_MG_9798.jpgLe déclic remonte à 2007. En découvrant la rénovation de la galerie des Glaces à Versailles, Rodolphe Belmer, de Canal +, et le producteur Claude Chelli, de Capa Drama, restent sans voix. Mais bien vite, ils reprennent leurs esprits.
« Les Borgia étaient en préparation et il y avait une vraie appétence pour les séries en costumes. On s’est dit que c’était un pan de l’histoire française incroyable et un lieu totalement international. Au départ, d’ailleurs, on ne pensait pas faire de Louis XIV le personnage principal de la série. Mais en découvrant la vie mouvementée de son frère Philippe, le duc d’Orléans peu connu, on s’est dit qu’il y avait un enjeu à exploiter. Avec les deux frères, on était dans une architecture classique de rivalité, comme entre Caïn et Abel », explique Claude Chelli.

Sans oublier la force du site lui-même. « Versailles est un lieu qui peut créer une arène naturelle incroyable. Chaque saison raconte l’édification de Versailles en tant que projection mentale d’un Roi hors normes. La construction du palais a guidé celle de la série. On voulait montrer comment cette construction révélait des parts fascinantes de son personnage. En saison 3, on arrive au bout de ce processus car le château de Versailles est terminé », poursuit son associée Aude Albano.

En marge de la visite sur le tournage, à Bry-sur-Marne (cf. note précédente), nous avons évoqué la naissance et l’avenir de la série avec Aude Albano et Claude Chelli de Capa Drama.

D’emblée, les producteurs ont su qu’il serait « impossible de faire cette série de manière économique. Comme on tourne dans les châteaux environnants (Versailles, Champlâtreux, Vaux-le-Vicomte et Lesigny, NdlR), il fallait que nos intérieurs en studio soient à la hauteur du réel pour qu’on ne s’aperçoive pas de la différence. Forcément, cela coûte cher (environ 10 % du budget global, NdlR). On s’est dit qu’il fallait le faire en anglais car, avec quelques ventes internationales, on équilibrerait la production. On n’avait jamais pensé à un tel succès… », concède Claude Chelli.

Exporter l’image de Versailles dans le monde

DSCF4243.jpg« On comptait sur la réputation de Versailles, l’une des premières destinations touristiques en France, pour attirer le public. On pensait que le lieu était suffisamment présent dans la culture générale, et le nom Versailles une marque reconnue dans le monde entier. Le fait que la série soit tournée en anglais lui donnerait une exposition internationale beaucoup plus large », détaille Aude Albano.

Parmi les derniers pays conquis par la série (sur 136 au total) : l’Italie, « un territoire majeur pour la fiction. C’est le seul pays qui a résisté pendant très longtemps et on se demandait pourquoi. A cause du caractère sexy de la série ? En revanche, Versailles est le drama n°1 en Australie, on est ravis : on n’avait pas pensé que ce territoire serait aussi fan de la série. »

Restait l’épineuse question de la langue choisie. « A part quelques irréductibles de la culture française, qui parlent d’offense ou de sacrilège parce que Louis XIV parle anglais, le public n’en fait pas une question de principe. Ce qui compte, pour lui, c’est que la série soit captivante et que les personnages lui plaisent. Il faut dire que 80 % du public en France regardent la série doublée en français. En plus, on a vraiment soigné, avec Canal, cette partie-là du travail de postproduction. Aude a passé énormément de temps pour avoir les bonnes voix de doublage et les bons textes. Ce suivi artistique très attentif n’est pas toujours de mise sur certaines séries », argumente Claude Chelli.

« Trouver la vérité émotionnelle de Louis XIV »

Dès le départ, les producteurs décident également d’opter pour une libre interprétation de l’Histoire.
« La force de la fiction se situe dans la tête et l’émotion des personnages. On ne fait pas un documentaire, on ne cherche pas à coller à la vérité historique. Versailles conseil.jpgLouis XIV était un grand communicateur 3.0 avant l’heure, on s’est basé sur les récits officiels rédigés à l’époque, étudiés par les historiens, afin de raconter des événements encadrés historiquement par des faits : naissances, guerres, décès et rencontres officielles. En revanche, que se passe-t-il lorsque le Roi est seul dans sa chambre avec sa maîtresse ? Là, on a de l’espace pour travailler un personnage. On recherche sa vérité émotionnelle et la plausibilité. On travaille avec un conseiller historique : Mathieu Da Vinha, directeur scientifique du château de Versailles. Il a relu tous nos scénarios. Pour nous dire ce qui était faux et ce qui était plausible, tant que cela sert la fiction. Et nous avons ajouté quelques personnages qui ne sont pas historiques mais qui nous permettent de raconter l’époque », précisent les deux associés au sein de Capa Drama.

Dans cette saison 3, Versailles se penche sur la relation du Roi avec Madame de Maintenon. « Au départ, nous avions défini la trajectoire du Roi, de petit garçon à Dieu, en trois saisons bien structurées. La question se pose aujourd’hui : a-t-on suffisamment à dire pour faire une 4e saison ? »
La réponse à cette question devra être apportée dans un mois au plus tard afin d’assurer la continuité de la production, en cas de réponse positive.

Karin Tshidimba, à Bry-sur-Marne


Créée par David Wolstencroft et Simon Mirren, écrite par Andrew Bampfield, Tim Loane, Martha Hillier et Steve Bailie, réalisée par Richard Clark, Edward Balzaguette et Pieter Van Hees, la série Versailles est une création originale de Canal+ produite par Capa Drama, Banijay Studios France et Entre Chien et Loup.

photos: Tibo et Anouchka / Leila Moghtader / Canal+