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Aux côtés de la comédienne de « De Grâce », l’ex-rappeur devenu comédien donne corps à une saga ancrée dans la pensée de Karl Marx. Une création inédite, signée par Fred Grivois et Thomas Bidegain pour Arte, sacrée meilleure série française à Series Mania.

C’est un objet télévisuel inclassable qu’Arte propose cette semaine*. Sacrée meilleure série dans la compétition française à Séries Mania, la saga Machine*** risque toutefois de décoiffer le téléspectateur moyen avec son intrigue mêlant lutte des classes, kung-fu et langage fleuri. Avec son personnage central à la Kill Bill, la série imaginée par Fred Grivois (L’Intervention) et Thomas Bidegain (Soudain seuls) – dont c’est la première incursion sur le petit écran – dépasse la simple succession de bastons pour s’ancrer dans la lutte sociale, la vraie…

On y suit le retour d’une énigmatique jeune fille dans la ville de son adolescence, dans l’Est de la France. La tête enfouie dans sa capuche et le corps dissimulé dans des vêtements sombres, elle n’est pas du genre à se laisser dicter sa conduite. Les premiers « obstacles » sur sa route en font donc les frais. Rompue aux sports de combat, celle que l’on surnomme « Machine » les envoie au tapis sans autre forme de procès.

JoeyStarr (JP) dans la série « Machine » de Fred Grivois, en ex-toxicomane, fan de Karl Marx.

Les chemins de la conscience collective

Dès son arrivée à l’usine en tant que mécanicienne, son mutisme et la rage qui bout en elle intriguent JP (JoeyStarr), en charge des stagiaires. Malheureusement, la fabrication de machines à laver françaises est loin d’être une activité prospère et le nouveau patron coréen semble vouloir délocaliser. Face à la rumeur qui enfle, les ouvriers se mobilisent et parlent de faire grève… Une crise que JP voit comme l’occasion rêvée de mettre en application les conseils de lutte éclairés de son maître à penser, Karl Marx. Un rôle qui colle à la peau de JoeyStarr et permet à l’ancien leader de NTM de révéler ses talents de comédien, au-delà de l’aplomb et de la tchatche facile.

Avec ses dreadlocks façon « punk à chien » et sa fresque de tatouages sur les bras et le corps, Margot Bancilhon compose un personnage énigmatique au charisme décoiffant. Bien loin de son rôle d’avocate dans la série De Grâce. Jamais aussi à l’aise que lorsqu’il s’agit de remettre agresseurs, forces de l’ordre et briseurs de grève au pas, elle ne dévoile ses failles qu’au travers de discrètes réactions aux messages audio laissés par sa grand-mère.

La confrontation avec JP, ancien toxico et père défaillant, ouvrier reconverti dans l’éveil des consciences des masses laborieuses, est percutante et fait le sel de cette série en six épisodes. Tout comme la découverte progressive du passé tumultueux et traumatique de Machine qui semble être activement recherchée par l’armée. « JP perçoit en Machine ce que les autres ne voient pas. Dans ce rôle, la composition de JoeyStarr est digne de celles de Lino Ventura ou de Bernard Blier autrefois », souligne le réalisateur.

Lutte individuelle et combat collectif

Cette trame habilement tissée, dont les personnages séduisent bien au-delà des fans d’action et de kung-fu, résonne forcément avec notre période socialement incertaine. « L’analyse de Karl Marx s’ancre fortement dans le monde actuel, souligne le réalisateur Fred Grivois. Quand on dit que les inégalités se creusent, que les rapports sociaux se tendent, c’est bien de la lutte des classes qu’il s’agit.« 

La série « Machine » de Fred Grivois et Thomas Bidegain, portée par Margot Bancilhon et JoeyStarr pour Arte.

En tant que coscénariste, il voit un lien direct entre les prolétaires – « ceux qui ne possèdent rien d’autre que leur force de travail » comme l’écrit Marx – et le kung-fu, inventé par des moines, cet « art martial destiné aux plus démunis qui n’ont que leur corps pour combattre ». « Ma conviction est que la non-violence, malheureusement, ne permet pas de faire bouger les choses. On l’a vu avec les gilets jaunes. » Un point de vue que son co-scénariste Thomas Bidegain ne partage pas. La série se fait l’écho de ce combat social ainsi que de « mon goût immodéré pour la pop culture, que reflètent la bande-son hip-hop et le personnage de Machine », semblant tout droit sortie d’un manga.

Karin Tshidimba, à Lille

*Dès le 4/04 sur Arte.tv ainsi que les 11 et 18 avril sur l’antenne d’Arte, à 20h55.