Ovni(s)***, la nouvelle série de Canal+, entièrement tournée en Belgique, voit un ingénieur spatial (Melvil Poupaud) forcé d’enquêter sur des phénomènes volants mystérieux. Une comédie pleine de questionnements et de poésie. À voir le lundi, sur Be1, à 20h30

Martin Douaire a découvert l’existence du Gepan grâce à un chauffeur de taxi. « C’est une thématique qui m’a toujours branché. Je n’étais pas encore scénariste mais déjà sériephile. J’avais dans la tête Mad Men rencontre X-Files. J’aimais ce contraste entre le CNES, temple de la science objective, au sein duquel un petit bureau, le Gepan, accueille l’irrationnel à travers des sujets évocateurs. » Le Gepan ou Groupe d’études des phénomènes aérospatiaux non-identifiés est un repaire « d’esprits curieux » qui résistent encore et toujours et « cherchent à établir des statistiques claires ». Un service officiellement créé en France en 1977 afin de trouver des explications scientifiques aux apparitions de soucoupes volantes qui défraient alors la chronique.

Un récit inscrit aux frontières du réel

Le projet de série remonte à 2015, lorsque Clémence Dargent et Martin Douaire étaient encore étudiants à la Fémis. La productrice Pauline Morineau les a découverts lors de la présentation de leur travail de fin d’études et a tout de suite été emballée. « Ce qui nous intéressait, c’était le côté optimiste et feel good de cette époque, le côté comédie. C’est de tout cela dont on avait envie. De personnages porteurs d’ouverture vers le futur. C’est un mélange de folie douce et de surréalisme à la Boris Vian », explique Pauline Morineau de Canal +.

Pour se documenter, le duo a rencontré différents employés du Gepan quand il était encore considéré comme un « service d’études » très officiel et aussi d’autres travaillant aujourd’hui encore au sein du « groupe d’information » tel qu’il a été rebaptisé depuis.
L’intrigue d’Ovni(s) se déroule en 1978, soit un an après la création du Gepan, « à une époque où on pouvait encore croire à beaucoup de choses ». À l’instar de Jean-Claude Bourret, présentateur du JT de TF1 pendant 12 ans, qui y a consacré beaucoup de livres et de temps et auquel la série adresse un clin d’œil.

Sublimer le sujet des Ovnis

« C’est une série en costumes avec des effets spéciaux et des flamants roses qui tombent du ciel, c’est une fantaisie. Le travail d’Antony Cordier, avec lequel nous avons collaboré étroitement, a consisté à en faire une vraie comédie visuelle. Ce n’est pas du pastiche, de la parodie ou de la satire. On ne voulait pas se moquer mais sublimer tous ces gens », précise le scénariste Martin Douaire.

« Il y a une part d’émerveillement : entre fantastique et humour. Nous recherchions l’élégance plutôt que l’humour à tout prix », précise le réalisateur Antony Cordier.
Un entre-deux qui révèle aussi la personnalité et les influences des deux auteurs : « Martin est un grand fan de Spielberg et je suis fan de Tati », détaille Clémence Dargent. Ce qui introduit ce décalage et ce charme persistant dans le récit.

L’immersion dans l’univers des ovnis s’est étalée sur de nombreux mois. « Nous avons participé à certains soupers ufologiques qui ont lieu près de la Défense. Ce sont des gens qui ont envie d’écouter et de se parler pour comprendre. Il existe finalement plein de façons différentes de parler du phénomène, entre les tenants du tôle-boulons (soucoupes volantes) et ceux qui s’intéressent aux créatures venues d’ailleurs » explique Clémence Dargent.

« Ce qui nous a frappés c’est qu’il y a finalement très peu de canulars, il y a parfois des méprises mais leur démarche est toujours sincère. » Une sincérité troublante… « Ce conflit entre rationnel et irrationnel parle aussi de notre époque. La difficulté a été de rester sur cette ligne de crête entre croyance et scepticisme », reconnaît Martin Douaire.

D’où l’importance du choix du personnage principal. « Melvil Poupaud s’est révélé à travers cette comédie, c’était une grande première pour lui. Nous voulions que notre protagoniste principal soit crédible en tant que scientifique. Melvil fait de Didier, un personnage habité par la science et très vivant. Didier Mathure, c’est un peu Scully qui deviendrait Mulder, à la fin », sourit Clémence Dargent. « La différence c’est que X-Files traite de la paranoïa et de la théorie du complot, alors que notre série parle de l’enthousiasme et de l’espérance » précise Martin Douaire.

Personnages inattendus et lunaires

Pour y parvenir la série peut compter sur l’énergie et l’enthousiasme de deux jeunes acteurs formidables : Quentin Dolmaire et Daphné Patakia, membres du Gepan. « Rémy a une fantaisie et une poésie lunaire qui n’appartiennent qu’à lui, il n’est pas toujours rationnel. » Pour le comédien, ce rôle était surtout une « occasion rêvée de travailler le rythme et le ton de la comédie. »

« Daphné Patakia est une vraie révélation, elle apporte beaucoup d’inattendu. Elle joue toutes les situations à fond. Véra est un personnage un peu insaisissable. Elle apporte quelque chose de très lumineux qui complète bien l’équipe du Gepan » souligne la productrice Pauline Morineau. Et la série ne serait certainement pas aussi magique sans les interventions de Véra.

Afin d’asseoir le sérieux de la série, la production a fait appel à un conseiller scientifique. « L’astrophysicien français Jean-Pierre Luminet a écrit plusieurs livres sur le sujet. Il a dessiné le trou noir en 1979 grâce à des calculs qui se sont vérifiés depuis. Il a relu les textes et contribué à préciser certaines hypothèses », détaille le producteur François Ivernel.
Tous les mystères ne pouvant être éclaircis en un tournemain, une saison 2 d’Ovnis est déjà en cours d’écriture.

Entretiens: Karin Tshidimba