«On peut parler au lieu de gueuler et de cogner sans arrêt ? On peut parler au lieu de se cracher dessus?» Rugir et frapper, c’est le seul langage que connaît Manon. Dès qu’on lui adresse un reproche ou qu’on lui fait l’ombre d’une remarque, elle sort de ses gonds. Même un regard de travers suffit à la faire partir en vrille. Par moments, elle ressent tellement d’angoisse et de colère rentrée qu’elle en suffoque, incapable de se contrôler. Face à ce bloc de granit aux fragiles contours, Lucas, l’éducateur, cherche une brèche, une porte d’accès.
Ses écarts et ses dérives ont conduit Manon tout droit dans ce centre d’éducation fermé pour adolescents à problèmes. Absentéisme scolaire, possession de cannabis, vol de voiture, conduite sans permis et finalement, coups et blessures sur la personne de sa mère. Comment sortir de cette spirale, comment briser cet enchaînement infernal ?
Jean-Xavier de Lestrade et Alba Gaïa Bellugi forment un duo incandescent et d’une incroyable justesse autour de leur héroïne 3x Manon***. Une fiction formidable, pleine de force et de désespoir, d’une grande justesse, couronnée à juste titre, en janvier dernier, du Fipa d’or 2014 au Festival de Biarritz. Les trois épisodes sont à voir ce jeudi à 20h50 sur Arte.
Collé aux basques de Manon, le spectateur est pris de vertige, déstabilisé dans ses propres certitudes. Pourquoi Manon part-elle tout de suite dans la violence, d’où vient cette rage sourde qu’elle est totalement incapable de contenir? Et comment expliquer cette relation étrange à sa mère, mélange de dépendance, de révulsion et de défiance ? Une mère ogresse à l’affection débordante et à l’attitude pas forcément équilibrée (Marina Foïs, bluffante). Car l’histoire de Manon est aussi celle d’un vide, d’un manque qu’elle ne parvient pas à combler. Dès qu’elle sent qu’elle ne contrôle plus rien, l’adolescente verse dans la boulimie.
Pour raconter cette histoire singulière et universelle à la fois, Jean-Xavier de Lestrade, réalisateur reconnu est épaulé par une jeune actrice extraordinaire, Alba Gaïa Bellugi (photo), une jeune fille qui, pour les besoins du rôle, se laisse littéralement dévorer par la colère. Portée par sa détresse et son regard affolé, cette fiction est un uppercut qui nous atteint en pleine figure.
Avec 3x Manon, Jean-Xavier de Lestrade démontre sa maîtrise de la fiction, une fiction mise au service du réel: celui des centres d’éducation fermés où atterrissent chaque année des centaines de gamins perturbés. «C’est l’affaire Courjault qui m’a mis sur la piste de cette réalité, confie le documentariste oscarisé («Un coupable idéal»), spécialiste des questions judiciaires. Parce qu’il y était question d’une filiation grand-mère, mère, fille où se posait la question de la violence mais de l’amour aussi. C’est pourquoi, dès le début, j’ai imaginé une jeune fille.»
En résulte un véritable coup de force qui, en trois parties, nous plonge au coeur d’un univers qu’on connaît peu ou qu’on imagine mal, décryptant aussi les chemins que l’on peut tenter d’emprunter – ou pas -, pour en sortir.
KT
Et le trailer? Vous pouvez le trouver ici
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