Dans la série 37 secondes, l’actrice, Césarisée pour son rôle dans L’Histoire de Souleymane, porte le combat des familles de marins endeuillées à la suite du mystérieux naufrage du Bugaled Breizh.
Vous l’avez vue en spécialiste de la communication de crise, inquiète et sur la brèche dans la série La Fièvre ; en inspectrice de l’Ofpra compréhensive et à l’écoute dans L’Histoire de Souleymane. Interprétation qui lui a valu, fin février, le César du meilleur second rôle.
Dans les prochaines semaines, vous la croiserez aussi en snipeuse des forces spéciales dans la saison 2 de la série Coeurs noirs et sous les traits d’une gitane trafiquante de drogue dans la saison 2 de BRI. « Le grand écart entre ces rôles est tellement énorme que ce n’est pas compliqué, il n’y a pas moyen de les confondre », glisse Nina Meurisse avec un sourire malicieux.
« J’aime grappiller tout ce qui va rendre mon personnage et son métier naturels comme si je l’avais dans le corps. » Il y a, dans le jeu d’acteur, « un côté chorégraphique » qui ramène à la danse où il faut vraiment avoir conscience de l’espace, « des mouvements, des gestes précis pour que ça passe ».
Dans les bottes du personnage
Pour devenir Marie Madec dans la série 37 secondes, la comédienne a vécu une journée type. « On se lève à la même heure. On met les mêmes habits. On est plongé dans le bain. J’aime bien ce truc d’être très observateur et de trouver moi-même comment ils font eux. J’observe leurs gestes pour la découpe des poissons, les détails de vie de chacun. Et à un moment, il faut que j’y arrive. C’est ça le principe », explique-t-elle simplement.

Il y a aussi la psychologie, le tempérament de son personnage. « Marie Madec refuse de se laisser abattre, elle ne satisfait pas de ce qu’on lui donne. Je suis un peu comme cela dans la vie aussi. S’il y a un problème, il y a une solution, selon moi. Ce qui n’est pas toujours vrai. Mais dans le métier de comédien, si on ne s’accroche pas et qu’on n’essaie pas de pousser les portes fermées à clé, on n’y arrive pas, donc j’ai beaucoup fait cela. » Au point de s’inventer une boîte mail d’agence de comédiens et d’envoyer aux productions son CV, en fonction des profils recherchés. « Encore aujourd’hui, si j’adore le travail d’un réalisateur ou d’un scénariste, les costumes ou les décors d’un film, je le dis. Reconnaître la qualité du travail des gens, cela fait super plaisir. Dire qu’on aime les gens et leur travail, avec les réseaux sociaux, c’est tellement facile et ça me fait super plaisir de le faire… Je n’aime pas avoir des regrets. Il y a plein de castings où j’ai rappelé après, parce que j’avais trouvé que mes essais étaient nuls ou que je n’avais pas bien compris le personnage. Je veux juste aller au bout de la démarche et si je ne corresponds pas au personnage, il n’y a pas de problème, mais je veux vraiment tout donner pour que cela fonctionne. »
Sur les traces de Sally Field
Dans ce projet-ci, c’est la réalisatrice Laure de Butler qui lui a donné envie de foncer. « Ça faisait pas mal de temps que j’entendais dire que c’était une immense joie de travailler avec elle. Mon agent m’a dit que ce serait bien que je la rencontre. » Nina Meurisse se définit « un peu comme un moteur diesel, j’aime avoir tous les épisodes avant pour prendre le temps de travailler et de digérer. Certains réalisateurs vous laissent faire votre propre cuisine, mais être accompagnée, c’est très galvanisant aussi. On se donne des idées mutuellement. Laure de Butler était hyper renseignée et très investie dans le travail de préparation de 37 secondes. Pour mon rôle, elle m’a donné diverses musiques et références de films, tel Norma Rae, de Martin Ritt, avec Sally Field. Marie Madec est tellement investie dans son travail qu’elle en oublie un peu sa féminité. »

Originaire de Caen, en Normandie, l’univers marin ne lui est pas étranger. Nina Meurisse a d’ailleurs déjà tourné dans une poissonnerie pour le film Crawl. “Je connais même les différentes techniques de pêche, mais c’est très différent d’être vacancière et d’être mareyeuse”, souligne-t-elle.
Marie reste toutefois un personnage fictionnel, représentant le chagrin des familles endeuillées sans habiter un destin en particulier. « J’ai campé plusieurs fois des personnages ayant vraiment existé et cela m’a déjà pesé sur les épaules donc je me suis dit que j’agirais différemment cette fois. »
Pour Camille, le film de Boris Lojkine sur la journaliste française Camille Lepage, tuée en 2014 en Centrafrique, Nina Meurisse s’était notamment formée à la photo pendant deux mois avec l’AFP. Une trajectoire de vie qui a visiblement laissé des traces en elle.
L’hommage aux gens de la mer
Si le fait de raconter l’histoire de ce naufrage implique forcément une certaine responsabilité, à ses yeux, « l’hommage est pris en charge par les scénaristes, Anne et Sophie, de manière limpide. Il l’est déjà dans l’écriture, dans le fait de parler de toutes ces victimes qui se battent au long cours, de ces gens qui veulent savoir, qui se battent avec la justice. Et dans le fait de filmer ce milieu ouvrier et de la pêche dont on ne parle presque jamais. Quand il y a un mort en Bretagne, on n’en parle pas. Pour moi, l’engagement, il est déjà dans le scénario, donc ce n’était pas particulièrement à moi de le prendre en charge. »

Tourné sur les lieux mêmes de la tragédie, le projet a été bien accueilli par les habitants du Guilvinec. « J’avais l’impression que les gens étaient hyper surpris et heureux qu’on ait envie de les filmer, de parler d’eux et de ce monde-là… Pas du tout de manière hautaine, mais en allant au mareyage, en montant sur le chalutier, en vivant là-bas pendant 4 mois, en allant à la poissonnerie tous les jours avec eux. »
« Le costume, c’est la grande joie du jeu d’acteur »
Une expérience forcément particulière. « Les séries proposent un grand voyage, on a le temps d’éprouver et de creuser ses personnages. A la fin, on est content d’être allé au bout de quelque chose. »
Pour accomplir ce trajet vers un personnage, le costume l’intéresse de plus en plus. « C’est la grande joie du jeu. C’est hyper exaltant, j’adore. L’accent de Nina Perez dans BRI, c’est une régalade… Elle s’habille à l’opposé de moi, elle est au summum de la vulgarité : elle porte du zèbre, avec du léopard et des chaînes par-dessus. Je trouve génial de pouvoir essayer des choses et de sortir de soi-même. »
D’autant plus qu’à ses yeux, il y a « un hyper réalisme en France qui pousse à être plus neutre. Quand un rôle s’est bien passé, on vous propose souvent de refaire la même chose. J’essaie de pousser fort le costume pour être à chaque fois différente. Pour jouer Nina Perez, je ne suis pas obligée d’être vulgaire : le costume me positionne déjà à cette place. Je ne suis pas obligée de trop fabriquer, je peux me contenter d’être authentique et sincère. Tout comme la lueur d’espoir qui brille dans les yeux suffit à positionner le personnage quand vous êtes déjà sale, fatiguée et pleine de sueur, en treillis militaire dans BRI. »
Le Ravissement, Les Algues vertes, Petite Maman, Mixte… Toute la filmographie de Nina Meurisse témoigne de ce goût pour le travestissement et les nouveaux horizons, à explorer intensément.
Karin Tshidimba, à Lille
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