Le scénariste belge Fred Castadot nous présente le premier bilan de Fest, la formation spécifique destinée aux scénaristes belges de séries tv, née dans la foulée du Fonds séries…
Réputée tant sur le plan des documentaires que des longs métrages, la Belgique n’avait fait que quelques incursions timides dans le monde sériel avant 2013. Avec La Trêve, Ennemi Public, Unité 42, Pandore et Attraction, pour ne citer que les séries les plus primées ou exportées, le Plat pays a pu faire son entrée dans la cour des grands.
Grâce au Fonds des séries, né sous l’impulsion de la FWB et de la RTBF, une nouvelle génération de créateurs belges s’est lancée dans le grand bain des séries. Et même si les courants ont parfois été jugés peu cléments – faute de budgets suffisants – , plusieurs navires ont réussi des traversées d’anthologie marquant peu à peu l’histoire de la télévision belge.
Bien sûr, il a fallu bâtir ce savoir-faire spécifique couche par couche car une série n’est pas un long film, il est toujours bon de le rappeler… Et même si les standards de qualité et d’ambition n’ont parfois plus rien à envier aux créations sur grand écran, les ressorts de narration et de réalisation des séries requièrent une technique particulière qu’il vaut mieux ne pas sous-estimer…
Au fil des années, l’Insas et l’IAD, les deux grandes écoles de cinéma de la Fédération Wallonie-Bruxelles, conscientes des enjeux et des opportunités à saisir pour les futurs réalisateurs ou réalisatrices et scénaristes, ont intégré des ateliers spécialement consacrés aux séries au sein de leur cursus de formation.
Créer des trios complémentaires
Depuis 2018, une nouvelle venue a aussi fait son apparition dans le milieu : Fest, pour Formation à l’écriture de séries tv. « Créée au sein de l’Insas, cette formation fonctionne en lien avec plusieurs universités et écoles supérieures qui font partie de la Copeam, la Conférence permanente de l’audiovisuel méditerranéen donc tous les pays qui ont un lien avec la Méditerranée. On avait notamment France Télévisions comme partenaire au début”, détaille Fred Castadot.
« Les ateliers consacrés aux séries dépassent rarement la cinquantaine d’heures alors qu’ici, il s’agit d’une formation en 36 jours, entièrement dédiés à l’écriture de séries, au rythme d’un jour par semaine, d’octobre à juin. La formation repose sur trois modules et les étudiants sont soumis à un jury où la RTBF, notamment, est représentée, ce qui permet de les plonger directement dans un bain professionnalisant », explique Fred Castadot.
”L’idée est d’amener les étudiants à créer des équipes et leur apprendre à écrire ensemble par groupe de trois. Au terme du premier module, ils viennent avec trois propositions, l’une est retenue par le jury et ils poursuivent ensuite le développement de la série sélectionnée. À savoir : sa bible, ses arches narratives et son épisode pilote jusqu’aux dialogues. Ce qui fait qu’au terme de la formation, ils disposent d’un dossier solide à soumettre à d’éventuels producteurs.”
Entrer dans le métier
L’examen d’entrée et les interviews préliminaires permettent de déterminer les profils des candidats. Et, en se basant sur leurs caractères et leurs points forts respectifs, de mettre en place des équipes très complémentaires. « L’idée est de tenter de détecter les trios qui peuvent le mieux fonctionner ensemble. On sait que souvent les projets qui s’effondrent sont ceux dont l’équipe créative a connu des problèmes d’entente. »
L’appel à candidature – clos le 27 août prochain – est ouvert à tout possesseur d’un bachelier ou toute personne pouvant justifier d’une expérience dans le milieu. “L’idée est de ne pas s’enfermer sur des profils qu’on connaît tous et qui existent déjà dans la profession. On est très ouverts là-dessus et on souhaite mélanger ces profils (acteur, photographe, technicien, journaliste, comédien de théâtre,…) pour que chacun apporte une expérience différente. On a déjà eu un ancien militaire parmi nos étudiants, on recherche ce type d’ouverture dans notre formation.”
Le “goût pour le thriller, la comédie, le mélodrame et pour des problématiques qui ne sont pas souvent traitées en Fédération Wallonie-Bruxelles” sont également encouragés.
