Scandinavie, Rep. Tchèque, Pologne, Israël, Australie: les séries américaines et britanniques ne sont plus les seules à faire battre le coeur des sériephiles. La preuve en a encore été donnée tout au long de la semaine lors du Festival Series mania qui a vu défiler 15 000 fans, soit une croissance de 25% par rapport à l’an dernier. Spécialistes ou curieux, ils ont, une nouvelle fois, démontré leur soif de découverte en décernant le prix du public à la mini-série suédoise « Don’t ever wipe tears without gloves » (photo) qui retraçait, en trois épisodes, le début de l’épidémie du sida à Stockholm dans les années 80. Un engouement observé avec intérêt par les chaînes…
Nouvelle preuve de l’attractivité de la fiction scandinave, Arte vient d’annoncer qu’elle va coproduire avec la NRK (Norvège) Occupied, une série d’anticipation politique signée Jo Nesbo, «maître du polar scandinave». Présenté comme l’un des successeurs de l’auteur suédois Henning Mankell, Jo Nesbo a vu l’adaptation de son dernier roman, « Headhunter », récolter un immense succès au box-office scandinave, film acquis ensuite par plus de 50 pays.
Avec « Occupied », thriller politique ancré au coeur des enjeux pétroliers de l’océan Arctique, Nesbo imagine la Norvège occupée par la Russie contrôlant le pays et ses ressources pétrolières. «Entre dignitaires russes, officiels norvégiens et groupuscules d’opposition, des loyautés se nouent, des trahisons s’opèrent…» Les dix épisodes (10x45mn), en cours d’écriture, seront produits par Yellow Bird (Millenium, Wallander) et GTV (Deux Flics sur les Docks). Les deux premiers épisodes seront réalisés par Erik Skoldbjaerg («Insomnia», «Prozac Nation»). Le tournage est prévu début 2014.
Toujours plus à l’Est
La nouvelle créativité en séries se nicherait-elle toujours plus au Nord et à l’Est? Au-delà même de ce projet norvégien, on est tenté de le penser à l’issue d’une semaine de visionnage intensif au coeur du Forum des Images à Paris.
L’Est compris comme une notion plutôt large recouvrant aussi bien les pays dits de l’Est que le Proche-Orient (Israël), voire même l’Australie (toujours plus à l’Est, comme le soulignerait le professeur Tournesol). En provenance de ces contrées plus ou moins lointaines, on a pu découvrir quelques séries savoureuses et audacieuses, parfois grinçantes et souvent drôles. Des exemples?
L’Australie était présente en force avec trois séries aux thématiques et aux tons très diversifiés.
Parlons tout d’abord de Redfern Now (photo) qui, par son principe, fait un peu songer à la série britannique «The street» explorant le quotidien de différents habitants d’une même rue. Ici, il s’agit d’un quartier de la banlieue de Sidney, autrefois réputé difficile, où les Aborigènes venus de toute l’Australie, se sont regroupés au fil des années. Tensions avec la police, difficultés d’intégration scolaire: chaque épisode suit un habitant dans ses espoirs et ses peines.
Pour ceux qui auraient suivi «East West 101», série policière proposée l’an dernier sur Arte, voilà de quoi alimenter vos connaissances d’un pays qui n’est pas seulement celui de Skippy. D’autant que la série, née d’une démarche délibérée de la chaîne publique ABC, a été entièrement produite, réalisée et interprétée par des Aborigènes.
Pas davantage de clichés ou de raccourcis au programme de Please like me, formidable série créée, écrite et interprétée par Josh Thomas, jeune star du stand-up au pays des koalas. Le dispositif vous fait penser à Girls de Lena Dunham? Ce n’est pas faux d’autant que Josh s’inspire, lui aussi, largement de sa vie de jeune homo, forcé de gérer ses parents divorcés et immatures, dans sa série. Mais les comparaisons s’arrêtent là. « Please like me » étant bien plus drôle et tendre que « Girls ».
Enfin, tourments adolescents au menu de Puberty Blues, la série d’Imogen Banks qui replonge dans le Sidney des années 70, au temps où la révolution sexuelle était en marche. Inspirée d’un best-seller national, la série a été couronnée d’un award australien.
Réalisme et violence sociale
Avec Homeland et In treatment, deux séries innovantes largement exportées, Israël a déjà démontré sa grande lucidité. Traumatismes, tabou des otages au Liban, peur de l’autre: elle ne craint pas de regarder les doutes qui la rongent. Nouvelle preuve cette année avec Ananda, sorte de road-movie indien qui parle surtout de la méfiance, bien présente, entre Israéliens et Palestiniens. Quant à 6 dollars per hour, elle évoque avec réalisme et lucidité la réalité des travailleurs immigrés en Israël entre angoisses et précarité.
Réalités et violences sociales, aussi, au menu de The deep end, série polonaise réaliste et généreuse qui a déjà glané de nombreux prix à travers le monde. Rien de glamour dans les thèmes qu’elle traite entre alcoolisme, violence conjugale et désenchantement, mais un portrait d’un pays encore largement méconnu.
Enfin, Agnieszka Holland a clos, ce dimanche après-midi, la série de master class de l’édition 2013. C’est en tant que créatrice de la série tchèque Burning Bush qu’elle a pris la parole au Forum. Sans oublier, bien sûr, son implication de réalisatrice dans des séries aussi fameuses que The Wire, Treme ou The Killing US. Un entretien fécond dont nous reparlerons.
KT à Paris
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