Dix ans après le lancement des nouvelles séries belges, l’enthousiasme des scénaristes, réalisateurs et producteurs est réel, reste à créer des conditions de travail plus optimales pour tout le monde… C’est le mantra de la nouvelle Commission séries attendue en 2024 du côté de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Bien plus que la densité de la forêt wallonne et les secrets d’alcôve, bien plus que les noirs desseins et les âmes torturées, l’argent a été l’objet de toutes les discussions dès les premiers pas du Fonds des séries en 2013. Même revus à la hausse, après les succès de La Trêve et d’Ennemi public en 2016, les budgets serrés des séries belges ont continué à susciter questions et tensions sur les plateaux de tournage. L’ouverture en 2024 de la Commission séries – qui prendra la relève du Fonds séries, après dix ans de bons et loyaux services – permettra-t-elle de mettre un terme à la guerre des nerfs ? On en a discuté avec Emmanuel Roland, directeur de la production au Centre du cinéma et de l’Audiovisuel et avec Marc Janssen, responsable de la Fiction à la RTBF.

La RTBF voulait travailler avec des budgets plafonnés, ce qui a impliqué un certain nombre de conditions parfois délicates sur les plateaux de tournage. Nous sommes parvenus à déplafonner un peu ces budgets”, souligne avec satisfaction Emmanuel Roland, directeur de la production Cinéma au CCA. Selon lui, l’arrivée de la nouvelle Commission séries devrait permettre de voir l’avenir avec plus de sérénité.

« Contrairement au Fonds série, la nouvelle Commission ne sera plus liée à une collaboration directe et exclusive avec la RTBF. Les budgets ne seront plus plafonnés, ce sera aux producteurs et aux coproducteurs de trouver le complément. Notre intervention sera de toute façon majorée puisqu’on passe de 588 000 à 750 000 € tout compris, c’est donc une augmentation de l’ordre de 22 %. Avec la mise en fonction de la Commission séries, nous procéderons à l’instauration d’un matching fonds comme le pratiquent nos amis flamands. Si vous sollicitez 600 000 euros en production au Centre du cinéma – c’est le maximum –, vous devez prouver qu’un éditeur de service va apporter le même montant au minimum”, explique-t-il.

Pas de budget spécifique par formats

”Nous n’irons pas au-delà de ce plafond déjà majoré de 20 %. Notre enveloppe en 2024, hors reports éventuels, sera de 2 100 000 €, ce qui permettra de soutenir un certain nombre de projets en écriture, en développement et en production.” De nouveaux formats sont prévus comme les 26 minutes et les capsules de 5 minutes, mais il n’y a pas d’enveloppe réservée par format. “Tout dépendra des projets soumis à la Commission des séries. Imaginons un programme de cent capsules d’animation de deux minutes, la demande ne sera pas la même que pour des épisodes de 52 minutes. La Commission évaluera l’adéquation entre la demande et le projet déposé.”

Un sujet d’époque, tourné dans les années 60 sur plusieurs territoires, sera forcément plus cher. “On ne s’en tient donc pas à des barèmes trop stricts, il faut tenir compte du contenu de la série proposée, si non ce ne serait pas opérant. En revanche, ce qui est envisagé, c’est que le barème d’une saison 2 pourrait être différent, en fonction du succès engrangé en saison 1 et en tenant compte éventuellement d’un projet plus ambitieux.” Pour soutenir le développement de la série à l’international, par exemple.

De meilleures conditions de travail

À ses yeux, les budgets belges ne sont pas forcément étriqués.
« À part sur les séries de prestige (une par an), nous avons comparé avec ce que font nos collègues flamands, on est exactement dans les clous, et par rapport à nos collègues danois ou italiens aussi. La comparaison qu’il ne faut pas faire, c’est avec le système français, car il ne s’agit pas d’une aide sélective. Nonante pour cent des fonds y proviennent d’un compte de soutien automatique obtenu par le producteur auprès du CNC. On n’y est pas encore chez nous”, note Emmanuel Roland.

« Nous essayons de défendre la diversité culturelle avec des productions de qualité destinées au grand public. Nous voulons défendre la production indépendante et pas uniquement le secteur industriel pour pouvoir obtenir des industries solides ayant suffisamment de moyens pour créer d’autres projets. On essaie de créer un cercle vertueux en matière de production audiovisuelle. Et nous voulons donner suffisamment de moyens au secteur pour qu’il parvienne à cet objectif.”

Une réunion plénière avec l’ensemble du secteur a permis de valider la plupart des éléments budgétaires de la future Commission. “On est dans le peaufinage. On a déterminé les rémunérations minimales à octroyer aux auteurs dans les phases d’écriture et de développement. On sera prêts début 2024, car il faut tenir compte du parcours législatif normal.”

Plus d’ouverture à l’international

« Tout est lié, souligne Emmanuel Roland. On augmente notre intervention de façon significative. Et le fait que les budgets ne soient plus plafonnés permet de s’ouvrir à la coproduction de façon plus importante. Or, on sait qu’en matière de Tax Shelter, les montants que l’on peut lever pour une coproduction internationale sont plus importants que pour une production 100 % belge. Cette ouverture à l’international est dans l’intérêt de tout le monde, y compris de ceux qui travaillent sur les plateaux.”

Le Centre du cinéma participe à un groupe de travail mis en place par Hors champ, la fédération des métiers du cinéma et de l’audiovisuel. “Nous travaillons à un ensemble de clauses imposées dans les procédures d’engagement des techniciens qui travailleront sur les tournages soutenus par le Centre du cinéma. Ce qui permettra de garantir des conditions de travail optimalisées. C’est une réponse à laquelle on tenait beaucoup par rapport aux problèmes rencontrés sur les tournages.” Le texte prévoit une charte de bonne conduite à adopter par l’ensemble du secteur et un vade-mecum avec les clauses à respecter lorsque les projets sont présentés à l’agrément. “Si ces clauses ne sont pas respectées, le projet ne sera pas agréé et ils ne recevront pas l’argent de l’aide à la production. On essaie que l’ensemble de ces mesures soient cohérentes”, insiste Emmanuel Roland.

Des budgets revus à la hausse

17 574 848 € : la somme engagée par la Fédération Wallonie Bruxelles au fil des dix années du Fonds séries.

588 000 € : le barème usuel appliqué par la RTBF et par la Fédération Wallonie-Bruxelles, soit 1 176 000 € pour une série de 10 épisodes (10 x 52 minutes) dans le cadre du Fonds séries.

Désormais les nouveaux barèmes seront les suivants:

25 000 € en écriture au lieu de 17 500 €

150 000 € en développement au lieu de 115 000 €

600 000 € en production au lieu des 473 000 €. « Mais “si vous sollicitez 600 000 euros en production auprès du Centre du cinéma (c’est le maximum), vous devez prouver qu’un éditeur de service va apporter le même montant au minimum”, rappelle Emmanuel Roland.

Entretien: Karin Tshidimba