”Pas mal de nos étudiants sont en contrat avec des chaînes et des producteurs en Belgique, mais aussi en France.” Ainsi un ancien de Fest bosse actuellement sur Jours Noirs, le nouveau projet de Matthieu Frances (Ennemi Public) et un autre ancien a travaillé sur Résonance (projet RTBF finalement abandonné). “Nous avons aussi eu, il y a deux ans, une ancienne étudiante en contrat avec TF1. Au bout de cinq ans, on fait le constat que nos étudiants ont un avenir professionnel. Et nous avons déjà pu présenter des projets à différents festivals : Série Séries ou Séries Mania.”
La clé de la réussite
Ex-président de l’Asa (l’association des scénaristes), Fred Castadot était conscient qu’il manquait une formation spécifique à l’écriture de séries. “Aujourd’hui, Fest est l’une des formations reconnues par le Centre du cinéma, nos projets intéressent Screen Brussels qui suivent de près les profils de nos étudiants.”
Le secret de Fest ? “On n’est pas seulement dans la théorie, on parle du quotidien d’un atelier d’écriture et de la vie d’un scénariste : comment établir un contrat, comment se vendre, comment créer un réseau, tout cela est aussi important que l’écriture. C’est crucial pour les étudiants d’avoir ces clés-là…”
La formation prévoit aussi des rencontres avec des producteurs, des réalisateurs et d’autres scénaristes. “En septembre, ils vont pitcher leurs projets, ils ne sont pas lâchés dans la nature.” Or on sait que certains grands projets naissent comme cela. Un exemple récent ? La série française Ovnis, née de la rencontre de deux étudiants dans le cadre de la Fémis à Paris, dont le développement a ensuite été soutenu par Canal +.
”Il y a un esprit d’école qui se développe, un esprit et un réseau Fest qui se crée, souligne Fred Castadot. Trois anciens étudiants viennent de créer un projet et négocient en ce moment avec une maison de production belge…”
Dialoguer avec le réalisateur
Reste à soigner le rapport entre scénariste et réalisateur. “Dans notre formation, on en parle, on dit comment proposer des scénarios qui permettent au réalisateur de bien faire son travail. Il manque encore en Belgique cette culture de la réalisation des séries et pourtant, les séries intéressent beaucoup la nouvelle génération. C’est très enthousiasmant, mais il y a encore une attention particulière et des ponts à bâtir de ce côté-là.” On imagine qu’avec l’essor récent pris par le genre, les habitudes et les réflexes vont changer. Comme cela a été le cas pour la formation des scénaristes….
”Depuis la création du Fonds, un atelier de 15h sur les séries a été créé à l’ULB. L’Insas, qui est la quintessence du cinéma d’auteur, m’a proposé de donner un atelier d’une quarantaine d’heures. C’est le Fonds des séries qui a permis de faire rentrer la série dans notre environnement audiovisuel. Un espace professionnel où des auteurs peuvent exister et progresser. Pendant très longtemps, il y avait l’idée que la série n’était pas vraiment un espace pour les auteurs. Dix ans après, le constat est là : on a pu voir émerger des séries avec des problématiques de fond”, embrassant les thématiques qui bouillonnent au quotidien dans la société.
Un dernier conseil pour la route ? “Il faut apprendre à tenir son équipe contre vents et marées”, malgré les changements d’acteurs ou de nombre d’épisodes… Intéressé(e) s ? Il ne vous reste plus qu’à postuler…
Bio
Né en 1981, Fred Castadot est auteur et scénariste. Licencié en Histoire de l’art à l’Université libre de Bruxelles (ULB), il s’est également formé à l’analyse et à l’écriture cinématographiques (Elicit). Aujourd’hui, il est professeur de scénario et d’histoire du cinéma à l’ULB et à l’Insas et il a participé à la création de Fest, une formation professionnalisante à l’écriture de séries TV.
Il a oeuvré au sein de l’équipe d’écriture des deux premières saisons de la série belge Ennemi Public. Il planche actuellement sur deux projets de séries pour la RTBF, en collaboration avec Maud Carpentier, dont le thriller Alma ancré dans le milieu hospitalier.
Entretien: Karin Tshidimba
Ainsi se clôt ce voyage-bilan saluant les dix ans du Fonds des séries belges.
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