De la plus déchirante (Scenes from A marriage) à la plus tendre (Nona et ses filles), en passant par la plus polymorphe (WandaVision), la plus vénéneuse (Succession S3) et la plus troublante (The Underground Railroad), l’année écoulée a été marquée par des coups de théâtre, des coups de poignard et de nombreux coups de coeur plus ou moins inattendus.

Impossible de recenser ici toutes les découvertes (bonnes et mauvaises) la multiplication des plateformes et la hausse exponentielle des lancements et nouveautés rendant l’exercice parfaitement utopique. On ne parlera donc que des séries que nous avons vues et suivies jusqu’au bout, la profusion entraînant son lot croissant d’abandons et de déceptions.

La qualité et la diversité de tons de ces séries marquantes en 2021 rend l’exercice du classement de fin d’année d’autant plus délicat et utopique qu’il est très difficile de comparer des fictions de natures aussi diversifiées : entre le réalisme et la justesse d’Hippocrate (Saison2) et la folie douce d’Ovni(s), entre l’humour de Nona et ses filles et l’âpreté d’En Thérapie, tout est, plus que jamais, question de sensibilité… Sans compter quelques perles insolites qui ont continué de briller : Insecure (saison 5) ou Sex Education (saison 3).

Au fil des semaines, beaucoup de séries se sont imposées d’elles-mêmes, d’autres ont mis plus de temps à se frayer un chemin dans la masse des découvertes incontournables. Ce sont ces dernières, presque oubliées, que développe cette note en forme de bilan.

1. Scenes from a Marriage : la justesse de ton et des interprètes, l’acuité du propos, la profondeur de l’exploration de la psyché humaine font de cette série sur un couple qui se sépare, une fiction d’autan plus exceptionnelle qu’Hagai Levi parvient à réinventer une histoire connue de tous et jugée pratiquement inégalable signée Ingmar Bergman. Du très grand art. (Sur Be tv et OCS)

2. The Underground Railroad : un autre chef d’oeuvre, de la littérature cette fois, magnifié par les images à l’atmosphère sourde et prenante créées par Barry Jenkins. Difficile de desserrer l’étau qui nous entrave la gorge tandis que l’on suit cette cruelle et périlleuse traversée des territoires racistes des Etats-Unis. (Sur Prime Video)

3. Rattrapée par l’épidémie qui nous encercle, Hippocrate réussit à éclairer de l’intérieur la crise hospitalière qui gronde depuis des années et détruit des vies, pas seulement parmi les patients. Ecrite et réalisée par l’ex-médecin Thomas Lilti, la saison 2 profite du charisme bluffant de Bouli Lanners. (Sur Canal+ et Be tv)

4. On ne remerciera jamais assez la troupe improbable d’Ovni(s) venue nous offrir une parenthèse enchantée, une quête fantaisiste en même temps qu’une formidable bouffée d’oxygène et d’humour saupoudrée d’une réjouissante touche d’absurde. Une échappée salutaire imaginée par Clémence Dargent et Martin Douaire. (Sur Canal+ et Be tv)

5. Avec Kate Winslet, 2021 souligne à quel point le public se languit d’héroïnes justes, naturelles, véritablement en prise avec le réel, n’ayant pas peur d’explorer leurs failles personnelles et de mettre toute leur sensibilité au service de leur métier. Créée par Brad Ingelsby, Mare of Easttown est de cette trempe là. (Sur Be tv)

6. Mondialement reconnue et largement adaptée à travers le monde, la série israélienne BeTipul (In Treatment) réussit à se réinventer et à s’adapter aux traumas français nés des attentats de Paris. Malgré son âpreté, En Thérapie a fédéré une audience fidèle et nombreuse autour d’Arte.

7. C’est une partie méconnue de l’Histoire contemporaine qu’explore Small Axe, la série de Steve McQueen consacrée à la présence antillaise à Londres des années 60 aux années 80 entre brimades, racisme et exclusion. Une fiction qui varie les acteurs et les tons afin de mieux rendre compte des défis d’une époque charnière. Le 11 décembre dernier, lors des 34e European Film Awards, la European Film Academy a rendu hommage au réalisateur britannique en lui décernant le Prix de la Narration Innovante pour sa remarquable collection de films Small Axe. (Sur Be tv)

8. C’est la plus méta et la plus polymorphe de toutes les séries nées cette année. En remontant les époques, des années 50 à aujourd’hui, et en multipliant les clins d’oeil à la pop culture (objets, déco, gadgets, mode, publicités), la série WandaVision a enrichi une nouvelle fois l’univers Marvel, démultipliant les couches d’exploration et d’analyse. Elle a ainsi permis de retracer le passé de deux de ses personnages iconiques Wanda (Elizabeth Olsen) et Vision (Paul Bettany), tout en prouvant qu’ils étaient parfaitement transposables dans l’univers sériel. (Sur Disney+)

9. Parfaitement abjects et cruels, les membres de la famille Roy n’ont pas failli à leur réputation accumulant les coups en douce, les injures et les trahisons, un jeu de massacre qui parvient même à prendre l’amateur de Succession (saison 3) en traître. Machiavélique. (Sur OCS et Be tv)

10. Nona et ses filles : avec son scénario totalement improbable – Nona, 70 ans, tombe enceinte – cette série avait tout de la comédie foutraque, mais la tendresse, l’humour, la poésie et l’intelligence humaine convoquées par Valérie Donzelli font des merveilles. Non seulement, on s’attache au quotidien bouleversé de Nona (Miou-Miou) et ses filles (Virginie Ledoyen, Clotilde Hesme, Valérie Donzelli) mais on ne veut plus quitter aucun des habitants de l’appartement de la rue Poulet. (Sur Arte)

PS : au rayon des émotions pures, l’année 2021 n’aurait pas eu la même saveur sans la chaleur du groupe d’amis rencontrés dans It’s a sin, sans le destin tragique d’une Ann Boleyn revisitée, sans le quotidien fantasmé de Losing Alice ou sans l’épatante sincérité d’Insecure et des lycéens désemparés de Sex Education

2022 nous réserve sûrement autant de belles découvertes…

Karin Tshidimba