Considéré comme “l’incarnation française du rêve américain”, Bernard Tapie est au cœur de la nouvelle création française de Netflix à découvrir ce 13 septembre. Un projet porté par Tristan Séguéla et par le comédien Laurent Lafitte qui nous parle de la façon dont il a préparé ce rôle. Malgré les réticences de certains des proches et des fans de l’ancien homme d’affaires.

C’est l’une des séries les plus attendues de la rentrée. L’homme d’affaires Bernard Tapie, surnommé Wonderman dans la version internationale, est au cœur de cette saga qui retrace le parcours de l’une des figures marquantes de la société française des années 80 et 90. “L’homme aux mille vies”, mort d’un cancer en 2021, pensait sincèrement qu’en matière de projets et d’innovations, “The Sky is The limit”. En France, son parcours en a d’ailleurs inspiré plus d’un.
Pour donner vie à un personnage aussi “grandiose et théâtral”, il fallait bien un acteur de la trempe de Laurent Lafitte. Dans la série proposée par Netflix, dès le 13 septembre prochain, le pensionnaire de la Comédie-française en offre un portrait saisissant, résultat d’un long travail…

D’un pavillon de banlieue au jet privé

« On a mis 13 ans à la faire cette série. On y raconte un parcours exceptionnel : celui d’un transfuge de classe, le fils d’un chauffagiste devenu homme d’affaires millionnaire.” Dans la série, on le voit tour à tour chanteur, vendeur d’électroménager, patron de l’OM, ministre et prisonnier… Fasciné par la réussite individuelle, Tapie voulait impressionner son père, rappelle la série. Ce qu’il a fait en devenant “l’incarnation française du rêve américain”. Un peu Berlusconi, un peu Trump « même s’il n’a jamais instrumentalisé ses origines”, précise le comédien Laurent Lafitte.
“J’ai été surpris de la multiplicité des vies qu’il a pu mener, notamment dans les affaires. C’est devenu palpable pendant le tournage, à travers la multitude de décors : je suis passé d’un pavillon de banlieue à un hôtel particulier, d’un jet privé à un yacht, d’un ministère de la République aux vestiaires d’un match de foot et à la prison. C’est devenu très concret…” (Il rit)
“Oui, c’est une histoire finalement pas si connue de la jeune génération. Ils connaissent le nom, surtout ceux qui aiment le foot, mais ils n’imaginent pas forcément la richesse de son parcours qu’ils vont découvrir à travers la série” souligne le comédien.
Tel qu’on le rencontre, avant ses multiples succès, Tapie donne l’impression d’être en avance sur son temps avec des idées commerciales novatrices.
“C’est la qualité de tous les bons vendeurs et des grands entrepreneurs. Ils savent comprendre le désir ou le provoquer et s’en servir. Il a bien cerné son époque, il a compris très vite que tout allait passer par la télévision et il a déployé, dans la France des années 60, une énergie à l’américaine. D’ailleurs quand on cherche des qualificatifs, ce sont souvent des termes anglophones qui émergent : self-made-man, tycoon… C’est quelqu’un qui est dans une énergie de réussite, ultralibérale aussi, et très anglo-saxonne.”

Laurent Lafitte a refusé le « mimétisme obsessionnel »

Pour se préparer au rôle, Laurent Lafitte a “beaucoup lu sur sa vie pour pouvoir suivre l’évolution du projet à travers ses différentes phases d’écriture.” Une série dont il partage l’initiative avec le réalisateur et scénariste Tristan Séguéla.
“J’ai pris le pari de ne pas travailler le mimétisme et de ne pas me plonger dans les archives. J’ai voulu me débarrasser de l’exploit de la ressemblance, qui prend toute la place dans certains biopics. Je ne voulais pas qu’on ne voit que cela : le côté performance. En tant que comédien, cela ne m’intéressait pas du tout. Je me suis dit que ce serait mon Bernard Tapie: le résultat de tout ce qui a infusé en moi puisque je le connais depuis que je suis enfant.”
En soignant toutefois l’attention à certains détails. “Il y a des rendez-vous esthétiques qu’il faut respecter comme la coiffure, les costumes, sans être obsessionnel. Si j’essaie d’imiter sa voix, cela part de mes souvenirs – je suis né en 1973, je me souviens bien de lui -, je m’appuie sur cela et pas sur une assimilation obsessionnelle d’archives”, insiste-t-il.
Entre le mythe et la réalité qu’on découvre au fil des épisodes, Laurent Lafitte a dû tracer son propre chemin. “Je crois que c’était quelqu’un d’assez sincère. Ce qui l’a rendu mythique, c’est ce qu’il était vraiment. Pour moi, il n’y a pas d’un côté le mythe et de l’autre, la personne. Quand j’interprète un personnage, il n’a pas de recul sur lui-même, donc je ne peux pas prendre en charge cette réflexion analytique, cela ne m’aide pas à jouer. Dans le jeu, j’essaie seulement d’incarner un personnage avec le plus de sincérité possible. Mon travail se limite à cela. ”
Incarner un personnage réel entraîne parfois son lot d’écueils car le public attend l’acteur au tournant. Avait-il des craintes ? “Pas plus que pour un personnage inventé. Une fois que c’est fait, je m’interroge sur mes choix, sur le résultat. Est-ce que ce sera suffisamment proche de ce que les gens attendent ? Cette question vient après. Sur le moment même, je suis obligé de tracer droit dans les choix que j’ai faits.”
Travailler avec Tristan Séguéla qui, lui aussi, connaissait bien Tapie, apporte une certaine confiance. “Dans l’interprétation, cela m’assurait d’avoir un garde-fou, quelqu’un qui pouvait me dire : ‘c’est pas du tout lui ou, au contraire, tu es pile dedans’. J’avais besoin de cela car je ne suis pas parti dans un travail d’imitation pure, c’était rassurant qu’il soit là.”
Entretien: Karin Tshidimba
La suite est à lire dans le supplément « Quid » ou sur le site de La Libre.
Tapie : série en sept épisodes, réalisée par Tristan Séguéla, coécrite avec Olivier Demangel et portée par Laurent Lafitte, Joséphine Japy, Ophélia Kolb, Fabrice Luchini, Camille Chamoux… A voir le 13 septembre sur Netflix.