Doutes, séduction et affres de la création forment un trio redoutable dans ce thriller psychologique israélien à découvrir sur AppleTV dès ce vendredi.

Deux femmes se rencontrent par hasard dans un train. La plus jeune observe avec insistance la plus âgée en qui elle pense reconnaître une réalisatrice connue. Jeune scénariste, Sophie Marciano (Lihi Kornowski) adore les films précédents d’Alice Ginor et veut absolument en discuter avec elle, au risque de se montrer très intrusive.
Même si elle est flattée de ce soudain intérêt, Alice est gênée par l’attitude de la jeune femme et dépitée car, en ce moment, elle n’écrit plus. Entre les interminables travaux de ses voisins et la gestion quotidienne de ses trois fillettes, sa concentration et son inspiration semblent en berne.

Peu de temps plus tard, Alice apprend, par hasard, que son mari, comédien, a reçu à lire le premier scénario de Sophie Marciano. Ce thriller érotique, baptisé Room 209, a fait très forte impression sur tous ceux qui l’ont lu. L’histoire est celle d’une jeune femme qui tue sa meilleure amie pour pouvoir continuer à sortir avec le père de cette dernière.

L’histoire d’une obsession

Plus elle en entend parler, plus Alice est intriguée et envieuse de la créativité de Sophie. Alice se met à l’épier et passe beaucoup de temps à scruter les réseaux sociaux de la jeune femme. Elle est bientôt obsédée par ce tournage qui s’annonce palpitant. Au cours d’une soirée, Sophie avoue à Alice qu’elle rêverait que la réalisatrice accepte de tourner son premier film. Flattée et plus que jamais hantée par ce projet, Alice ne comprend pas pourquoi son mari David (Gal Toren) ne lui en a pas parlé plus tôt…

Thriller psychologique sur les affres de la création et sur les sentiments confus qu’elle suscite chez les comédiens, les scénaristes et les réalisateurs (besoin d’être reconnu, envie de notoriété, peur de la critique ou, au contraire, de l’absence de désir), Losing Alice**  s’intéresse aussi au regard qu’une femme, approchant de la cinquantaine, pose sur elle-même et sur sa peur de ne plus être vue, reconnue dans son travail ou désirée. Surtout lorsqu’elle est témoin, comme à travers un miroir, du désir d’autres hommes pour une jeune femme de son entourage.

Cette soif de reconnaissance combinée à l’envie d’une éternelle jeunesse forme un cocktail relationnel détonant dont Alice et Sophie semblent avoir pleinement conscience tout en refusant toutes les deux de s’en éloigner ou de cesser de manipuler ce matériau hautement inflammable.

Mythe de Faust revisité

Entre admiration, jalousie et envie, difficile de dire qui manipule qui dans cette revisite du mythe de Faust qui met à mal les idéaux et les valeurs morales d’Alice. La parade d’observation à laquelle se livrent les deux femmes et la relation qu’elles tissent entre elles est, à coup sûr, intrigante et passionnante à regarder et, sans aucun doute, à analyser.

Présenté en compétition lors de la dernière édition du festival CanneSeries, ce thriller israélien en huit épisodes est traversé de nombreuses images fantasmagoriques dont on ne sait si elles préfigurent l’avenir ou si elles sont le résultat de l’ébullition du subconscient d’Alice, voire de la psyché troublée d’un trio à vif et sur le qui-vive.

La série bénéficie de la formidable expressivité d’Ayelet Zurer, actrice vue notamment au cinéma dans Munich de Steven Spielberg mais aussi dans de nombreuses séries : In Treatment, Hostages, Shtisel et Daredevil.

Écrits et dirigés par Sigal Avin pour la chaîne israélienne Hot, les trois premiers épisodes de la série (les seuls que nous avons pu avoir) sont proposés dès ce vendredi sur la plateforme AppleTV; la suite le sera au rythme d’un épisode par semaine.

Karin Tshidimba