Fan de cinéma et de documentaires, Annabella Nezri de Kwassa Films produit sa première série Invisible. On a discuté de ses choix artistiques et de sa volonté d’avoir un casting représentatif de toute la société belge.

La scène a lieu dans une petite maison du Brabant wallon. Le jeune Théo monte parler à son père enfermé dans la salle de bain. Touché par un virus, Ayoub (Roda Fawaz) subit un étrange phénomène de disparition partielle. Il ne sait pas comment en parler à son fils pour ne pas l’effrayer. Ni lui, ni ceux qu’il va croiser sur sa route.

Si ce n’était le dialogue irréel qui se joue à l’étage, tout aurait l’air parfaitement normal dans cette maison pleine de vie. Sous la direction de Geoffrey Enthoven, à la barre des huit épisodes, le tournage de la nouvelle série belge Invisible se poursuit jusqu’au 22 mars. (Mise à jour: le tournage est interrompu depuis ce lundi pour cause d’épidémie)

Pas de polar froid scandinave

« Visuellement, notre référence est Sharp Objects. On a regardé beaucoup de séries ensemble et le réalisateur Geoffrey Enthoven nous a parlé de cette influence visuelle. On en a discuté avec le chef opérateur, Gerd Schelfout, et Sharp Objects s’est imposée même si le sujet n’est pas du tout identique. Jean-Marc Vallée, le réalisateur de la série, ne disait pas forcément aux acteurs où il allait placer la caméra. Notre chef op travaille de la même façon« , souligne la productrice Annabella Nezri.

« Cela crée une réalisation organique, naturelle, qui va de pair avec le fait de devoir tourner vite. Une mise en scène fluide, proche des personnages et un choix de couleurs chaudes qui feront la différence avec d’autres séries vues en Belgique francophone », poursuit-elle. « On ne voulait pas opter pour le polar froid façon scandinave. On est fan des premières séries belges, La Trêve et Ennemi Public, mais on veut montrer que la Belgique est variée en termes de décors et qu’il n’y a pas que les Ardennes. De notre côté, on a beaucoup tourné dans le Brabant wallon : Rixensart, Jodoigne, Braine-le-Comte et une semaine à Bruxelles dans une école. On est dans du réalisme fantastique ; on voulait être proches des personnages pour partager leurs émotions. »

Documentaires, longs métrages, séries : la société Kwassa Films ne refuse aucun genre, aucun type d’histoire. « Je voulais faire une série depuis longtemps, j’en développe plusieurs mais aucune n’était à ce stade. On m’a proposé ce projet en juillet 2019. Tout a été très vite. On est passé devant la commission, on a fait le pilote, le développement. En un peu plus d’un an, tout s’est débloqué et on est parti en tournage. »
Le projet Invisible (ex-Unseen) s’était enlisé et avait déjà changé de producteur, de réalisateur et d’auteurs. La RTBF cherchait à lui donner un nouveau souffle. « J’ai été choisie parce que Kwassa est une jeune boîte qui a l’habitude de faire des projets avec des budgets restreints et on m’a dit que cela ne se voyait pas à l’écran. La RTBF tenait vraiment à cette série. Ils nous ont beaucoup soutenus. »

Priorité à l’émotion et à la diversité

Le choix du fantastique ne relève pas davantage du hasard. « J’essaie de faire des films de genre : thriller, comédie, fantastique,… Des choses qu’on voit moins côté francophone que côté flamand. » A l’instar du long métrage Jumbo de Zoé Wittock, récemment récompensé à la Berlinale, produit par Kwassa Films.

La productrice Annabella Nezri (à gauche) lors de la cérémonie des Magritte du cinéma en 2017.

« Si cela avait été pour faire une série policière classique, je n’aurais jamais accepté. L’industrie est en train de changer. Ce Fonds RTBF forme de nouveaux scénaristes, cela permet de voir de nouveaux types de projets émerger. C’est super qu’on y arrive enfin » comme à mettre en avant un casting volontairement diversifié : Myriem Akheddiou (Le jeune Ahmed), Roda Fawaz (vu dans Unité 42), Raphael Lamaassab… Parmi d’autres visages connus du petit et du grand écrans : Fabio Zenoni, Luc Van Grunderbeeck… « Comme cela existe dans les séries américaines, tout simplement… Cela traduit notre volonté de représenter l’éventail de la société belge », souligne Annabella Nezri.
Un autre point sur lequel sa volonté de productrice rejoint les attentes de la RTBF et du Fonds des séries belges.

Entretien: Karin Tshidimba
Photos dans les coulisses du tournage de la série « Invisible »: Marie Russillo