Entre humour et désillusions, Judith Godrèche fait face aux fantômes de son passé dans cette série en grande partie basée sur sa vie réelle dans laquelle joue sa propre fille, Tess Barthélémy. En résulte une première série grinçante à souhait, écrite et interprétée par une grande actrice sur le retour. A voir dès jeudi 21/12 sur arte.tv
Judith est trop heureuse de retrouver Paris. Après des années passées à Los Angeles, la voilà prête à faire son grand retour en France dans un film prometteur. Las, le projet a perdu l’un de ses financements et de reports en rendez-vous annulés, l’actrice découvre que la France semble l’avoir oubliée, elle qui fut pourtant l’une des égéries du cinéma d’auteur des années 90, lorsqu’elle n’avait que 15 ans… Malgré tout, elle veut y croire et se bat pour renouer avec la magie du grand écran. Mais une nouvelle angoisse la saisit lorsqu’elle découvre que sa fille Zoé, danseuse prometteuse, jouée par la propre fille de Judith Godrèche, semble éprise de son professeur de danse, bien plus âgé qu’elle…
Une situation qui réveille dans sa mémoire le souvenir de ses 15 ans lorsqu’elle était l’égérie de La Désenchantée, film de Benoît Jacquot, enfant-star placée trop jeune sous les projecteurs (une partition jouée avec une justesse folle par la formidable Alma Struve), broyée par un destin rapace.
Il y a du grinçant, de l’amertume et de la cruauté sous le sucre glace des apparences. Judith Godrèche, de retour des Etats-Unis, joue à la ravissante idiote, trop souriante et à l’Ouest pour ne pas finir déclassée. Au début, son optimisme béat peut (agacer ou) interloquer, mais plus on plonge dans son histoire personnelle, retracée au fil de six épisodes de trente minutes, plus le caractère cruel, révélateur et poignant de son destin d’ex enfant-star émerge.
Au-delà de cette quête très personnelle des bribes éparses de son adolescence sacrifiée pointe en effet le reflet d’une génération d’actrices et de femmes en quête d’une deuxième chance ou d’un peu de reconnaissance. Des femmes qui avancent avec leurs espoirs et leur passion, malgré les peurs et les contradictions.
Avec un sens de l’autodérision décapant qui fait songer au ton des séries Chewing Gum et Fleabag, Icon of French Cinema n’aborde pas seulement la trajectoire d’actrice et de femme de Judith Godrèche, elle évoque aussi son rôle de mère et les écueils de la relation mère-fille lorsque naît l’angoisse que certains schémas néfastes ne se reproduisent ou ne se transmettent à la génération suivante.
Dans cette série, il est question du jeu de la séduction sur lequel repose le 7e art, mais aussi du consentement qui doit en être le garde-fou, du poids des apparences et de la peur du vieillissement, autant de thématiques inscrites dans notre époque et nettement plus aiguës dans les métiers du spectacle et de la représentation.
Cette quête, pleine de vérité et d’authenticité, d’une simplicité désarmante, offre une version presque crue de certains épisodes de la saga Dix pour Cent sur les coulisses du cinéma. Notamment à travers le duo très réussi de l’actrice et son agent, interprétée par Liz Kingsman (vue dans la série Parlement). Le résultat est une série poignante, désarçonnante et même percutante, mettant bien en lumière les dérives potentielles du milieu du 7e Art.
Karin Tshidimba
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