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hervé hadmar.jpgAvec Marc Herpoux, Hervé Hadmar forme l’un des duos français les plus créatifs du moment. “Les oubliées”, “Pigalle, la nuit”, “Signature” : autant de scénarios nourris par leurs fantasmes et leurs délires ésotériques.
La quête obsessionnelle de Jacques Gamblin dans « Les oubliées« , c’est eux; le vertige de Jalil Lespert dans « Pigalle, la nuit« , eux aussi; la lente bascule de Sami Bouajila, ex-enfant sauvage devenu serial killer dans « Signature« , eux encore.

Physiquement, le duo Herpoux-Hadmar, c’est un peu Tif et Tondu, le talent créatif en plus. Leur binôme, devenu célèbre dans le Paf, est le résultat d’une alchimie, une lente maturation et un parcours parallèle entamé en 2006 par des découvertes partagées sur écrans blancs. « On a la même sensibilité, les mêmes envies de séries et les mêmes références cinématographiques. On s’amuse beaucoup en fait, on est potes avant d’être coscénaristes », détaille Hervé Hadmar.

Deux hommes, une écriture singulière, un univers sensoriel et habité, et trois objets télévisuels non identifiés : « Les oubliées », « Pigalle, la nuit », « Signature ». Montage, générique, réalisation, scénario et interprétation : le travail des deux cocréateurs est arrivé à un degré d’épure et de maturation rare en télévision française.
La série qui les a lancés, Les oubliées**, montrait un Jacques Gamblin en proie au vertige. Depuis, les succès critiques se sont succédé, même si le dernier en date – la série Signature** avec Sami Bouajila sur France 2 – n’a pas été confirmé du côté des audiences.

signature.jpg« Rémy Pflimlin (le patron de France Télévisions, NdlR) l’a encore précisé récemment : ils sont très contents du résultat, car c’est important, pour eux, en termes d’image. Bien sûr, ils sont déçus des audiences, mais 2,5 millions de téléspectateurs pour ce type de projet, c’est quand même pas mal. Une ou deux fois par an, des projets de ce type, cela participe de la bonne image d’une chaîne. Et puis, cela marche beaucoup en téléchargement. »

Evidemment, une adhésion plus grande du public ne lui aurait pas déplu. « C’est sûr que j’ai aussi envie de faire quelque chose pour 5 millions de personnes, tout en restant dans mon univers. Nous réfléchissons au moyen de le faire évoluer et de l’inscrire dans un nouveau cadre, peut-être plus rythmé, moins mental. Mon modèle, en fait, c’est la BBC. » Une « patronne » qui a bien compris l’intérêt de soigner les talents artisanaux et les univers singuliers.

« Notre fonctionnement en duo est modulable. Mais on commence toujours par quelques après-midi à boire, à manger et à discuter, pour voir si on a bien la même idée de la série. Ensuite, on construit les personnages, la thématique et l’arche (épisode par épisode). On se voit deux fois par semaine, pour faire le point et échanger nos idées. Une fois qu’on est d’accord sur cela, et qu’il y a eu validation par la chaîne et la production, on avance chacun de notre côté. On se relit et on réécrit le premier jet de l’autre, ensuite. »

Et en cas de conflit ? « Parfois, on n’est pas d’accord, c’est toujours moi qui gagne », s’esclaffe Hervé Hadmar. C’est la réalité, Marc Herpoux ne s’en est pas caché lors d’une interview récente : « J’écris pour des images, donc travailler avec un réalisateur dès le départ, cela permet de gagner du temps. Et puis, comme Hervé est en même temps scénariste, il y a des échanges, des allers et retours. S’il ne sent pas une scène, on en parle et je réécris autrement. » En France, c’est donc toujours bien le réalisateur qui a le « dernier mot ».
Le choix de travailler à deux est induit par l’objet de création choisi : la série. « Comme c’est un processus très long, on avance plus vite ensemble. » Ce qui ne les empêche pas de développer des projets personnels, chacun de leur côté. Ce sera bientôt le cas, au cinéma, avec « The silence of the moon » (cf. note suivante).

Normalement, Marc Herpoux et Hervé Hadmar auraient dû être pris par la deuxième saison de « Pigalle » toute l’année à venir, mais, en plein été, Canal+ a sifflé la fin de la partie. Incrédulité, déception. Impossible d’imaginer, comme aux Etats-Unis, que la série soit reprise par une autre chaîne (TNT ou ailleurs) ? « Je dois avouer que je n’en sais rien, je ne connais pas les détails juridiques. Ce n’est pas impossible. Mais est-ce que cela se fera ? Je ne sais pas. »

les oubliées.jpgLa colère des deux hommes porte sur la décision tardive de la chaîne. « On avait quasiment fini l’écriture. Les 5 premiers épisodes étaient dialogués et les trois derniers en cours. Peut-être qu’il s’est passé trop de temps entre les deux saisons. Peut-être que leur envie s’est émoussée. C’est le problème de l’artisanat : c’est fait main; donc, ça prend du temps. »
Un temps que le duo consacrera à son nouveau projet : « Les Témoins« , un polar (6 x 52 minutes) produit par Cinétévé, dont le héros, ancien membre de la police judiciaire, est mêlé à une sombre affaire de meurtre. « L’écriture démarre, la chaîne reste à déterminer, mais on a envie de retravailler avec Jacques Gamblin dans un univers qui se réfère à Simenon. On verra. »

mise à jour (20/10): Depuis, on appris que France 2 a signé avec les deux zèbres. Le tournage est prévu à la fin de l’année à Lille et en Seine-Maritime, Thierry Lhermitte en sera le héros… Un choix étonnant à juger sur pièce.

Karin Tshidimba, au Festival de Deauville
(publié initialement le 26.09.2011)