, s’établit tout un faisceau d’émotions, de ressenti et de questions qui font d’In Treatment, un univers à la fois dense et épuré, unique.

Par le rythme, d’abord : neuf semaines, à raison d’un rendez-vous de trente minutes chaque soir de la semaine, soit 45 épisodes (43 dans la version de HBO, 7 semaines et 35 épisodes dans la version française). Par le ton, ensuite : placé dans une position d’écoute attentive, active, le public est renvoyé à sa propre perception du réel et des relations humaines, forcément complexes. À l’instar de Tell Me You Love Me, HBO poursuit ainsi son exploration des ressorts de la psyché humaine.

Le premier jour, on découvre Laura, une jeune médecin aux prises avec des sentiments amoureux très troublés ; le deuxième jour, Alex, un militaire mû par le sens du devoir et la recherche de l’excellence, au risque de se perdre (photo); le troisième, Sophie, jeune sportive de haut niveau, furieuse de l’évaluation psychologique dont elle fait l’objet. Le quatrième est celui réservé au couple Jake et Amy, tiraillés par leurs difficultés à devenir parents mais pas seulement… Quant au vendredi, c’est le jour de l’évaluation : Paul Weston consulte à son tour Gina, qui a été son mentor, sa conseillère professionnelle à ses débuts.

Adaptée de la série israélienne BeTipul , le projet a été porté par Mark Wahlberg (Entourage) et réalisé par Rodrigo Garcia ( Six Feet Under ). Diffusée début 2008, In Treatment a d’emblée marqué les esprits et obtenu un franc succès, semblable à celui rencontré par BeTipul sur son territoire d’origine. Le mérite en revient très certainement à Gabriel Byrne qui campe Paul Weston, psychanalyste prévenant et plein d’empathie, impliqué et à l’écoute de ses patients, même si ceux-ci « ont toujours tort » comme il le souligne, en guise de boutade à ses collègues.

La version américaine In Treatment comptera d’ailleurs bientôt une 4e saison, en cours de production pour HBO, avec une nouvelle thérapeute arborant les traits d’Uzo Aduba (Orange Is the New Black).

Novembre 2015: le trauma des attentats de Paris

Mise en ligne le 28 janvier dernier et proposée en télévision dès ce jeudi soir, la version française, 17e du nom, a déjà généré plus de 3,2 millions de vidéos vues sur arte.tv. Ce succès ne doit rien au hasard. Même si les profils psychologiques sont les mêmes que ceux du départ : Ariane (Mélanie Thierry), Adel (Reda Kateb), Camille (Céleste Brunnquell), Damien (Pio Marmaï) et Leonora (Clémence Poésy) et, enfin, le thérapeute Philippe Dayan (Fréderic Pierrot) face à Esther (Carole Bouquet), sa superviseuse, habitent chacun avec détermination une histoire singulière. Ce sont en effet les événements récents – la série se déroule en novembre 2015, juste après les attentats de Paris – qui les amènent à réinterroger le sens de leur vie, plaçant le téléspectateur face à ses propres perceptions (cf. interviews dans le QTV du 30/01).

Chaque adaptation de la série initiale fait ainsi écho aux traumas qui secouent sa société d’origine. Le conflit israélo-palestinien dans BeTipul, la guerre en Irak dans l’américaine In Treatment et les attentats du 13 novembre 2015 dans En thérapie.

On pourrait rechigner à se plonger dans une thématique aussi pesante sauf que l’attention, l’empathie et le décryptage proposés par la série, entre silences, troubles, hésitations et mensonges, offrent des clés pour être à l’écoute de soi-même dans une période tout aussi troublée. Ils nous poussent, en outre, à briser la course du temps.

Karin Tshidimba