A quelques heures du palmarès de cette 2e édition du festival CanneSeries, retour sur une sélection internationale très éclectique, au sein de laquelle s’affirment deux séries belges: The Twelve et Studio Tarara

La tâche s’annonce rude pour les jurés chargés de départager les dix fictions en compétition lors de cette 2e édition du festival CanneSéries. Et les deux séries flamandes – The Twelve et Studio Tarara – font un peu figure d’ovni dans une sélection très en prise avec le présent et/ou la tentation souvent vertigineuse de préserver sa vie privée face aux sirènes insistantes de la célébrité.

C’est le cas de la série israélienne Nehama qui suit le parcours d’un homme, père de cinq enfants, qui a tout, en apparence, pour être heureux mais reste taraudé par son rêve avorté de devenir comédien de stand-up. Le décès inopiné de sa femme va brutalement le confronter à ses choix et à ses responsabilités (photo du haut).

Raison et sentiments

Parcours tout tracé et envies qui (re)font surface viennent également bousculer les vies de Maria, Esther et Cristina, trentenaires aux parcours et caractères contrastés soudainement propulsées en plein doute existentiel. Résumée ainsi, la trame de Perfect Life pourra ne pas sembler très originale mais l’interprétation, touchante et décomplexée, des trois actrices les rend immédiatement sympathiques et donne vraiment envie de savoir ce qui va leur arriver. Une comédie Movistar qui prouve une fois encore la vitalité de la production espagnole.

Le dilemme est aussi au coeur de la vie de Moritz, lycéen de 17 ans qui rêve de devenir un trafiquant célèbre pour impressionner sa copine. La série allemande How to sell drugs online (fast) à découvrir dès le 31 mai sur Netflix, façonne un nouveau teen show qui risque de faire pas mal d’émules. Menée par une bande d’ados déchaînés, cette dramédie (photo ci-dessus) marie habilement une trame à la Breaking Bad et un environnement digne de Sex Education. Un scénario d’autant plus sulfureux qu’il est inspiré de faits réels…

Les excès en tous genres sont aussi au menu de Studio Tarara, série produite par VTM qui s’inspire de la success story d’un de ses programmes phares des années 90. Un microcosme daté et kitsch à souhait, exploré de façon très naturaliste sur fond d’excès en tous genres – sexe, drogues et tv show – qui a séduit un large public en Flandre.

Un monde sans fin

Atmosphère étrange et parfum de fin du monde avec The Outbreak série russe qui imagine une mystérieuse épidémie en passe de transformer Moscou en ville fantôme. Sergueï, qui vit dans une zone non contaminée, se sent forcé de se rendre dans la capitale lorsqu’il réalise la menace qui pèse sur son fils et son ex-femme. Conflits de loyauté et dilemmes familiaux sont également au centre de l’intrigue de The Feed, thriller britannique au parfum futuriste et à l’atmosphère pesante qui explore des questions pourtant très actuelles : tentation de rester toujours connectés, de partager tous ses souvenirs et moments d’intimité en temps réel jusqu’au jour où le système se dérègle et où certains individus développent des pulsions morbides.

Un environnement à l’opposé de la série japonaise Junichi qui explore la notion de brève rencontre en suivant le parcours d’un étrange jeune homme, Jun-ichi donc, qui semble avoir un don particulier pour se connecter aux autres et notamment avec des femmes en plein doute. Une exploration lente, pleine de douceur et de sensibilité imaginée notamment par le cinéaste Hirokazu Kore-eda.

Avec son enquête pour meurtre sur fond de mythologie norvégienne, Magnus est sans aucun doute la plus inclassable de la bande. Où un enquêteur mi-idiot, mi-génial se débat avec une affaire qui, visiblement, le dépasse. Le Troll qui apparaît au coeur de cette traque a connu un joli succès sur le tapis rose de CanneSéries. Retour à l’Histoire, réelle cette fois, avec Bauhaus – A new Era, coproduite par Arte et la ZDF, qui retrace la naissance de la fameuse école d’art sur fond de montée de l’antisémitisme et de désir d’émancipation des femmes (photo ci-dessous). Une série en forme de fresque mêlant narration contemporaine et récit d’époque.

Enfin, The Twelve, nouvelle série du duo Sanne Nuyens et Bert Van Dael, scénaristes de la série Beau Séjour, se glisse dans les coulisses d’un procès d’assises pour meurtres qui va radicalement bouleverser la vie des jurés appelés à se prononcer. En concentrant leur attention sur tous les protagonistes de l’affaire – avocats, policiers, accusée et jurés -, The Twelve offre un formidable miroir de notre temps où l’actualité bouscule sans cesse les convictions de chacun.

Karin Tshidimba, à Cannes