girls.jpgDimanche soir à Los Angeles, alors qu’elle entamait sa deuxième saison de diffusion sur HBO (10 nouveaux épisodes), Girls** était couronnée meilleure comédie lors de la 70e cérémonie des Golden Globes et Lena Dunham, sa créatrice et principale interprète, sacrée meilleure actrice dans une comédie (cf. note précédente).
Une consécration pour cette série, lancée en 2012, conspuée, par une partie du public américain, pour son caractère glauque et exhibitionniste, mais célébrée par un public en phase avec elle et accro aux réseaux sociaux.

Avec la fin de «Sex and the city» (en 2004) et la descente aux enfers (les dernières saisons), puis le départ annoncé de Gossip Girl (le 17 décembre 2012), il y avait assurément une place à prendre en matière de représentation des univers féminins.
En réalité, plusieurs séries postulent même l’extension du domaine de la lutte…

– Il y a, bien sûr, New girl**, avec Zooey Deschanel (Jess), qui est le versant drôle et pétillant du démarrage dans la vie de quatre colocs (3 garçons, une fille) après la rupture mouvementée de la demoiselle. Une création 2011 signée Elizabeth Meriwether. (On en reparle bientôt)

– Mais surtout Girls**  (photo) qui propose une version grinçante et résolument désenchantée d’un groupe de filles ni populaires, ni looseuses, résolues à tout tenter et à se faire respecter, à l’aube de l’âge adulte. Même si, en définitive, cette notion de respect présente une définition plutôt élastique…
Comédie noire et grinçante créée par Judd Appatow et Lena Dunham, «Girls» est une dissertation sur les stratégies de survie en milieu urbain (pas n’importe quelle ville: New York, svp) et sur l’humiliation au quotidien en temps de crise. Qu’il s’agisse d’humiliation subie, recherchée, voire même acceptée…

La question n’est pas tant de savoir «comment trouver le bon gars» que «comment trouver un job» ou plutôt «comment parvenir à supporter l’idée de devoir en avoir un» pour assumer son quotidien sans le soutien de papa-maman. Comment supporter de devenir adulte et de ne pas ressembler à celle dont on rêvait quand on avait 16 ans? Vaste programme, en fait, qui sonne très juste, une fois dépassées les provocations, parfois faciles, qui criblent les premiers épisodes. Il y a du «Bref» – pour le côté «voix d’une génération» – et du «Sex and the city» dans ces tranches de vies de jeunes adultes nombrilistes et faussement désabusés. Une bande de post-ados, en fait, parfois pathétiques mais forcément touchants dans leur quête (d’éveil) de(s) sens.

Autre âge, autre pays, certes, mais de nombreuses préoccupations communes et un ton totalement désinhibé qui fait songer à «Skins», série BBC gonflée sur les ados de Bristol. Egoïsme, peur d’aimer et d’être aimé, difficulté de se lancer dans la vie réelle et malédiction de devenir adulte: il y a tout cela et bien plus encore (nombreux questionnements existentiels et arty des jeunes de Brooklyn) dans ce conte cruel d’une génération lancée dans la vie «malgré elle».

Shoshanna, qui se rêve en couple et délurée, est complexée par le fait qu’elle n’a pas encore eu de relation sérieuse à… presque 22 ans. Pour la comparaison, disons qu’elle offre une touchante variation sur le personnage de «Charlotte» dans «Sex & the city» (1998).
Hannah, écrivain en herbe qui a tendance à se déprécier à ses propres yeux et à ceux d’autrui, et à s’embourber dans les relations foireuses, est une extension plus vulnérable et moins sexy du personnage de Carrie.
Jessa, spécialiste des plans foireux et des fêtes décadentes, qui rêve de ne pas se retrouver systématiquement dans le pétrin, pratique la liberté de dire et de faire ce qu’elle veut, où et quand elle le veut, à la façon de Samantha.
Enfin, Marnie, au physique proche de Kate Middleton, n’en finit pas de se contredire et de se morfondre. Ainsi, elle ne regrette son petit ami que depuis qu’il l’a abandonné, après deux ans d’inintérêt et de quasi mépris de sa part.

Pour le reste, les « Girls » n’ont rien copié, ni même à envier à leurs aînées, nettement plus «bourges» et installées. Aussi paumées que sincères, les quatre amies de Brooklyn offrent le paysage contrasté (quoique un peu univoque et forcé, comédie de situation oblige) d’une jeunesse ballottée, mal dans sa peau, vacharde et indécise.

– Ces quatre donzelles (et les quelques gars qui tournent autour d’elles) s’inscrivent plutôt à l’opposé de la jeune, fraîche, innocente et nouvellement débarquée Carrie Bradshaw version ado (AnnaSophia Robb), dans The Carrie Diaries*.
carrie diaries2.jpgLa série, lancée lundi soir sur The CW, est signée Josh Schwartz et Stephanie Savage (coproducteurs de «Gossip girl»). En reprenant le récit depuis le début (puisqu’il s’agit de raconter l’arrivée en ville de Carrie et sa découverte de New York et du milieu de la mode), elle offre bien un prolongement, à sa façon, à l’aventure «Sex & the city».

Déambulant dans Manhattan à raison d’une journée de stage par semaine, Carrie découvre en même temps la ville et ses tentations, une occasion en or imaginée par son père, afin de lui faire un peu oublier le récent décès de sa mère des suites d’un cancer.
Se déroulant en 1984, la série permet de se replonger dans des années fastes, visuellement et musicalement parlant, et de séduire, sans doute dans le même mouvement, de nombreux ados et jeunes adultes auxquels l’époque offrira une piqûre de rappel télévisuelle. Très bavarde et autocentrée dans son prologue, il faudra voir ce que réservent les prochains épisodes qui semblent, pour le moment, assez éloignés de leur modèle affirmé. (Extrait et détails dans notre précédente note).

2-Broke-Girls.jpgEnfin, par opposition, 2 broke girls** (CBS) est la seule véritable comédie de cet éventail. Signée Michael Patrick King et Whitney Cummings, cette série met en scène deux serveuses que tout oppose, en apparence, mais qui tentent de prendre un nouveau départ commun dans la vie. Son sous-titre pourrait être «Jeunes et fauchées» – la brune incarnant une «guerrière» qui ne s’en laisse pas compter et la blonde, une riche héritière récemment mise sur la paille par le fisc, pour cause d’escroquerie paternelle.
Cette thématique (nouveau départ, nouveaux espoirs) permet de clore ce petit tour d’horizons des nouvelles filles des séries, de leur survie et de leur combat dans la city. Un monde riche en fêlures et en éclats qui mérite d’être exploré.
KT

* le site officiel de la série « Girls »

mise à jour (10.01.2014): HBO vient d’annoncer le renouvellement de la série Girls de Lena Dunham, pour une 4e saison, avant même d’avoir entamé la diffusion de la saison 3, attendue ce 12 janvier.

mise à jour (08.02.2015): Sarah Jessica Parker (ex- Sex and the city) va fêter son retour en télévision aux côtés de Molly Shannon (Saturday Night Live) dans la nouvelle série « Divorce » produite par HBO.