Sur une histoire imaginée par Sarah Vaughan, David E. Kelley et Melissa James Gibson auscultent les petits secrets et passe-droits de la haute société britannique. Un procès sous haute tension à suivre sur Netflix

C’est un couple bien sous tous rapports. Ils sont jeunes, ils sont beaux, ils ont une belle situation et deux « adorables enfants » blonds. Un portrait de famille aux allures de carte postale affichant la tranquille et rayonnante réussite de la classe supérieure londonienne. James Whitehouse (le très convaincant Rupert Friend vu dans Homeland) est un proche et grand ami du Premier ministre, une situation enviable qui entraîne son lot de tensions et de vicissitudes, mais rien que sa « charmante épouse » Sophie (l’impeccable Sienna Miller) ne soit parvenue à gérer admirablement jusqu’ici.

Un coup de tonnerre vient déchirer ce ciel bleu : la presse s’apprête à révéler que son mari a eu une liaison avec l’une de ses collaboratrices. Sophie accuse le coup et fait front auprès de son mari qui regrette « sincèrement et amèrement » son comportement. Les choses pourraient en rester là – avec les excuses présentées publiquement à sa famille et à ses électeurs – si Olivia Lytton (Naomi Scott) n’accusait pas à présent James Whitehouse de viol… Une affaire que la procureure Woodcroft (Michelle Dockery révélée par son rôle dans Downton Abbey) entend instruire avec le plus grand sérieux. D’autant que l’issue de cette action en justice, suivie pas à pas par tous les médias, pourrait jeter le discrédit sur le parti conservateur.

Une affaire inspirée de faits réels

Cette histoire, inspirée de faits réels, interroge subtilement la notion de consentement et la question des privilèges d’une certaine classe sociale. On pourrait penser ces thématiques connues et rebattues et le début de l’histoire convoque en effet les souvenirs de quelques séries récentes. On songe forcément à The Undoing pour le couple dans la tourmente – Sienna Miller pourrait littéralement être la cousine outre-Manche de Nicole Kidman – et à A very British scandal pour le tourbillon médiatique entourant les secrets d’alcôves d’un couple célèbre dont les tabloïds aiment se repaître. Surtout lorsque le scandale touche la noblesse ou l’élite politique du pays. A cela s’ajoute l’épineuse question de la communication politique en cas de crise : que dit-on, que met-on en avant, comment se défendre efficacement lorsqu’un procès risque de détruire votre réputation et votre famille ?

Si le trio de comédiens réunit par Anatomy of a Scandal** a de quoi attirer tous les regards, il en va de même des cerveaux qui ont imaginé l’affaire. Le duo David E. Kelley – Sarah Vaughan attire forcément la lumière ; l’un par la réputation de ses séries (Big Little Lies) et l’autre par le succès de ses romans (La Meilleure d’entre nous). Une rencontre d’autant plus attendue que David E Kelley s’est adjoint le talent de Melissa James Gibson (House of Cards, The Americans) pour boucler l’adaptation de ce best-seller. Quant à la réalisation, elle a été confiée à S.J. Clarkson (Succession) qui n’a pas peur de bousculer et renverser la vision que l’on a de ce milieu, en apparence hautement recommandable et qui crée une tension telle que l’on se sent irrépressiblement happé par toute cette affaire.

On ne prête qu’aux riches dit l’adage populaire, cela vaut non seulement pour l’argent mais aussi pour l’attention et la considération du grand public. En six épisodes, Anatomy of A scandal s’attache à bousculer préjugés et idées reçues avec un sens certain du suspense et de la révélation, même si l’on aurait aimé que l’exploration de cette génération de jeunes gens privilégiés et prétentieux plonge plus profondément sous la surface. A une époque où la nocivité de certains cercles estudiantins célèbres commence à peine à être dénoncée. Et alors que l’expertise de l’auteure Sarah Vaughan, ex-correspondante politique du Guardian, rompue aux arcanes du pouvoir à Westminster, suscitait forcément des attentes en la matière. En optant pour un épilogue dérivant vers le soap, la série déforce en partie sa démonstration.

Karin Tshidimba