Fils et frère d’avocats, Aaron Sorkin ne badine pas avec les questions d’éloquence, ni avec les lieux de pouvoir dont il observe avec minutie les pièges et les ressorts. En attestent les pièces et les séries qu’il a écrites et les films qu’il a contribué à créer, à commencer par The West Wing. Autant d’oeuvres à redécouvrir ou à parcourir cet été.
De A Few Good Men (Des hommes d’honneur) à The Newsroom en passant par The American President (Le président et Miss Wade), Sports Night, Studio 60 on the Sunset Strip (sur le monde de la télévision) ou The Social Network, le scénario du film de David Fincher – sur le créateur de Facebook Mark Zuckerberg – qui lui a valu un Oscar et un Golden Globe.
Sa création la plus emblématique reste pourtant la série A la Maison Blanche (The West Wing) dans laquelle le natif de Scarsdale, dans la banlieue de New York, laisse poindre à la fois sa fascination pour la politique et les collaborateurs et collaboratrices zélé(e)s de la chose publique.
Aaron Sorkin est considéré comme un incorrigible bavard et un indécrottable optimiste, voire un fieffé idéaliste. De ces caractéristiques (certains parleront de « travers »), le scénariste américain a fait une force et une marque de fabrique reconnue bien au-delà de l’Atlantique. Au point de donner naissance à un style largement plagié sur tous les écrans : son fameux « walk & talk ». Une figure de style virtuose, tant à l’écrit qu’à l’écran, qui a fait date dans l’histoire des séries. Elle allie agilité verbale, rythme entraînant et haute estime de son public. Illustration…
Deux hommes marchent, fendant l’agitation d’un open space densément peuplé, délimité par quelques cloisons. Ils parlent avec détermination de sujets politiques urgents tandis que l’une ou l’autre des personnes qu’ils croisent leur tendent un mémo ou des documents. L’heure est grave, il n’y a visiblement pas une minute à perdre… Leur déplacement au sein de ce qui est communément appelé l’aile ouest de la Maison-Blanche (d’où le titre de la série The West Wing) est capté par une caméra complice qui filme leurs échanges dans un mouvement fluide et continu de travelling arrière. Tandis que chacun avance ses arguments pour convaincre la « partie adverse », les deux personnages se rapprochent du Bureau ovale, noyau central du pouvoir américain.
Captées le plus souvent de face, parfois de profil, ces scènes de joutes verbales, au débit rapide et au contenu hautement inflammable, font tout le sel de la série de Sorkin. Pas un instant, le créateur ne doute de la capacité du public à se frayer un chemin au sein de l’arsenal législatif des États-Unis, à l’image des deux protagonistes progressant au cœur de ces bureaux encombrés, semblables aux rayons d’une ruche organisée autour de la Reine. En l’occurrence, l’équipe attend le retour de Potus, President of the United States (of America).
En un joli clin d’œil, rapprochant le sens propre du figuré, l’agilité des corps mime celle de l’esprit découvrant les problèmes du jour soumis à la sagacité de l’administration du président Bartlet, que l’on découvre sous les traits de Martin Sheen.
Qu’importe que l’on puisse juger ce président démocrate trop idéaliste ou que la tenue de discussions d’importance nationale, au fil des couloirs de la Maison-Blanche plutôt que dans le secret du Bureau ovale, soit jugée « hautement improbable », Sorkin tient une recette redoutable pour accrocher le spectateur durant sa démonstration. Et cela fonctionne…
The West Wing parvient en peu de temps à capter l’engouement populaire et les louanges des critiques : la série glane au fil de ses 7 saisons plus de 50 Emmy Awards et autres récompenses télévisuelles dont plus d’une vingtaine pour sa seule première année de diffusion (1999). En 2006, dix millions d’Américains suivent le 155e et dernier épisode de la série diffusée sur la chaîne NBC. Depuis lors, Aaron Sorkin jouit d’un statut particulier dans la galaxie télévisuelle américaine. The West Wing a vingt ans aujourd’hui, la série politique est toujours aussi brillante et ne compte plus le nombre de ses disciples adeptes du walk & talk sur les petits et grands écrans.
Karin Tshidimba
nb: Malgré les appels du pied pressants de NBC, Aaron Sorkin ne désire pas donner de suite à sa série devenue culte.
C’est la troisième fois que nous regardons « West Wing » , un épisode à la fois, et toujours avec fascination ! La série nous a aidé à mieux comprendre les jeux de pouvoirs et de contre pouvoirs dans la nébuleuse des structures politiques des USA. La qualité des acteurs nous donne a chaque épisode l’impression de regarder un excellent film … Quel plaisir ! On en voudrait d’autres de ce niveau ! On enchaine d’habitude avec « Borgen » et » Les hommes de l’ombre » et puis ?…
Pourquoi ne pas tenter la française « Baron Noir » qui a la réputation d’être également très bien documentée…