Après neuf ans d’absence, la série politique danoise se réinvente sur Netflix. Huit nouveaux épisodes d’un thriller intense mariant Américains, Russes et Chinois sur fond de crise pétrolière. Cap sur le Groenland, ce jeudi.

Une femme Premier ministre ? La proposition suscite toujours le même émoi… Que dire alors des commentaires et de l’intérêt suscités il y a douze ans… D’autant plus qu’à l’époque du lancement de la série Borgen***, en 2010 donc, on avait soupçonné les scénaristes de s’être un peu trop inspirés du parcours de Helle Thorning Schmidt, femme politique danoise, et de vouloir presque lui paver le chemin – elle sera effectivement nommée Premier ministre en 2011 et le restera jusqu’en 2015. Une critique récurrente en matière de fictions. On n’avait pas hésité à faire le même constat après l’apparition d’un président des États-Unis afro-américain dans 24H chrono, en 2002, et latino-américain dans The West Wing (À la Maison-Blanche) , en 2004, deux séries aux contours géopolitiques affirmés.

Une femme politique aux idéaux affirmés

Élue d’un petit parti danois, mais lâchée soudainement dans la fosse aux lions, Birgitte Nyborg (Sidse Babett Knudsen) découvrait la solitude et l’âpreté du pouvoir au sommet, tout en devant gérer au mieux son emploi du temps de femme politique, de mère de famille et d’épouse. Un défi qui avait donné naissance, de 2010 à 2013, à trente épisodes très riches, humainement et sur le plan de la dramaturgie.

Dans ces trois premières saisons, les tensions au sein de sa famille nucléaire et de sa famille politique, les dilemmes et les regrets, privés comme professionnels, rythmaient la vie de l’élue œuvrant à l’ombre du château (borgen, en VO) de Copenhague. Dans cette saison 4, on retrouve Birgitte Nyborg au poste de ministre des Affaires étrangères, tentant d’assurer sa fonction avec tact et diplomatie face à une Première ministre (Iben Dorner) plus jeune, envahissante et accro aux réseaux sociaux.

Birgitte Nyborg (Sidse Babett Knudsen) est devenue ministre des Affaires étrangères

Le spectre du pétrole qui rend fou

Du tact et de la diplomatie, il en faudra beaucoup à la nouvelle ministre des Affaires étrangères puisque la découverte d’un important gisement de pétrole au Groenland, territoire autonome sous tutelle danoise depuis 300 ans, va réveiller des appétits féroces et mutiples.

Fidèle à ses prises de position en faveur de l’écologie, Birgitte Nyborg est farouchement opposée au projet de forage international qui menace clairement la préservation de la nature en Arctique. Une position jugée intenable par nombre d’élus danois alors que la crise énergétique fait rage et que le Groenland y voit l’occasion rêvée de conquérir son indépendance (financière). La position de la ministre se fragilise encore lorsque la presse la soupçonne de ne pas avoir dit toute la vérité dans cette affaire…

Développée presque dix ans après la troisième saison, la nouvelle intrigue a le chic de réveiller les souvenirs des fans de la première heure, tout en mettant en place de nouveaux personnages et des enjeux inédits. Si l’on retrouve bien les déambulations dans les couloirs des bureaux politiques et du Parlement, les tailleurs stricts et le sourire de Madonne – rehaussé de sourcils levés -, les questions qui secouent le quotidien des Danois résonnent bien au-delà de la Scandinavie : changement climatique, défi des énergies fossiles, relations avec la Russie…

Jeux d’influence et géopolitique

À nouvelle arène politique – le Groenland et ses richesses insoupçonnées -, nouvelles rivalités : entre partis danois et groenlandais, d’abord, mais, très vite, s’y mêlent les intérêts marqués de la Russie, de la Chine et des États-Unis. Une intrigue qui n’est pas sans rappeler un thriller, venu de Norvège cette fois, Occupied, qui inscrivait un autre type de crise pétrolière en guise de toile de fond.

Confrontée à d’épineuses questions de stratégies et de géopolitique, Birgitte Nyborg, à la réputation si admirable et si droite, voit ses idéaux malmenés au terme d’un délicat conflit de loyauté.
Revirements inattendus, alliances inédites ou menacées, tentatives de déstabilisation, secrets des sources, influence des réseaux sociaux, relations avec la presse et communication de crise sont au centre des huit nouveaux épisodes proposés ce jeudi 2 juin sur Netflix. Un grand cru qui résonne avec les difficultés affrontées par les démocraties européennes.

Politique, coalitions et compromis

Non seulement Borgen ne semble pas avoir pris une ride, mais elle illustre bien les dilemmes rencontrés par les hommes et les femmes politiques d’aujourd’hui, entre besoin de reconnaissance, maintien du lien avec l’électeur et nécessité de ne pas se laisser guider par les derniers soubresauts de la rue ou de la Toile. L’occasion d’observer avec intérêt le retour de la journaliste aux dents longues, Katrine Fonsmark (Birgitte Hjort Sorensen), qui fut un temps la conseillère en communication de Birgitte Nyborg.

Devenue directrice de TV1, chaîne d’information en mal d’audiences, la journaliste doit affronter des adversaires d’un style inédit dans le cadre de ses nouvelles fonctions. Quant à Asger Holm Kirkegaard (le jeune acteur prometteur Mikkel Boe Følsgaard), ambassadeur de l’Arctique fraîchement nommé à son poste, il s’apprête à vivre des heures inoubliables sous haute tension. Prouvant qu’il est toujours aussi périlleux de tenter de gouverner au royaume du Danemark, ou ailleurs.

Karin Tshidimba