Ce 10 octobre débute une série de formations à Bruxelles à destination des professionnel(le)s pour lutter contre le phénomène. Car trop souvent les problèmes sont minimisés ou invisibilisés. Or ils démarrent souvent dès l’école de cinéma…

L’association Paye ton tournage est née en 2018 du constat que les violences sexistes et sexuelles étaient très répandues dans le cinéma. « On voulait proposer un espace aux victimes et les conseiller. »
L’alliance avec l’association Elles font des films, née en 2017, a permis d’imaginer ces formations. « On avait des objectifs communs et le sentiment que la solution passait par différents outils dont la formation, mais on ne savait pas forcément comment les mettre en œuvre » expliquent Alice Godart et Maya Duverdier, représentantes de ces deux associations. Ensemble, elles ont fédéré diverses instances du métier et recruté deux personnes qui donnent ce type de formations en France : Marie Becker, juriste experte en matière de diversité, de non-discrimination et d’égalité hommes-femmes, et Marilyn Baldeck, déléguée générale à l’Association contre les violences faites aux femmes dans le travail. « En France, ces formations sont obligatoires pour recevoir un financement du Centre national du cinéma. »

En Belgique, la proposition porte sur des « formations gratuites de 3h30, sur la base du volontariat », détaille Maya Duverdier. Formations destinées aux producteurs et productrices « pour les sensibiliser à ces violences et leur offrir un apport juridique sur les formes de protection offertes par la loi », mais aussi aux technicien(ne)s de plateau et aux personnes souhaitant devenir référents anti-harcèlement sur un tournage, personnes qui sont forcément extérieures à l’équipe. Les formations sont organisées le 10 octobre, le 15 novembre et le 13 décembre prochains. « L’idée est que les deux formatrices passent ensuite le flambeau à d’autres personnes en Belgique. »

Privilégier le dialogue et la pédagogie

« La soirée de lancement organisée vendredi à Bozar était complète, ça prouve qu’il y a un intérêt, se réjouissent les deux organisatrices. Après, il y a toujours une question de temps. Est-ce que les gens vont vouloir donner la priorité à cela ou pas ? » Car on sait que les freins peuvent être importants. Cela a notamment été le cas pour la « fiche diversité » proposée par le Centre du cinéma et de l’audiovisuel. « Elle a été fort critiquée et très mal accueillie alors qu’elle n’a aucune incidence sur le fait de recevoir un financement ou pas. Ce sont juste des conseils. On dit aux scénaristes : ‘Si vous voulez faire des films qui parlent à la majorité, intéressez-vous à ces sujets au lieu de toujours traiter de vos situations qui restent très privilégiées et peu représentatives.’ Déjà, en ne disant que cela, on a assisté à des levées de boucliers« , souligne Alice Godart. « Cela peut donner l’impression que l’on arrive avec de gros sabots, mais on doit passer par cette étape de pédagogie un peu forcée si on veut que les mentalités changent. On sait que cela passera par la discussion, la conciliation et le temps long. »

En France, il y a eu une démarche politique du ministère de la Culture avec le CNC pour organiser ces formations. En Belgique, c’est le milieu militant qui a interpellé le politique à plusieurs reprises et les écoles de cinéma. « Aujourd’hui, on a reçu un financement du Centre du cinéma et de la ministre. À terme, on aimerait que cela soit complètement pris en charge par le politique. »

Beaucoup d’étudiantes sont dégoûtées dès l’école

D’où leur interpellation du ministère de l’Éducation. « Même dans les écoles de cinéma, la situation est dramatique. On a reçu de nombreux témoignages dans ce sens. Violences et discriminations restent très présentes dans certains projets pour lesquels des financements sont accordés. C’est vraiment problématique. On fait régulièrement de la médiation dans les écoles. Le ministère est au courant. Les choses bougent avec une lenteur infinie et effrayante », souligne Alice Godart.

« Le fait qu’il n’y ait pas une charte de bonne conduite dans ces écoles alors qu’on est dans des conditions de pédagogie et de tournage presque professionnelles, cela pose problème. Au niveau de la coordination d’intimité pour les actrices ou des questions de harcèlement, il y a un grand vide », insiste Maya Duverdier. (*)

« Beaucoup de personnes sont dégoûtées avant même de terminer leurs études. On continue à dire aux élèves scriptes de ne pas aller en jupe sur les tournages, car elles n’auront que de problèmes. C’est fou qu’on nous apprenne cela dès l’école. Alors qu’il faudrait nous dire : ‘Tu t’habilles comme tu veux, à charge pour les autres d’avoir un comportement correct et respectueux de la loi.’ Ce sont les professionnels de demain, donc il y a urgence… » souligne Alice Godart.

Entretien: Karin Tshidimba

(*) nb: Nous reviendrons sur cette question de la coordination d’intimité dans une de nos prochaines notes

Infos > https://ellesfontdesfilms.be
Voici le lien pour s’incrire aux différentes formations >> https://audiovisuel.cfwb.be

La vidéo présentée ci-dessus a été réalisée par l’association « Paye ton tournage » en collaboration avec le Collectif français « 50/50 » dont le but est de promouvoir l’égalité hommes-femmes et la diversité de genre dans le cinéma et l’audiovisuel.