Au plus près de la réalité judiciaire mais surtout humaine, Jean-Xavier de Lestrade retrace l’itinéraire d’une jeune fille malmenée par l’existence, qui rêvait d’une autre vie. D’après le livre d’Ivan Jablonka. La Une, 20h20.
Qu’est-il arrivé à Laëtitia, disparue dans la nuit du 18 janvier 2011, aux environs de Pornic, petite ville de Loire-Atlantique ? Comment la jeune fille sérieuse et décrite comme « une perle » par sa famille d’accueil, est-elle tombée dans les griffes de son agresseur ?
Reprenant la trame du livre de l’historien Ivan Jablonka, dont le roman Laëtitia ou la Fin des hommes a reçu le prix Médicis en 2016, Jean-Xavier de Lestrade s’inscrit dans les pas de la jeune fille avec son humanité habituelle. Entraînant le public à sa suite, le réalisateur tente de comprendre ce qui a poussé Laëtitia*** à changer de comportement, peu de temps avant sa mort, la mettant inexorablement dans la ligne de mire de son meurtrier.
Le terme de série « hommage » n’est pas galvaudé. L’objectif n’est pas de scruter le fait divers sordide qui a défrayé la chronique en France en 2011. Mais bien de reconstituer le parcours de vie des jumelles, Jessica et Laëtitia, et de tenter de comprendre ce qui a pu arriver à cette dernière. Pour ce faire, Jean-Xavier de Lestrade, documentariste reconnu (son film Un coupable idéal a été couronné d’un Oscar en 2002), s’est attelé à retracer la vie chahutée – et le mot est faible – des jumelles, entre père violent et instable (l’impressionnant Kevin Azaïs), placement en foyer et en famille d’accueil.
On découvre aussi le parcours de l’assassin de Laëtitia, rapidement confondu par l’enquête de la gendarmerie, non pas pour lui accorder des circonstances atténuantes mais pour percevoir cet irrépressible enchaînement de violences qui peut transformer en cauchemar la vie de tout jeunes enfants.
Ces vies ballottées et mises en danger au sein même du cercle familial, Jean-Xavier de Lestrade les connaît bien pour les avoir déjà placées au cœur de deux de ses précédentes séries. Dans 3 x Manon et Manon 20 ans, il suivait le parcours d’une adolescente en souffrance, campée par la formidable Alba Gaïa Bellugi.
Histoire d’une emprise masculine
En six épisodes, Jean-Xavier de Lestrade s’intéresse au patient travail de l’adjudant-chef Touchais (impeccable Yannick Choirat), bien décidé à faire toute la lumière sur cette sombre affaire.
À l’époque, le président français Nicolas Sarkozy, en pointant les manquements de la justice en matière de suivi des criminels, avait mis le feu à l’opinion publique, provoquant la colère des magistrats et des travailleurs sociaux débordés et en sous-effectifs, réclamant des moyens supplémentaires depuis de nombreuses années. Laëtitia est donc bien plus qu’une série policière : une tranche de vie cabossée et fragile qui témoigne du manque d’humanité et de moyens criant de l’appareil judiciaire et du système d’aide à l’enfance – qui font reparler d’eux en ce moment même en France.
Porté par deux jeunes comédiennes talentueuses, Marie Colomb (à droite sur la photo) et la Belge Sophie Breyer (découverte dans la série La Trêve ), cet itinéraire de vie, malgré sa profonde dureté, mérite toute notre attention. Pour le portrait sensible qu’il dessine d’une jeune fille souriante et pleine de vie rêvant d’un avenir « forcément meilleur » et pour ce qu’il souligne : le regard distant et souvent peu concerné des médias et de la société tout entière quand on aborde les violences faites aux enfants et aux femmes. Coproduite par France Télévisions, la mini-série est à suivre trois mercredis d’affilée sur La Une.
La mini-série a été sélectionnée et sera diffusée au prochain Sundance festival. C’est une grande première pour une série française.
Karin Tshidimba
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