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Ce 3 juillet marque le 10e anniversaire du Fonds des séries belges, alimenté par la RTBF et la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il a ouvert la voie à La Trêve, Ennemi Public, Unité 42, Pandore, Attraction, Des Gens bien…

Tout a commencé le 3 juillet… 2013. Lassée de diffuser une large majorité de séries américaines et françaises, le tout nappé de quelques coproductions avec la France et piquées au vif par l’insolent succès des séries flamandes, la RTBF et la Fédération Wallonie-Bruxelles décidaient de s’unir et de se lancer dans le grand bain des séries. Le Fonds des séries belges était né. Bambin prometteur présenté en grande pompe, il avait pour objectif de parvenir à aligner à l’horizon de deux ou trois ans, quatre séries 100 % belges par saison (de septembre à juin).

Dix ans plus tard, ce 3 juillet 2023, les premiers épisodes de la saison 2 de Baraki seront projetés en plein air sur la place De Brouckère dans le cadre du Briff (Brussels International Film Festival). Nouvelle illustration du succès des séries belges, régulièrement invitées dans les festivals cinéma de France et de Belgique : Séries Mania, le Fiff, le festival de la Fiction de La Rochelle ou CanneSéries ne sont que quelques-unes des vitrines où brille désormais la “french speaking part of Belgium”… Petit à petit, les créations francophones marquent les esprits et dépassent les frontières.

Des premiers succès qui en appellent d’autres

Sans rougir, “on peut parler de success story pour le Fonds séries avec la RTBF”, souligne Jeanne Brunfaut, directrice du Centre du cinéma et de l’Audiovisuel.
“Le fait de mobiliser des moyens pour des productions belges a eu très vite un impact. C’était une décision politique importante surtout lorsqu’on voyait notre réputation en cinéma et notre retard en matière de séries par rapport au Nord du pays. On a eu la chance de démarrer avec des séries qui ont tout de suite trouvé leur public : La Trêve, Ennemi Public, Unité 42. Si on avait mis cinq ans à avoir un succès comme La Trêve, cela aurait été bien plus laborieux de continuer. Le succès des premières séries nous a bien aidés.” D’autant que le rythme de production, quant à lui, était bien plus compliqué à assurer.

”Et puis, il y a eu une vraie émulation une fois que les gens ont vu que cela pouvait fonctionner. On a découvert beaucoup de jeunes créateurs qui ont proposé une autre vision et venaient d’horizons différents de ce qu’on pouvait voir en cinéma. Aujourd’hui, une fomation spéciale pour scénaristes de séries tv est proposée en lien avec l’Insas. Avant, cela n’existait pas. Cela a fait tache d’huile. Certains producteurs sont devenus très aguerris dans le domaine. Tout cela est très positif, poursuit Jeanne Brunfaut, d’autant plus que cela s’ajoute aux objectifs qu’on s’était fixés : faire du local, s’exporter et être une vitrine pour nos réalisateurs et réalisatrices, nos comédiens et comédiennes et nos techniciens. On n’a pas encore un star system comme chez les Flamands mais, aujourd’hui, il y a plus de visages connus : Angelo Bison, Yoann Blanc…” mais aussi Roda Fawaz (vu dans Unité 42, Invisible et 1985), Laura Sepul (vue dans Ennemi Public, Attraction et Baraki) et Bérangère McNeese (Des Gens bien), entre autres.

« Unité 42 » série belge coordonnée et écrite par Charlotte Joulia, Julie Bertrand, Annie Carels.

Budgets limités et quête de réalisateurs

L’itinéraire des séries belges n’a toutefois pas été parsemé de pétales de roses. Au chapitre des écueils, on note bien sûr les budgets limités.Une problématique dont tiendra compte la nouvelle commission série en cours d’élaboration.

”On donnera un peu plus que ce qui était prévu dans le Fonds, souligne Jeanne Brunfaut. Dès le départ, il y avait la volonté de ne pas se lancer dans des séries qu’on ne parviendrait pas à financer ou à pérenniser. Cela nous a obligés à revoir nos ambitions à la baisse, ce qui n’est jamais facile pour des créateurs. On voulait pouvoir lancer des séries à budgets maîtrisés. On a fait des exceptions quand on savait qu’il y avait un potentiel de financement plus important comme pour Des Gens bien (série coproduite par Arte, NDLR) par exemple. Mais, bien sûr, qui dit budget réduit, dit conditions de travail délicates et on a eu des retours très difficiles de la part des techniciens. Cette réalité est fort prise en compte dans le cadre de la nouvelle commission séries.”

Le Fonds séries va en effet céder la place à une commission ouverte à tous les diffuseurs présents sur le territoire belge : RTBF, RTL-TVI, Be tv et les opérateurs étrangers tels que Netflix, Amazon,… Les producteurs auront ainsi plus d’interlocuteurs et d’opportunités qu’aujourd’hui.

