La mini-série britannique, portée par la comédienne Jodie Turner-Smith, change les regards et les perspectives sur le règne de la souveraine britannique. A voir sur Be1, mercredi à 20h30 et sur Be à la demande

L’issue fatale de son mariage avec le roi Henri VIII (Mark Stanley) est largement connue. Le suspense pourrait donc sembler inexistant, et pourtant. Alors qu’elle porte le futur héritier du royaume d’Angleterre et rayonne de toute sa puissance d’épouse et d’amante, Anne Boleyn se voit rappeler que son aura pourrait être de courte durée. À défaut d’offrir à son époux, l’héritier mâle tant espéré, la Reine pourrait rapidement tomber en disgrâce. « Votre influence réside dans votre ventre et pas dans votre cerveau », lui assène Cromwell, le plus proche conseiller du Roi, avec lequel elle est en désaccord, notamment sur des questions financières et successorales. Ainsi posés dès les premières minutes de la mini-série, les enjeux de la guerre de pouvoir sont clairs.

Revisiter l’histoire d’Anne Boleyn** après les nombreux films et séries déjà inscrits dans le sillage des Tudor est un pari risqué. Presque tous les spectateurs ont en mémoire une interprète « inoubliable » de la deuxième épouse d’Henri VIII : Helena Bonham-Carter, Charlotte Rampling, Natalie Portman, Natalie Dormer ou Claire Foy.

En proposant le rôle à Jodie Turner-Smith, Eve Hedderwick Turner frappe un grand coup. Le choix d’une actrice noire est audacieux et a provoqué des commentaires sans fin, dans le camp des spécialistes et des admirateurs de destins royaux. Ce choix n’est pas seulement cosmétique, comme si le changement de couleur de peau suffisait à donner une autre saveur à l’Histoire. Le plus percutant est le changement de perspective puisque le récit, cette fois, est raconté selon le point de vue de la femme tombant en disgrâce et pas selon celui de son mari, contrarié dans ses projets de lignée et ses toquades successives.

Même si elle place la Reine au cœur de son récit, la créatrice n’en fait pas une héroïne, une sainte, ni même une femme forcément sympathique. Toute puissante qu’Anne Boleyn semble être, Eve Hedderwick Turner montre bien la précarité de sa situation ainsi que les limites de son ambition lorsque l’on ose affronter une troupe d’hommes puissants et que l’on dépend du bon vouloir d’un mari volage… Un univers où la moindre plaisanterie, le moindre mot prononcé de travers peut vous coûter cher. Surtout lorsque vous avez eu l’outrecuidance de vouloir supplanter quelques hommes bien nés.

Une Reine en avance sur son temps

En trois épisodes seulement, la mini-série Anne Boleyn impose l’image d’une femme qui a sans doute eu le tort de se montrer trop ambitieuse et intraitable pour son époque (1536). Qu’on le veuille ou non, la présence de Jodie Turner-Smith, de Paapa Essiedu (son frère George) et de Thalissa Teixeira (sa suivante Madge) renforce la symbolique de l’outsider, celui que la cour tolère mais juge « différent » , et l’on visualise bien le jeu des forces en présence. Devant la caméra de Lynsey Miller, les complots se succèdent, les alliances se font et se défont. Si bien qu’on regrette que davantage de temps ne nous soit pas accordé en compagnie de celle que l’on sait condamnée…

Karin Tshidimba