En dix ans, la cellule webcréation de la RTBF a multiplié les projets, s’est imposée face à un public rajeuni et dans les festivals.
Avec 2,2 millions de vues (sur Auvio, YouTube et Facebook), La théorie du Y est sans conteste le plus joli succès de la webcréation RTBF. Pourtant cette websérie sur le parcours d’une jeune femme en plein questionnement identitaire n’est pas l’arbre qui cache la forêt digitale. De nombreux autres projets ont contribué à bâtir la réputation de la «petite RTBF» sur le terrain des initiatives web innovantes.
De précurseur, le service public belge est passé au statut de valeur sûre dans le domaine avec des webséries comme Euh et Burkland, saluées dans de nombreux festivals de Marseille à Los Angeles, les deux manifestations les plus prestigieuses en la matière.
Au fil des ans, les ramifications se sont multipliées et l’univers exploré s’est largement étoffé : webdocumentaires, fictions en VR ou 360, podcasts natifs et productions transmédias.
Un savoir-faire reconnu
« Nous avons eu raison à l’époque d’oser et d’expérimenter », s’est félicitée Sophie Berque, responsable de la fiction digitale à la RTBF. En dix ans, le service public a ainsi participé au développement, à la production et à la diffusion de 41 projets sur plus de 400 dossiers reçus. Un total de 246 épisodes ont été diffusés et plus de 28 millions de vidéos vues à travers le monde. » Mais le plus éloquent reste « le souhait émis par des grands groupes comme France Télévisions de développer des projets digitaux avec la RTBF car ils faisaient confiance à notre jugement et à notre savoir-faire », souligne Sophie Berque. Une reconnaissance qui a notamment présidé à la création de la fiction franco-belge Jezabel.
Même reconnaissance glanée en créant #PLS toute première série créée spécialement pour Snapchat qui a rencontré un succès immédiat auprès de son public-cible, les 15-25 ans. Preuve que la RTBF pouvait rajeunir son audience et trouver les mots (et les images) pour s’adresser à un public délaissant de plus en plus la télévision.
Tout ne fut pas rose « et il y eut parfois de sérieuses crispations en interne », reconnaît Sophie Berque, « car au départ, nous n’étions nulle part » et elle-même n’était pas forcément prédestinée à investir ce créneau. D’un « petit mi-temps » à une cellule forte de trois personnes dédiées, les essais se sont multipliés et les tentatives ont fini par porter assez rapidement leurs fruits.
« Je crois très fort dans le pouvoir de l’expérimentation et j’ai été soutenue par l’administrateur général Jean-Paul Philippot qui pensait qu’il fallait creuser le sujet puisque nous n’y connaissions rien. L’obstination mène à la réussite disait Charlie Chaplin, c’est une phrase à laquelle je me suis beaucoup raccrochée », confie Sophie Berque, se remémorant les nombreuses réticences qu’il a fallu dépasser et les portes qu’il a fallu forcer.
Après dix ans de travail, le bilan a de quoi bousculer les plus sceptiques avec une offre très diversifiée, fictions et documentaires, à retrouver sur le web : Histoires de cabines, Les Nouveaux pauvres, L’Homme au harpon, Génération Quoi,… et 56 prix glanés en Belgique et à l’international.
Un secteur difficile à financer
Pourtant rien n’est jamais gagné. Avec les problèmes récurrents que connaît tout le secteur de la création en lien avec le tax-shelter, chaque projet constitue une nouvelle bataille à mener. Malgré le succès, le bouche à oreille et les prix glanés, le financement de la saison 2 de La Théorie du Y est seulement en passe d’être bouclé au terme d’un long parcours du combattant. Si le public suit et répond en masse, la webcréation peine encore à séduire les investisseurs sans doute encore mal à l’aise dans cet univers où tant d’espaces et d’opportunités restent à explorer.
Karin Tshidimba
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