“Avec sans doute une plus grande diversité de formats et de thématiques à la clé, en fonction des publics de chaque diffuseur. La commission séries fait partie du nouveau décret SMA qui, pour le moment, est en discussion. Tout doit se faire en même temps”, explique Jeanne Brunfaut.

« Attraction » thriller domestique belge signé par Barbara Abel et Sophia Perié.

A l’école des scénaristes

Parmi les avancées significatives, “on a beaucoup progressé dans la qualité d’écriture des séries. Et puis, la RTBF a été très efficace dans son accompagnement grâce à l’Atelier du Fonds et aux masterclasses proposées, ainsi que dans l’accompagnement des auteurs. Mais il reste encore beaucoup de boulot. On voit parfois arriver des jeunes avec des très bonnes idées mais qui n’ont pas forcément la bouteille pour mener à bien un projet de cette taille. On a toujours cherché à les encourager à composer des équipes mixtes avec des scénaristes juniors et des seniors pour qu’il y ait une transmission de savoir.”

Là où le bât blesse encore, c’est en termes de réalisation“On n’a pas tant de réalisateurs que cela, c’est pour cela qu’on a parfois fait appel à des réalisateurs flamands ayant plus d’expérience. Les choses s’améliorent mais c’est pour cela qu’on a voulu que les réalisateurs flamands soient secondés par des jeunes francophones pour qu’il y ait un apprentissage. La prise de risque est quand même importante pour parvenir à gérer une entreprise pareille. D’où la tentation d’aller chercher des personnes solides et plus aguerries.”

Dernier écueil : l’intervalle encore trop long entre deux saisons… Si elle reconnaît qu’il faut faire en sorte que les séries ne s’effacent pas des mémoires, “c’est aussi une prise de risque très grande pour une chaîne de lancer une saison 2 sans savoir si la saison 1 va fonctionner. Cela reste un casse-tête… C’est aussi là qu’on voit que ce n’est pas encore une industrie chez nous. On n’a pas encore suffisamment de personnes qui sont à 100 % sur les séries ce qui permettrait de diminuer les délais. Cela finira par arriver, cela reste encore une économie un peu fragile…”

Et maintenant ? Projection et tournages

Si aucun nouvel appel à projets n’a été lancé, “le Fonds continue à gérer les projets qui sont en phase 1 et en phase 2. On espérait pouvoir lancer l’appel de la nouvelle commission en automne pour avoir déjà un premier round de projets d’ici la fin 2023 mais cela risque d’être un peu court compte tenu du processus législatif. Donc on espère pouvoir lancer un premier appel fin 2023 pour une première réunion de sélection début 2024.” Patience, patience…

La projection dans le cadre du Briff et les tournages (cf. ci-dessous) constituent les points d’orgue d’une année particulière qui a vu cinq séries se succéder à l’antenne : Des Gens bien, la nouvelle création de l’équipe de La Trêve ; le drame historique 1985 ; le grand final d’Ennemi Public (saison 3) et le thriller domestique Attraction. Tandis que la saison 2 de Baraki marquera la rentrée de 2023.

Entretien: Karin Tshidimba

nb: Nous aborderons la question des budgets, des formats et des thématiques des séries belges dans un prochain volet.

Dix ans de séries belges, c’est…

>> 7 succès en festivals et qui s’exportent
La Trêve : février 2016 – saison 2 : novembre 2018
Ennemi Public : mai 2016 – saison 2 : mars 2019 – saison 3 : mars 2023
Unité 42 : novembre 2017 – saison 2 : novembre 2019
Pandore : février 2022
Des Gens bien (coproduction avec Arte) : octobre 2022
1985 (coproduite avec la VRT) : janvier 2023
Attraction : avril 2023

>> Un succès sans lendemain
Invisible (novembre 2020), pour des soucis de production, elle ne connaîtra pas de suite.

Quelques succès d’estime ou trop fragmentés : eLegal (janvier 2018), Champion (mai 2018), Coyotes (mai 2021), Fils de (mai 2022)… Ces séries ne connaîtront pas de saison 2.

Quant au succès de Baraki, dont la saison 2 est attendue à la rentrée, il a ouvert la voie à des séries mettant en avant des spécificités régionales comme Trentenaires, série ancrée à Charleroi, proposée dans le format 26 minutes.

Tournages. L’été marque traditionnellement le temps des tournages. Pas d’exception cette année avec les premières images qui seront filmées pour la saison 2 de la série Pandore de Vania Leturcq, Savina Dellicour et Anne Coesens et la nouveauté Arcanes de Michèle Jacob et Benjamin Dessy.