La cinéaste Lulu Wang explore avec beaucoup d’humanité les rapports tissés par Nicole Kidman, Sarayu Blue et Ji-young Yoo, trois femmes indépendantes, dans cette version moderne de « Maîtres et serviteurs » ancrée dans l’ancien bastion britannique. A voir dès ce vendredi sur Prime Video
L’histoire se déroule à Hong Kong et s’intéresse au quotidien de trois femmes, nouvellement arrivées sur l’île : Margaret (Nicole Kidman), architecte paysagiste américaine qui a déménagé avec mari et enfants à Hong Kong ; son amie Hilary (Sarayu Blue), originaire de Grande-Bretagne, qui tente de concevoir un enfant, et Mercy (Ji-young Yoo), jeune Américano-coréenne tout juste sortie de la fac, en quête d’un travail. Ces trois femmes voient leurs destins basculer lorsqu’elles sont confrontées à une soudaine tragédie (la disparition du plus jeune fils de Margaret).
Le scénario de la série Expats est inspiré du livre The Expatriates de Janice Y.K. Lee, publié en 2016. Un livre qui a séduit Nicole Kidman. La comédienne en a acquis les droits et a contacté Lulu Wang, dont elle admire le travail, afin qu’elle développe la série, en compagnie d’Alice Bell, sa coscénariste. Ayant elle-même vécu en Chine avant de migrer aux Etats-Unis à l’âge de 6 ans, la cinéaste dit se sentir proche de ces questions d’identité et d’expatriation, se sentant elle-même à cheval entre deux cultures. En outre, Lulu Wang abordait déjà la question du deuil et de la migration dans son film The Farewell, en 2019.
La série s’intéresse au milieu doré, insouciant et relativement mondain de la petite communauté des expatriés hong-kongais, mais aussi à ceux qui les entourent et les secondent au quotidien au sein de leurs foyers : cuisinières, chauffeurs et nounous. Un univers privilégié que Lulu Wang connaît bien puisque sa propre grand-mère a été l’une de ces femmes dont le travail consistait à se mettre au service d’une famille. Si on passe, au départ, beaucoup de temps en compagnie de Margaret (Nicole Kidman), mère au bord du précipice, et d’Hilary (Sarayu Blue, cf. photo), femme en plein dilemme, mais aussi de leurs amis apparemment insouciants, le point de vue de leurs « aidants » n’est pas oublié.
L’un des six épisodes, le cinquième, aborde d’ailleurs en détails et sur la longueur le point de vue de ces hommes et ces femmes, majoritairement originaires des Philippines. La série explore le quotidien de ces êtres à la fois étrangers et si proches, cohabitant au sein d’un même foyer ; l’épisode dure 1h36…
Interrogée par le magazine Vogue, la réalisatrice Lulu Wang a comparé la progression graduelle et plutôt lente de sa série à « l’épluchage d’un oignon » permettant de débarrasser progressivement ses personnages de leurs couches superficielles pour découvrir leur vraie personnalité. Un exercice de patience et de « compassion » indispensable à ses yeux. Où l’on découvre que la sensation d’être étranger dans une ville, un pays, est largement partagée même si elle s’exprime souvent très différemment d’une personne à l’autre. Et où ces différences sont envisagées selon différents critères : origine ethnique, classe sociale, genre,…
Il est aussi question de résilience et de force dans cette plongée intense au sein de trois foyers confrontés au caractère résolument multiculturel et cosmopolite de l’île tant convoitée et surveillée par Pékin. L’histoire se déroule en 2014 et aborde aussi, en filigrane, la situation politique délicate et sous tension vécue par la population et le gouvernement de Hong Kong.
La photographie de la série, signée Anna Franquesa-Solano, magnifie la ville et ses différentes atmosphères capturées au fil des heures, entre gratte-ciel et jardins suspendus, entre ciels radieux, rangées de lampions et éclairage au néon.
Karin Tshidimba
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