Largo Winch, XIII, Lady S et Wayne Shelton (en BD), c’est lui. « Les maîtres de l’orge » et « Rani » (en télévision) lui aussi. « Diva » de Jean-Jacques Beineix et « Meurtres à domicile » de Marc Lobert lui encore, pour le grand écran, cette fois.
Créateur d’histoires sans frontières (sur le fond et sur la forme), Jean Van Hamme a fait partie du jury mini-série du Festival de Monte-Carlo. L’occasion de voir le regard qu’il porte sur l’adaptation. (photo prise avec son épouse sur le tapis rouge)
« Me choisir comme membre du jury peut sembler curieux car, à la base, je ne suis pas du tout télévore. Je ne suis pas très branché séries américaines ou même séries. D’abord, ma femme déteste ça et puis, il faudrait que je regarde ça quand ? A 5h du matin après les avoir enregistrées ? Non. La seule série que j’ai regardée, c’était 24h chrono parce que mon fils m’avait offert les dvd. Ça ne tient pas debout mais cela fonctionne fichtrement bien. »
Son credo? « Il faut en revenir aux personnages et à l’émotion« , comme il s’apprête à le faire avec Largo Winch au cinéma.
Et ce travail de juré, alors, plutôt plaisant ? « L’inconvénient, c’est qu’on n’a vu que le premier épisode de chaque mini-série, donc on ne connaît jamais la fin. C’est un peu frustrant. On assiste à la mise en place des personnages et on peut juste voir si le début a l’air prometteur. Mais finalement, il n’y a pas eu trop de discussions concernant le gagnant, on s’est mis d’accord très rapidement. »
La mini-série espagnole « Carta a Eva », qui retrace le destin croisé d’Eva Perón et de l’épouse de Franco au temps de la dictature, a fait l’unanimité pour son originalité.
« On ne m’a jamais rien demandé »
Intransigeant, Jean Van Hamme l’est également face aux projets tirés de ses scénarios. A ses yeux, Largo Winch et XIII sont très mal passés de l’écrit à l’écran. « La série télé (XIII) n’a pas été un succès foudroyant. Il y a eu 39 épisodes avec de chouettes comédiens mais les scénarios ont été réécrits par les Américains et ils étaient d’un relative pauvreté. On en revenait un peu à la formule de ‘Starsky et Hutch’, avec un personnage d’Huggy les bons tuyaux qui trouvait la solution à tous les problèmes via son ordinateur. Et ils ont commis l’erreur magistrale de mettre une femme entre les deux amis, ce qui a tout gâché. »
(Les fans pourront en juger sur pièces puisque RTL-TVI va la diffuser cet été.)
« Pour les films Largo Winch, on m’avait demandé d’être consultant sur le scénario. J’ai donc rencontré le scénariste et le réalisateur, une fois par mois, mais je me suis très vite rendu compte qu’ils ne comprenaient rien au côté financier de l’intrigue. Le premier film, avec Tomer Sisley, fonctionnait pas mal. Mais le deuxième, pour moi, était un échec car ce n’était que de l’action gratuite et des explosions. Et puis, ils ont ajouté un Simon qui était aussi excitant qu’un navet refroidi. Bref, cela ne fonctionnait pas du tout, il n’y avait pas la moindre émotion, en plus, cela a coûté très cher. J’ai donc dit à ma productrice que j’allais faire le prochain moi-même. Il y aura moins d’explosions, on n’ira pas dans 25 pays exotiques, il y aura de l’action quand il faudra, il y aura de l’émotion et cela coûtera la moitié du budget. Et j’ai ajouté : ‘tu n’es pas obligé de me payer, car je serai rétribué sur la coproduction’. Bref, j’ai intérêt à ce que cela fonctionne. »
Le processus est donc en cours. « On verra si ce sera tourné en anglais ou en français. Il y aura Canal, TF1 et peut-être Pathé et Besson, on tournera en Belgique, en France et au Luxembourg. On profitera donc du tax shelter (en Belgique) et de l’avance sur recette (en France) pour faire un truc qui tienne la route. Les deux premiers films ont coûté 28 millions pour 1,8 million d’entrées, ça ne suffit pas. Il paraît que cela a bien marché en Russie, j’attends toujours de voir le premier rouble. »
A ses yeux, « Largo Winch » a un bon potentiel en tant que personnage et en raison du contexte économique.
« On ne donne pas de leçon d’économie dans ces films. Le film ‘Wall Street’ était peut-être un peu compliqué mais je crois qu’ici, j’ai posé une intrigue économique en toile de fond, en essayant d’expliquer le pourquoi des choses. Et celui qui n’a pas compris, ce n’est pas grave, il verra l’action et comprendra quand même. A moi de faire en sorte que le scénario soit tellement bien construit que le réalisateur ne puisse pas détricoter les choses. Je verrai à qui j’ai affaire, mais j’ai bien dit que je ne voulais pas d’un réalisateur qui soit co-scénariste. »
Priorité au scénario et à l’émotion
Et ne lui parlez pas de l’adaptation de Blueberry au cinéma. « Je ne comprends pas que les scénaristes se contentent de prendre le personnage. Il y a un tas d’autres exemples : Lucky Luke, et autres conneries du genre. A quoi ça sert d’acheter un scénario ou une BD, si ce n’est pas pour utiliser ce qu’il a de meilleur ? Je ne vais pas paraphraser Gabin, mais il n’y a rien à faire : ‘il faut une bonne histoire, une bonne histoire, une bonne histoire’. »
Passer du scénario de BD à celui d’un film peut sembler facile, mais il n’en est rien.
« On peut faire une course-poursuite de 4 minutes dans un film, cela amène de la tension, mais une course-poursuite sur 4 pages, ce ne serait pas drôle. C’est beaucoup plus facile de créer de l’émotion dans un film car il y a la musique. En BD, l’émotion ne peut provenir que d’une situation où vous comprenez parfaitement ce qu’éprouvent les protagonistes. On n’a pas les deux personnes qui courent l’une vers l’autre au ralenti sur la plage. Le seul moyen de déclencher une émotion repose sur les dialogues qui peuvent soit vous surprendre, soit vous toucher ou vous faire sourire. »
KT, à Monte-Carlo
Ci-joint le lien vers le site officiel (Canal+)
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