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La série de Camille de Castelnau frappe par sa formidable justesse et son humour dans les sentiments et les situations décrites. Avec Virginie Efira et Sara Giraudeau, formidables. Huit épisodes à voir dès le 15 novembre sur Disney+

L’amour peut-il survivre en cas de séjour prolongé en milieu stérile, avec masque sur le nez et charlotte sur la tête ? L’amour sous toutes ses formes, s’entend: couple, fratrie, famille, amis. Où trouver la force de continuer à avancer, à sourire, à prendre soin des autres et de soi-même quand l’injustice suprême – la maladie incurable d’un enfant – vous cloue au sol ?

Silencieuse, le regard perdu, comme si elle était déjà ailleurs, Marion (Sara Giraudeau) ne sait plus quoi faire, ni quoi dire face à la douleur de sa fille Rose et à la tristesse de Léonie, qui aimerait tellement pouvoir guérir sa grande sœur en lui offrant sa moelle osseuse… Cette détresse vrille aussi le coeur de Claire (Virginie Efira), qui se plie en quatre pour épauler sa sœur et être la meilleure des tantes pour les deux fillettes. Au risque d’en faire trop parfois « et d’alourdir inutilement l’ambiance », comme le lui reproche leur mère (Nicole Garcia), sorte de gourou du développement personnel, dont Claire déteste le côté autocentré et sûr de tout.

Chercher le bonheur à tout prix

Récit au ton doux amer, plein de sourire et de mélancolie, Tout va bien pose des questions d’une grande justesse, sans les alourdir ni les surligner. A travers chaque membre de cette famille sur le qui-vive, s’observent la multiplicité des réactions possibles à un traumatisme commun et les discussions totalement incongrues que cela entraîne. Peut-on vraiment bannir le malheur de sa vie ou, du moins, le tenir à distance le plus souvent possible ? Au point de faire mine qu’il n’existe pas. Combien de temps peut-on vivre en suspend, sans savoir quand et s’il y aura un retour possible à la normale ?

Sara Giraudeau et Mehdi Nebbou dans la série « Tout va bien » sur Disney

Face à la matriarche, adepte de l’optimisme à tout-va et à ses deux filles extrêmement soudées, le père (Bernard Le Coq) et le fils (Aliocha Schneider vu dans la série Salade grecque) peinent à trouver leur place. Le premier est ébranlé jusque dans ses convictions par la maladie de sa petite-fille ; le second a la phobie des hôpitaux et ne supporte pas de regarder sa nièce souffrir. Entre la tante (Virginie Efira) qui essaie de tout régler et d’être tout le temps disponible et la grand-mère (Nicole Garcia) qui ne veut voir obstinément que « le bon côté des choses » – au risque de l’absurdité et de blesser les autres – la cohabitation n’est pas simple…

Tout va bien questionne la façon dont on « fait famille » à travers les tuiles, les épreuves et la peur, grâce à la tendresse et à l’espoir. En équilibre au bord du gouffre, malgré sa gravité, la série offre de l’air et donne des ailes, avec des éclats de rire inattendus à la clé. On ne s’attend pas à ce qu’autant de douceur émane d’un sujet aussi douloureux et Camille De Castelnau prouve là toute la finesse de son écriture et son sens de l’observation, lentement polis au service du Bureau des légendes et de la série Dix pour cent.

Tout va bien met en lumière les entrelacs de la vie et le choc des émotions. La difficulté à rester soi-même et à rester debout lorsque vos fondations s’effritent et menacent celles de vos proches. Ce sujet inattendu et imprévisible, par bien des aspects, propose une jolie métaphore autour de la vie, de l’amour, de l’humour et du rôle des clowns, aussi.

La « french touch » de Disney

En matière de créations françaises, Disney passe en quelques semaines de la comédie romantique (Irrésistible) au drame familial. Tout va bien explore la diversité des réactions face à la maladie d’un enfant. En résulte une tragi-comédie familiale mâtinée de moments surprenants ou légers en hommage aux scènes parfois loufoques de Six feet under, la série américaine sur une famille d’entrepreneurs de pompes funèbres que Camille de Castelnau admire sincèrement. S’y ajoutent des petites touches de This is Us pour les bisbrouilles familiales et des Bracelets rouges pour les prouesses que la maladie nous pousse parfois à réaliser.

Dans cette série douce-amère inspirée par l’expérience douloureuse semblable vécue par sa famille, Camille de Castelnau s’intéresse à la façon dont chacun tente d’affronter cette réalité injuste et violente, d’une froideur abjecte. La façon dont chacun gère ce « petit enfer face auquel on se retrouve irrémédiablement seul ». Un petit monde où chacun fait de son mieux sans forcément être sûr d’être toujours à la hauteur de l’enjeu. La série observe l’indescriptible chaos provoqué par un coup de vent violent et pernicieux sur un alignement de dominos. Et la façon dont la vie, quasi imperturbable, poursuit son cours tout autour. Tout va bien frappe par sa formidable justesse et son humour, dans les sentiments et les situations décrites, sans jamais sombrer dans le voyeurisme ou les scènes volontairement lacrymales.

Karin Tshidimba