Choix de ses rôles, nudité à l’écran, budget serré des séries belges, défis internationaux: malgré les difficultés, le comédien Roda Fawaz, vu dans Unité 42, affirme son enthousiasme pour Invisible, première série fantastique de la RTBF. A voir dimanche à 20h50 sur La Une.

Tourner de nombreuses scènes « nu comme un ver » en ville, en hiver, alors qu’il est « très frileux ». Tourner avec un enfant, pour la première fois ; camper un père de famille dépassé dans une famille en danger… Jouer avec le thème de l’invisibilité et y être directement confronté, avec écrans verts et effets spéciaux. Les défis n’ont pas manqué pour l’équipe d’ Invisible , première série fantastique de la RTBF, et singulièrement pour l’acteur Roda Fawaz, frappé par cette mystérieuse épidémie, qui a dû faire preuve d’un mental d’acier.

« L’arrivée de l’épidémie dans la ville de Creux chamboule le quotidien d’Ayoub. Il va se battre pour que son fils n’en souffre pas et pour que l’assistante sociale ne le sépare pas de Théo. Pendant toute la saison, mon personnage se bat pour ne pas perdre la garde de son enfant, c’est la trajectoire qu’il suit. J’ai très vite senti une connexion avec ce personnage loin des clichés et des rôles qu’on m’a souvent proposés », note Roda Fawaz.

« C’est du Ken Loach avec des effets spéciaux »

La série charrie une atmosphère très particulière, ressentie « dès les auditions. Ce qui m’a touché, c’est que cette notion d’invisibilité et ces effets spéciaux n’empêchaient pas d’avoir des personnages humains et complexes. C’est vraiment du Ken Loach avec des effets spéciaux. On n’est pas dans Harry Potter ou Le Seigneur des anneaux. Ce ne sont pas des super-héros. Les effets spéciaux sont la cerise sur le gâteau. Ils viennent soutenir des parcours d’hommes et de femmes ordinaires. Au fur et à mesure, chacun est confronté à la contrainte de l’invisibilité. Ce qui nous a séduits, c’est qu’il n’y avait jamais eu de série de ce genre, en Belgique francophone en tout cas », souligne-t-il.

Le grand public a découvert cet habitué des planches, dans la série policière Unité 42. Roda Fawaz n’a pas hésité à replonger dans la fournaise sérielle, malgré des budgets et des calendriers de tournage serrés.

La délicate économie des séries

« Ce problème financier des séries est vrai partout. Je suis impliqué dans un projet entre Suisse, Luxembourg et France et les soucis financiers existent aussi. Il y a toujours des améliorations à trouver mais c’est un tellement beau mouvement qu’il est beaucoup trop tôt, à ce stade, pour tout critiquer et se tirer une balle dans le pied. Il faut accompagner ce mouvement, tout en cherchant à améliorer les choses. Quand on m’a proposé ce rôle, je ne me suis pas dit : ‘J’ai déjà fait une série, c’était crevant, j’arrête’. Et puis, ce sont vraiment des projets super intéressants et très différents. Ce sont des prises de risque à chaque fois : La Trêve, Ennemi Public et même Champion, avec son succès relatif… Je suis prêt à aller à la guerre encore plusieurs fois pour les séries. Il faut soutenir ce que la chaîne fait, tout en ayant un regard critique. On ne peut pas se plaindre qu’il n’y ait rien et quand il y a quelque chose, dire que cela ne va pas comme on veut. Et encore, nous les comédiens, nous sommes bien lotis. Quand on voit le travail des producteurs et des auteurs, c’est tellement long… Tant que cela reste raisonnable, il faut soutenir cette dynamique, tout en gardant un oeil critique », insiste le comédien.

Des budgets revus à la hausse

Avec l’inflation, les budgets des séries belges ont été revus à la hausse, sans pour autant être devenus mirobolants. Ainsi les équipes peuvent désormais compter sur un budget de 380 à 400 000 € par épisode, là où la saison 1 de La Trêve et Ennemi Public n’avait « eu droit » qu’à 250 000 €. Ce qui rend les tournages à la fois moins stressants en nombre de jours et de techniciens présents. Pour rappel, en France, le budget est de l’ordre du million par épisode.

« Je ne pensais pas aux séries quand je suis devenu comédien, reconnaît Roda Fawaz, mais quand on voit la qualité des séries, aujourd’hui, et la place qu’elles prennent par rapport au cinéma, il n’y a pas à rougir. J’ai des amis français qui m’ont parlé d’ Unité 42 (la série a été diffusée sur France 2, NdlR), ils m’ont dit : « on voit l’univers, la touche personnelle… Ce n’est pas Julie Lescaut, quoi ! » On n’a pas du tout honte de ce qu’on fait. Maintenant, il faut franchir cette petite étape supplémentaire pour qu’on soit davantage reconnus à l’international. Qu’on puisse faire des séries indépendantes bien ficelées. On est encore en apprentissage mais j’espère qu’on va arriver à ce niveau de contrôle. Quand on voit les séries israéliennes, ils sont très forts avec peu de moyens. Ça donne de l’espoir… Je ne sais pas ce qu’il faut changer – ce serait prétentieux de ma part – mais il y a un endroit de la chaîne de fabrication où il faut encore un peu lever le curseur pour que nos projets puissent prendre leur envol. C’est une industrie très jeune par rapport à d’autres pays comme les États-Unis. C’est pour cela que je suis impliqué dans cette démarche, et si un projet me plaît, je fonce. Je sens d’ailleurs qu’Ayoub va me manquer. S’il y a une saison 2, je suis partant. »

Soigner sa sortie… dans une série

« Beaucoup de gens le pensent, mais je n’ai pas quitté Unité 42 pour faire cette série. C’était une évolution logique de l’histoire. J’ai été très honoré de la sortie offerte à mon personnage : Nassim a eu une belle fin, c’était un vrai cadeau », conclut Roda Fawaz en souriant. Un sujet auquel il est très sensible en tant qu’amateur de séries…
« J’aime savoir s’il y a une fin ou pas. J’ai besoin de cela et si on me dit que la fin est nulle, alors cela ne m’intéresse pas. On ne peut pas dire que c’est du génie, si la fin ne ressemble à rien. J’aime quand l’intrigue est bouclée à la fin et que tout prend du sens. Tout est prévu à l’avance et pourtant, on est encore surpris. Pour cela, les séries Six Feet under (je la regarde chaque année) et The Wire restent au-dessus du lot. »

Bio express

Enfance cosmopolite. Né au Maroc de parents libanais, le jeune Roda Fawaz a passé son enfance en Guinée, avant d’arriver à Bruxelles et de devenir citoyen belge. Sorti de l’IAD en 2007, son parcours passe par le conte, le stand up, des courts métrages et des longs, mais aussi de nombreux spectacles à Paris et Bruxelles.

« On the road A » . Son précédent spectacle (seul en scène) a été couronné « Meilleure découverte » aux prix de la Critique en 2016. Dans Dieu le père, mis en scène par Pietro Pizzuti en janvier 2020, l’acteur évoquait l’absence de son père, la tristesse de sa mère et la façon dont celle-ci s’est tournée vers Dieu. « Dieu est devenu mon beau-père », analyse-t-il. À travers son témoignage, le comédien aborde un parcours complexe et la question délicate de la religion mais cherche avant tout à « permettre un moment de partage ». Un spectacle qui « dépasse les clichés et les idées reçues ». Après son rôle dans la série Invisible, son prochain spectacle fera sûrement la part belle à l’humour. Tandis que Roda Fawaz planche aussi sur le scénario de son premier long métrage.

Entretien: Karin Tshidimba