the night of.jpgNasir Khan est un étudiant sans histoire, le style de «Pakistanais discret et bon élève» que les autres étudiants aiment charrier.
Aussi lorsqu’un des joueurs de l’équipe de basket de sa fac lui propose de venir à une de leurs fameuses fêtes du samedi soir, il accepte la proposition avec gratitude et une pointe de fierté.

C’est le problème de Nasir (Riz Ahmed): il accepte toujours de faire ce qu’on lui dit ou lui demande presque sans sourciller. C’est comme cela qu’il a accepté, à bord du taxi de son père, Andrea charmante jeune fille promenant son spleen en bandoulière. Il a voulu lui dire qu’il n’était pas en service mais a renoncé et a accepté de la conduire où elle lui demandait. La première des décisions foireuses de cette nuit du 24 octobre 2014 qu’il n’oubliera jamais.

The night of*** est le récit d’un dérapage incontrôlé, un compte-rendu qui débute en Belgique dans la nuit de dimanche (à 3h du matin) sur Be 1, en simultané avec la diffusion sur HBO aux Etats-Unis. La diffusion « normale » sera proposée dès lundi à 21h toujours sur Be1.

the night of 1.jpgBasé sur la série Criminal Justice créée par Peter Moffat pour la BBC, le scénario de Richard Price se joue des failles et béances de la justice américaine réputée pour sa partialité. Entre fractures ethnique et sociale, il y a largement de quoi faire vaciller un jeune aussi innocent – dans tous les sens du terme – que le jeune Nasir.

Sur cette trame viscérale, Steven Zaillian tisse une intrigue serrée et prenante qui enrôle le téléspectateur de façon quasi immédiate. On y assiste aux premieres heures de l’enquête (arrestation et interrogatoire pour meurtre) quasiment en temps réel. Le résultat, hypnotique, s’inscrit dans la lignée des drames à résonance sociale qui ont fait la réputation d’HBO : The Wire mais aussi Show me a hero.

James Gandolfini, qui devait tenir le rôle-titre avant son décès brutal, est crédité au générique en tant que producteur exécutif. Robert De Niro devait prendre la relève mais a décliné pour raison d’agenda, c’est donc le brillant John Turturro qui relève le défi (dans le rôle de l’avocat Jack Stone), jetant sur l’affaire son regard perçant et son air faussement blasé.

Ajoutez à cela la composition très graphique des images et des plans qui se dévoilent dès le générique pour former une succession de tableaux impressionnistes et sombres, et vous obtenez un univers qui vous happe pour ne plus vous lâcher. La caméra subjective rend très bien compte de l’oppression qui s’empare du jeune Khan et de l’étau qui se resserre autour de Nazir lorsqu’il est emmené jusqu’à Riker’s Island, célèbre pénitencier. Un monde au sein duquel la partition de Michael K. Williams (ex-Omar Little dans The Wire) n’est pas la moins attendue.

the night of 2.jpgLa série décrit la déflagration causée par cette affaire dans la vie du jeune Khan – un cauchemar que trahissent par moments ses grands yeux effarés. Ainsi que le drame vécu par sa famille, à commencer par son père et sa mère (photo), un couple sans histoire travaillant dur pour assurer l’avenir de leurs enfants.

The night of se penche sur la façon dont la justice instrumentalise cette affaire en mettant en avant le fait que le prévenu soit un jeune musulman. Elle suit aussi la parade et le jeu d’influence des avocats soucieux de s’approprier cette affaire ultra-médiatisée.
Elle sonde enfin l’impact qu’elle aura sur toute la famille de Nasir Khan.
The night of retrace une lente descente aux enfers, les errances et les bévues de la justice, l’histoire d’une métamophose qui va marquer à tout jamais un homme et ses proches. Au sein d’un casting d’une grande justesse brillent les prestations de Riz Ahmed, John Turturro, Michael K. Williams et Amara Karan, notamment.

Karin Tshidimba